Le thème de l’audience solennelle de la rentrée judiciaire de la Cour suprême pour l’année judiciaire, relatif à la grève en milieu judiciaire, a inspiré au chef de l’Etat des interrogations qu’il n’a pas manqué de partager avec l’assistance.
Par Gnona AFANGBEDJI
La problématique de la grève en milieu judiciaire préoccupe le gouvernement à plus d’un titre. Le chef de l’Etat ne pourrait donc rater l’occasion de l’audience solennelle de rentrée judiciaire de la Cour suprême pour verser sa réflexion au débat. D’entrée, Boni Yayi a rappelé la place capitale de la justice dans toute société engagée dans la construction d’un Etat de droit.
«Nous devons relever le défi de faire de notre institution judiciaire le pilier et le rempart de l’Etat de droit et de la démocratie dans notre pays. La construction d’un Etat de droit serait vaine lorsque la justice n’est pas au rendez-vous», indique-t-il, rappelant ses propos tenus lors de la précédente audience.
Le président de la République soutient que les Béninois doutent toujours de l’impartialité de la justice et de sa capacité à répondre efficacement à leurs besoins de justice.
Il reconnait donc que le thème contribue à nourrir la réflexion sur les mesures à mettre en œuvre pour assainir le milieu judiciaire et garantir l’application des décisions de justice. S’il réaffirme l’adhésion du gouvernement au principe de droit de grève et reconnait que la justice demeure le pilier et le rempart de l’Etat de droit, Boni Yayi soutient qu’il faut admettre que la justice ne doit pas être considérée comme un service public ordinaire de l’Etat.
«Elle est un pouvoir chargé de la régulation des rapports sociaux et institutionnels et toute atteinte à ce fondement de la vie en société compromet l’Etat de droit», défend-il. Du coup, le président de la République pose une série de questionnements sur le bien-fondé ou non de l’exercice du droit de grève en milieu judiciaire.
Une entrave au droit !
« La justice peut-elle se permettre d’interrompre, même momentanément, sa mission dans la société ?», se demande-t-il. Boni Yayi estime que, de par les dysfonctionnements et les lenteurs qu’ils engendrent en milieu judiciaire, les mouvements de grève menés souvent même sans service minimum et sans réquisition, sont de nature à fragiliser l’appareil judiciaire et par conséquent l’ensemble du système démocratique.
«Combien de nos concitoyens n’ont-ils pas vu leurs dossiers non vidés ou longtemps en souffrance du fait des mouvements de grève dans nos tribunaux avec tous les préjudices moraux, physiques, familiaux et financiers subséquents», poursuit-il. Et d’en déduire : «La grève en milieu judiciaire peut aussi être perçue comme une entrave au droit légitime d’accès à la justice pour tous, consacré par le droit international et que la justice a justement pour mission de sauvegarder et de défendre ».
Le chef de l’Etat se demande alors si le moment n’est pas venu de s’inspirer des expériences des grandes démocraties du monde, où par souci de préserver la continuité du service public et protéger ainsi les droits du citoyen, l’exercice du droit de grève est refusé aux magistrats afin de respecter leur neutralité et d’éviter ainsi de s’opposer à la République. Tout au moins, avance-t-il, dans les rares pays où l’exercice du droit de grève est accordé aux magistrats, la loi impose la pratique du service minimum et l’application des mesures de réquisition. Il propose donc que le débat soit poursuivi à l’occasion de la tenue prochaine des états généraux de la justice en vue d’ouvrir des perspectives plus prometteuses pour le système judiciaire béninois....