Au marché de Dantokpa, les échanges se font par endroit dans une insalubrité notoire. Aux abords des collecteurs qui drainent les eaux usées vers la berge lagunaire, une odeur peu ordinaire se mélange à l’air. Impuissants, les usagers s’y habituent.
Difficile d’y passer quelques minutes sans pincer les narines. Sous ce chaud soleil de mi-mars, les caniveaux en face du Ceg Dantokpa dégagent toutes sortes d’odeur. Clarisse Tossou, élève dans cet établissement public, pour traverser ces collecteurs à ciel ouvert, a dû attacher un foulard sur le nez. « Ça sent si mauvais que toutes les fois que je prends par ici, il me faut boucher mes narines », confie-t-elle. Le geste de cet élève n’a rien de singulier. Rose, un usager du marché venue s’apprivoiser en tomates, peine à supporter l’odeur. Elle empresse la vendeuse pour être vite servie afin de quitter les lieux. « Je ne comprendre pas comment les gens arrivent à inhaler ces odeurs à longueur de journée », s’enflamme-t-elle. A peine, a-t-elle fini qu’une riveraine s’avance et verse une eau usée dans les caniveaux.
« Nous sommes déjà habitués »
A force de fréquenter ces lieux, certains usagers se sont habitués à ces odeurs putrides que dégagent les rigoles. D’autres ne peuvent s’empêcher de payer des nourritures exposées à tous les risques. « Au début, j’avais du mal à rester ici pour manger et même à respirer. Mais avec le temps, je me suis habituée et je suis maintenant indifférente aux odeurs », martèle Chantal, une revendeuse de tomates. A quelques mètres du quartier général des vendeuses de tomate, des jeunes font descendre des paniers remplis de tomates de deux camions. Juste à côté, des conducteurs de taxi-moto et des commerçantes prennent le déjeuner. Jean, la trentaine, s’empresse lui aussi de se faire servir, après avoir déchargé quelques paniers. Il se déplace et se met en retrait pour finir son plat. « Je me suis déplacé à cause du manque d’hygiène qu’il y a dans cette zone. L’aspect physique des caniveaux peut vous priver d’appétit. Mais nous, nous sommes déjà habitués », déplore-t-il. Des papiers, des sachets, des paniers, des sacs et biens d’autres objets planent à la surface des eaux usées qui repoussent par leur coloration à la fois verdâtre et noirâtre.
Agir maintenant !
La situation est telle que des organisations de protection de l’environnement s’en préoccupent déjà. Il y a quelques semaines, la ‘’Brigade verte’’ avait fustigé cette insalubrité qui dépasse l’entendement. « Ce qui se passe à Dantokpa, un marché international situé au cœur de la ville est ahurissant. Nous ne sommes limités qu’à un rôle de lanceur d’alertes face à cette situation et au demeurant nous pourrons continuer la sensibilisation », se plaint Bidi Edouard, coordonnateur de la ’’Brigade verte’’.
Interpellé sur cette problématique, Mensah Rémi, élu local à Dantokpa voit que la situation est de moins en moins criante, puis dénonce l’insouciance des usagers. « Au moins deux fois par semaine, les gens de la mairie viennent vider les caniveaux. Mais le problème est qu’il s’agit d’une question d’incivisme. Lorsque vous entrez dans le marché, les bonnes dames urinent dans les sachets et déversent cela sur les pavés », fustige-t-il avant de proposer que les auteurs de cet incivisme soient sanctionnés. « L’autorité des élus n’est pas respectée. Nous n’avons pas cette largesse de prendre des mesures répressives contre ceux qui commettent des infractions », déplore Rémi Mensah. Chacun des acteurs se renvoie donc la balle, bien que conscients des atteintes que cela porte à l’environnement, à la santé des usagers et à l’image du marché.
Christian ATCHADE (Stag)