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Patrice TALON au sujet de la situation politique liée aux législatives : « Il ne faut pas que la volonté d’agir nous fasse sortir du cadrage constitutionnel »

Publié le lundi 15 avril 2019  |  Fraternité
52e
© Présidence par DR
52e session de l`Assemblée parlementaire ACP & 36e session de l`Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE
Du 28 Novembre au 5 Décembre 2018. Cotonou (Dakar). S.E.M Patrice Talon à la 52e session de l`Assemblée parlementaire ACP & 36e session de l`Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE.
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Très attendu sur la situation de crise liée à la non-participation de l’opposition aux législatives du 28 avril 2019, Patrice Talon a laissé parler son cœur. Dans un entretien exclusif diffusé sur la télévision nationale et d’autres médias, le Chef de l’Etat a réaffirmé son engagement pour la consolidation de la démocratie béninoise, dont dépend la réforme du système partisan. Pour Patrice Talon, la sélection des partis conformément au code électoral a été rude, mais, martèle-t-il, que c’est par des manœuvres que deux partis sont sortis du lot, ce n’est pas honnête. Le Chef de l’Etat a aussi expliqué pourquoi la solution à cette crise ne peut être la prise d’une ordonnance. Lire l’intégralité des explications fournies par le Président Patrice Talon qui invite la classe politique à préserver la paix.
Monsieur le Président de la République, pourquoi cette réforme apparemment trop contraignante et qui, finalement, plonge le pays dans une crise politique inédite ?
Je vais d’abord faire un commentaire sur votre introduction, monsieur Sounounou, belle et assez poignante mais qui matérialise un fait très simple : ainsi va la vie dynamique. Une vie dynamique est faite d’espérance, de fierté, de stress, parfois de déception, de questionnements mais à la fin le bilan peut-être à la hauteur de l’espérance. Mais au quotidien, le stress de l’action, les questionnements révèlent bien le caractère dynamique de la vie, surtout la vie en communauté. C’est pour ça qu’il n’y a pas à désespérer parce qu’il y a des questionnements en cours de vie.
Vous avez introduit, monsieur Dossa, cette question de manière frontale. Pourquoi cette réforme ? Je dois vous avouer et je m’en voudrais de ne pas le dire, cette réforme du système partisan n’a pas été une initiative de Patrice Talon, du président Talon. On l’oublie trop souvent et il convient de rétablir cette vérité. Nous avons, les Béninois tout entiers, toutes tendances confondues, toutes classes politiques confondues, nous avons tous conscience de l’état de déliquescence du système partisan. Depuis la Conférence nationale, nous avons opté pour instaurer un système partisan pluraliste, et qui, depuis, a fait ses preuves et son chemin. Il est malheureusement à constater que c’est davantage les perversions de ce système qui le caractérisent aujourd’hui ; et ne rien faire serait une faute de la classe politique. C’est bien pour ça qu’en 2015, à l’entrée en mandature de la 7ème législature qui est en cours, cette question a été évoquée et les députés, par la voix du président élu, ont indiqué que cette mandature sera celle de la réforme du système partisan. Je n’étais pas au pays.

C’est une question récurrente d’ailleurs depuis fort longtemps
Question récurrente. Et puis en 2018, il y a deux séminaires parlementaires auxquels ont été associés bon nombre de partis politiques, de leaders politiques même non présents au Parlement et de consensus général, il a été admis qu’une réforme s’avère nécessaire. Je dois dire que depuis 3 ans que je suis dans la fonction, la charge, je mesure encore davantage combien il est nécessaire de réformer le système partisan qui, selon notre Constitution, est le système par lequel la Cité doit être gouvernée. Nous sommes dans un système démocratique, les partis politiques animent la vie politique et exercent le pouvoir aussi bien parlementaire qu’exécutif, en principe. Mais ce n’est pas le cas. Nous sommes dans un système présidentiel et le pouvoir essentiel est celui-là. Le pouvoir exécutif. Donc théoriquement, ceux qui ont en charge d’animer la vie politique devraient pouvoir exercer ce pouvoir-là. Mais depuis 1990, on peut observer qu’aucun parti politique n’a été en mesure de conquérir le pouvoir présidentiel, exécutif.

La preuve, vous qui êtes là…
Que ce soit le président SOGLO qui a été Premier Ministre à l’issue de la Conférence nationale, qui est devenu président de la République, le président KEREKOU 2, le président Boni YAYI puis moi-même, aucun n’a été porté par un parti politique ; et qu’est-ce qui se passe ? Quand les présidents sont en fonction, autour d’eux s’agglutinent des partis politiques, des leaders politiques, des mouvements politiques pour les accompagner dans l’exercice du pouvoir et à leur départ, tout s’effondre. Or, ce n’est pas ce modèle qui est celui que nous avons choisi. De sorte qu’il n’y a pas de parti politique suffisamment fort, suffisamment influent, qui ait l’envergure nationale qu’il faut pour conquérir et exercer le pouvoir politique de manière homogène. Je le constate aussi dans ma fonction actuelle. Je vois combien il est difficile de former un Gouvernement avec des groupes politiques homogènes. Il y a quelque chose peut-être que le peuple ne sait pas mais qui caractérise désormais notre système partisan, c’est que la classe politique, les forces politiques présentes au Parlement sont en permanence dans des relations incestueuses, perverses avec l’Exécutif. Ce sont des négociations de couloirs, toutes sortes de marchandages, et chacun négocie son soutien au Président de la République en échange de quelque chose et non en fonction d’un idéal.
Vous voulez parler de la difficulté à composer, à former un gouvernement avec des groupes hétérogènes qui s’agglutinent mais pas homogènes.
La difficulté, ce n’est pas dans le choix des hommes qu’il faut mais dans la possibilité d’avoir une équipe homogène. Cela est impossible. Et même dans les cabinets ministériels. Vous donnez un ou deux portefeuilles ministériels à un groupe politique, qui va être le ministre est un problème. Même s’ils parviennent à trouver celui qui va être le ministre, le groupe politique hétéroclite va lui imposer un Directeur de Cabinet d’un tel bord, un Directeur adjoint de Cabinet d’un autre bord, un Secrétaire général d’un autre bord de sorte que ni le Gouvernement ni les équipes ministérielles ne sont homogènes, ne sont capables de travailler en synergie. Le peuple ne mesure pas ce que c’est comme perversion et combien ça handicape la bonne gouvernance et la gestion convenable du pays. Je n’irai pas plus loin parce que mon rôle n’est pas de tirer sur la classe politique mais c’est de contribuer à l’amélioration des choses. Je veux dire que ce choix qu’a fait la classe politique toutes tendances confondues pour réformer le système partisan, est à saluer. Je l’ai salué, je l’ai appuyé et bien que n’ayant pas été à l’origine.

Quand bien même le candidat Patrice TALON a porté des propositions de réformes institutionnelles et politiques…
Je l’ai signalé pendant que j’étais candidat ; à mon avènement dans la fonction, je l’ai signalé également mais ce genre de réformes relève davantage de la volonté politique et de l’action politique que de l’action de gouvernance de l’Exécutif. Et c’est pour ça que l’ère des réformes ayant permis la chose, les députés ont été dans cette dynamique et ont mis en place cette réforme en votant deux lois, l’une relative à la Charte des partis, et l’autre au Code électoral. Ces deux lois ont consacré une réforme osée, courageuse mais nécessaire.

Nous y voilà. Des réformes qui ont conduit à une impasse, vous l’avez dit vous-même, parce que ça a conduit à la validation des deux listes de partis qui vous adoubent et à l’exclusion des partis d’opposition. Là, il y a maldonne. La question, c’est de savoir si ce n’était pas suspect… Au fond, ces réformes que vous avez portées, je présume que vous y avez adhéré, où est-ce qu’il y avait le mal ? C’est quoi l’intention ? Vous avez envie de vous débarrasser de la vieille classe politique comme on vous soupçonne de faire ?
Moi, je n’ai jamais dit que l’issue de ce processus nous a conduits dans l’impasse. Je n’ai jamais dit ça. Je n’ai jamais utilisé ce mot. C’est vrai que ce qui se dessine n’honore pas l’image de la démocratie béninoise. Je l’ai dit, je l’ai constaté et j’en ai été bien désolé mais nous ne sommes pas dans l’impasse. Il faut le dire, il faut le rétablir. C’est par abus que nous le disons. Ce n’est pas parce que ce qui se passe n’honore pas l’image démocratique du Bénin que cela constitue un blocage du fonctionnement démocratique du pays. Pas du tout.

Fonctionnement démocratique, vous avez dit, Monsieur le Président ?
Tout à fait parce que le fonctionnement démocratique, c’est bien ce qui permet à chacun d’apprécier l’image, le fonctionnement démocratique du pays. Est-ce que chacun apprécie convenablement le processus politique, démocratique du pays ? Malheureusement, non.
La compétition politique est par définition sélective. Ce n’est pas parce que tout le monde participe au débat politique et concourt au choix des dirigeants que tout le monde dirige à la fois, que tout le monde exerce à la fois les fonctions politiques. Le processus de sélection des acteurs politiques, des dirigeants politiques, est par définition sélectif, donc forcément discriminatoire. Le problème auquel nous sommes confrontés est celui-ci : nous avons jugé nécessaire, nous tous, de réformer le système partisan de sorte que les partis politiques soient plus forts, plus représentatifs, avec une envergure nationale avérée et qu’ils puissent fonctionner de manière démocratique afin que les valeurs émergent plutôt que ce soient les présidents ou les mécènes qui décident au niveau des partis. Donc la réforme a été conçue pour être contraignante. La réforme a pour vocation de forcer la main aux acteurs politiques à la fusion, à la constitution de grands partis politiques afin qu’ils soient capables de conquérir le pouvoir exécutif, de l’exercer de manière homogène et de ne plus introduire dans ce système, comme on peut le constater aujourd’hui qu’au Parlement, il y a des individualités qui exigent des contreparties pour leur soutien au pouvoir avec des exigences d’ordre individuel qui, en définitive, pervertit le système. Donc cette réforme a vocation à forcer la main aux acteurs politiques pour aller à l’union et former quelques 3 ou 4 grands partis politiques dans le pays. Cette contrainte est effectivement de nature à gêner et à rendre la compétition plus difficile

Comment se fait-il, monsieur le Président de la République, que ce soient vos partisans qui aient réussi le défi du rigorisme qu’on observe dans l’applicabilité de ces lois ? N’est-ce pas ce qui paraît suspect aux yeux de l’opinion ?
Le casting auquel nous avons assisté et qui a abouti à cette compétition qui va s’ouvrir avec deux formations politiques est de nature à discréditer notre bonne foi collective, à discréditer notre modèle démocratique mais il faut discerner. Est-ce que les deux structures qui ont été en charge de qualifier les candidats, de qualifier les partis politiques, je veux parler du ministère de l’Intérieur qui avait pour rôle de donner aux formations politiques l’accréditation nécessaire de parti politique puis de la CENA qui a pour rôle de qualifier les partis politiques quant à leur rôle de compétir par rapport au Code électoral. Le respect des dispositions de la Charte des partis a été de la compétence du ministère de l’Intérieur et celui du Code de la compétence de la CENA. Je concède que ceux qui n’ont pas pu franchir l’étape du ministère de l’Intérieur suspectent celui-ci de n’avoir pas agi de manière équitable. C’est légitime, c’est humain quoique je peux vous affirmer que nous avons veillé, le Gouvernement a veillé et moi-même personnellement, à ce que la sélection soit certes rigoureuse mais juste et équitable. Mais est-ce qu’au niveau de la CENA on peut reprocher à Patrice Talon, au Gouvernement ou au ministre de l’Intérieur d’avoir influencé, d’avoir entrepris la CENA pour agir de manière partisane et écarter des partis politiques qui sont arrivés à l’étape de la sélection par rapport au Code électoral ? Il faut être sincère, il faut être honnête sur la question. Personne ne peut me soupçonner d’avoir une relation du genre avec la CENA qui a donné les preuves de son honorabilité depuis des lustres et qui constitue depuis des temps notre fierté. Les membres de la CENA n’ont pas changé. Ceux qui sont là, je suis venu les trouver en place. Je peux vous dire combien ils sont reconnus pour leur indépendance et leur impartialité. 5 partis politiques ont pu réunir les conditions nécessaires exigées pour participer, mais à la phase CENA, trois ont été éliminés. Et parmi les partis qui ont été éliminés, il y a bien des partisans qui n’ont pas également franchi cette étape. Ce qu’il faut constater tout simplement est que la sélection, elle est rude, difficile et peut-être un peu au-dessus de nos compétences. Peut-être ! Mais dire que c’est par des manœuvres que deux groupes politiques sont sortis du lot, ce n’est pas honnête.

Monsieur le Président pour remédier à cette situation qui constitue aujourd’hui un gros souci pour l’expérience démocratique en cours dans notre pays depuis 30 ans, vous avez invité le Parlement à s’investir dans la recherche d’une solution politique. Étiez-vous sincère, sinon comment comprendre l’échec de cette initiative au Parlement ? Pourquoi n’avez-vous pas pu, monsieur le Président contraindre, forcer la main à vos partisans ?
Qui n’a pas envie de plaire à l’opinion publique ? Qui n’a pas envie de séduire ses concitoyens ? Qui n’a pas envie d’avoir une bonne image ? Je l’ai dit et je veux bien le répéter, l’issue de ces deux phases de qualification n’est pas quelque chose qui me donne à être fier, satisfait parce que je sais combien cela est suspectable, combien cela entache mon image personnelle et l’image du pays tout entier mais je n’ai pas à mon niveau, comme un souverain absolu, à remettre en cause ce qui est réglementé, structuré par la Constitution et les lois. C’est pour cela que j’ai invité les partis politiques présents au Parlement, le Bureau de l’Assemblée nationale, le président de notre Assemblée, à trouver les solutions, les voies consensuelles permettant de corriger cette mauvaise image. Une chose est de réussir une réforme, une autre est également de pouvoir maintenir la bonne image démocratique du Bénin donc je suis soucieux de cela. Mais vous savez très bien qu’à cette étape-là, dans un processus électoral qui est à quelques jours de son épilogue, il n’est pas possible que des modifications soient apportées au dispositif sans un certain consensus. Et c’est à cela que j’ai appelé les uns et les autres sous la direction du président de l’Assemblée afin que la solution qui serait trouvée soit consensuelle et même si cela devrait écorcher un peu la dynamique de la réforme, elle puisse sans remettre en cause le principe global de la réforme, gommer cette impression d’une démocratie qui s’essouffle. C’est pour ça que j’ai prié le président de l’Assemblée, les uns et les autres, d’aller à cette négociation et de proposer une solution à laquelle, j’étais d’ores et déjà acquis quel que soit ce que ça serait pourvu qu’il y ait consensus. J’ai utilisé toute ma force de persuasion pour convaincre ceux qui se réclament être mes partisans. J’ai noté avec satisfaction et vous l’avez peut-être su vous-même que les premiers jours ont pu consacrer un certain consensus. Un comité a été mis en place par la majorité parlementaire et la minorité parlementaire, ceux qu’on appelle l’opposition et ils ont abouti à quelque chose de consensuel qui, sans remettre en cause le principe même de la réforme, devrait permettre à ceux qui ont été recalés d’être rachetés, qu’ils puissent se mettre à jour et rentrer dans la compétition aux conditions les plus essentielles qui ont été fixées et qui consacrent la réforme. Nous étions prêts à applaudir et à rentrer dans cette satisfaction quand la minorité parlementaire qu’on appelle opposition, a remis en cause ce consensus et a exigé le retour en arrière pur et simple ; a exigé que la nouvelle loi portant Code électoral et celle portant Charte des partis soient purement et simplement mises de côté et que la réforme en cours soit différée. Je pense que ça a été une erreur fondamentale et la situation actuelle dans laquelle nous sommes, ils en sont quelque peu responsables.

A un moment, vous vous êtes dit : advienne que pourra. On ne peut pas vous soupçonner vous, monsieur le Président de la République, de n’avoir pas donné assez de gage, de volontarisme, de voir évoluer la situation vers une solution consensuelle. Mais quand vous l’avez exprimé et face à ce blocage, ces atermoiements de la classe politique y compris les vôtres au Parlement où il y avait une guéguerre de chantage, on avait espéré vous voir vous hisser à nouveau dans ce rôle de chef, père de la Nation pour les rassembler et ensemble trouver de solutions pratiques parce que les blocages étaient surtout administratifs, pour trouver le quitus, pour trouver le certificat de conformité.
Non, Non. Vous avez dû constater depuis que le défaut de consensus n’est pas lié aux détails de documents et pièces à fournir. Les choses ont beaucoup évolué. Les partis de la minorité parlementaire, notamment ceux qui se réclament de l’opposition, ont trouvé l’occasion de remettre complètement en cause ce qui était déjà un acquis pour tout le monde, c’est-à-dire le besoin de réformer le système partisan. Je les comprends. C’est en cela qu’il faut savoir discerner. Vous avez sûrement entendu parler de l’article 242 du code électoral. On ne l’a pas dit souvent et l’opinion ne sait peut-être pas. Une chose est qu’on trouve les moyens aux uns et autres de participer à la compétition, trouver les voies et moyens pour que les conditions de sélection soient assouplies, que les gens puissent participer à la compétition politique, (Faites bien attention à ce que je dis) il y a deux étapes : Les conditions de qualification pour participer à la compétition politique et les conditions pour aller au Parlement. Il faut être d’abord qualifié. Tout le monde était d’accord qu’on ferme les yeux sur certaines dispositions pour permettre au plus grand nombre de participer à la compétition électorale. Mais, ceux qui l’exigent ou ne veulent pas que la réforme tienne, leur problème est que les conditions pour enlever des sièges sont trop contraignantes voire trop sélectives pour eux. C’est à raison que ne voulant pas faire les sacrifices nécessaires exigés par le code électoral, disent nous voulons aller aux élections et pouvoir enlever des sièges à leurs conditions. Mais la réforme dit quoi exactement ? Elle dit : désormais au Bénin, les partis politiques ne doivent plus être des partis politiques de quartier, de commune, de circonscription électorale, de régions, mais des partis politiques d’envergure nationale. Que la mosaïque des partis politiques soit de 40 voire 50 pièces. Aujourd’hui au Parlement, il y a plus de 30 partis politiques représentés. Tout ce que vous avez en dehors d’un ou deux partis politiques, comme le PRD, tout le reste n’est pas parti politique mais des coalitions de partis. Les partis ont un ou deux députés. Nous avons quelque chose qui n’est pas du tout homogène qui empêche l’exercice parlementaire. La classe politique a trouvé qu’il est temps qu’il y ait au Parlement des partis politiques bien représentatifs et non des partis qui viennent chacun avec un député. Donc, des conditions sont fixées dans le code électoral dont l’une des conditions, dit : Un parti qui va à la compétition électorale (législatives) et qui doit enlever un siège, doit avoir une envergure nationale, c’est-à-dire recueillir au moins 10% des suffrages exprimés au plan national. C’est très contraignant. Et beaucoup de partis politiques dans l’état actuel des choses, ne sont pas capables de satisfaire cette exigence. Vous comprenez donc quand les gens se disent qu’ils sont de l’opposition, et veulent satisfaire à cette obligation de créer de grands ensembles, voulant toujours demeurer présidents de partis politiques, garder leur fonds de commerce pour négocier avec l’Exécutif pour avoir des postes de responsabilité, des fonds de commerce dont ’il faut se départir pour former des grands ensembles, évidemment, renoncer à cela est un sacrifice énorme qu’ils n’étaient pas disposés à faire. Donc, refuser les conditions actuelles c’est légitime pour eux. Indirectement, on parle d’exclusion. Mais dans les faits, ces partis politiques, n’ont rien fait désormais que d’exiger la remise en cause de la réforme des partis politiques afin que les choses restent en l’état comme depuis toujours. Je dois avouer que ce n’est pas admissible. Parce que nous avons l’obligation de corriger nos travers, nos perversions afin que le pays évolue. Donc le problème auquel nous sommes confrontés aujourd’hui, d’ailleurs, j’ai lu une tribune hier qui a été écrite par d’éminentes personnalités du pays mais qui ont leur opinion. Le problème qui est posé, c’est les deux lois. Le code électoral n’est pas rédigé pour satisfaire de manière explicite quelqu’un. Ce sont des conditions posées auxquelles tout le monde doit satisfaire. Il n’a pas été dit que des partis de telle couleur sont dispensés de telles exigences et que les partis de telle ou telle couleur sont astreints à respecter ces dispositions-là. Le code s’impose à tout le monde. Ceux qui ne sont pas dans le dynamisme du respect du code, exigent que le code soit abandonné.

Quand vous avez fait tous ces efforts, votre bonne volonté à œuvrer pour une solution consensuelle et que cela n’a pas abouti au Parlement, pourquoi ne prenez-vous pas une ordonnance ?
L’ordonnance, ce serait pour dire quoi ? Pour abroger la Charte et le Code. Pour remettre en cause la réforme voulue et décidée par la classe politique toute entière. Il faut signaler que c’est seulement à la mise en œuvre qu’il y a revirement. Donc moi qui ai choisi de faire des réformes nécessaires, courageuses, quand il s’agit de la réforme majeure, qui concerne la classe dirigeante, je dois remettre en cause cette réforme par autorité ? Pour rappel, la Charte des partis politique est votée par la quasi-unanimité y compris par ceux qui refusent aujourd’hui sa mise en œuvre. Ils savaient bien et je les comprends. On prône l’idéal mais quand il s’agit de respecter les conditions de réalisation de cet idéal, chacun en lui, commence par rechigner et cherche les voies et moyens pour contourner les conditions de l’idéal. Et quand on ne parvient pas à contourner les conditions de l’idéal, on remet en cause l’idéal. Mais il n’en demeure pas moins que cet idéal est reconnu de tous. Donc je n’ai pas dans mon rôle à remettre en cause un idéal défini et fixé par la classe politique toute entière, et parce qu’à l’occasion de sa mise en œuvre certains ne veulent plus, et pour jouer au bon Président, sauver l’image de la démocratie, gommer la mauvaise perception de la chose, je remets en cause ce qui est fondamental. Il faut choisir : entre ce qui est fondamental et ce qui relève de l’accessoire, il faut faire quoi ? Mon choix, il est clair. Même les réformes les plus difficiles, si elles sont pertinentes, nous avons l’obligation de les opérer. Maintenant au-delà de ça. Admettons que je sois disposé à remettre en cause la réforme pour la convivialité comme on aime bien le dire, c’est-à-dire pour la paix et la sécurité de tous, et favorable à ce qu’on diffère cette exigence des réformes. Ce que me demandent quelques leaders que je reçois ou je lis, c’est de prendre une ordonnance pour imposer ce que le Parlement n’a pas fait. Si le Parlement décide de remettre en cause la Charte et le nouveau Code électoral, je vais me conformer, on va se conformer tous. Mais si le Parlement ne le fait pas et maintient la charte des partis politiques et le Code électoral après les discussions, pour soigner l’image de la démocratie, je vais, comme souverain absolu, prendre une ordonnance et légiférer dans un domaine qui n’est pas le mien ?! Et dire voilà ce que sera désormais la Charte des partis politiques et le Code électoral. Je voudrais signaler que notre Constitution ne permet pas au Président de la République de légiférer dans tous les domaines. Quand on parle d’ordonnance, de manière classique, la Constitution permet au Gouvernement en place ou au Président de la République de légiférer pour la mise en œuvre de son programme d’action en cas de blocage. On prend des ordonnances dans un champ bien déterminé. On ne prend pas une ordonnance pour fixer un nouvel ordre politique. Et cela ne se fait dans aucun pays démocratique. Le jour où on fait cela, c’est qu’on a mis à terre tous les fondements de la démocratie. Parce que la compétition électorale est la chose fondamentale dans un système démocratique. Et il ne revient pas à un homme, fût-il Président de la République, de décider par lui et lui seul, d’un processus électoral. C’est cela qui est gênant. Ceux qui évoquent l’article 68 de la Constitution, cet article ne parle pas des prérogatives du Président de la République à utiliser la voie de l’ordonnance pour agir. L’article 68 permet au Président de la République de prendre des mesures exceptionnelles quand il y a blocage des institutions, remise en cause de l’indépendance du pays, quand le territoire est en danger, bref dans des conditions extrêmement limitées. Evidemment au titre des mesures exceptionnelles, il peut avoir une ordonnance ou une déclaration après consultation du président de l’Assemblée nationale. Mais la Constitution a encadré cela. L’article 69 qui suit l’article 68, précise que les mesures exceptionnelles doivent être prises dans le sens de la préservation des prérogatives des institutions de la République de sorte à permettre le bon fonctionnement rapide des institutions. Ces mesures doivent avoir pour objectif le retour à l’ordre dans un meilleur délai. Or dans le cas actuel, les institutions ne sont pas bloquées, le Parlement n’est pas bloqué. La commission des lois a fonctionné. Les débats ont eu lieu, les votes ont eu lieu. Donc puisque le Parlement n’a pas fait ce que je lui demande (modifier les lois en cours), je prends une ordonnance, je prends des mesures exceptionnelles pour retirer au Parlement ses prérogatives, pour fixer de nouvelles conditions ? Ce serait un coup d’Etat, contraire à la Constitution.
Nous avons un problème, nous avons une contrainte. Nous avons adopté une Constitution depuis 1990 qui dit comment telles et telles prérogatives doivent être exercées. Je consulte les composantes de la société y compris les anciens présidents de la République. Ceux-ci me prient d’aller dans un sens et je transmets à l’institution politique en charge, qui a pouvoir en cette matière, mais cette institution politique refuse de donner suite à ma requête. Cette requête a beau provenir d’une large consultation que je prends soin de transmettre à l’institution qui ne suit pas ma requête. Est-ce que cela signifie que l’institution est bloquée ? La Constitution a donné au Parlement ce pouvoir de manière exclusive. Est-ce que à tout moment ce que souhaitent quelques leaders, même beaucoup de leaders, s’impose aux institutions ? Je vous dis ce que prévoit l’article 4 de la Constitution : « Le peuple exerce sa souveraineté par ses représentants élus et par voie de référendum. Les conditions de recours au référendum sont fixées par la présente Constitution et par une loi organique. La Cour constitutionnelle veille à la régularité du référendum et en proclame les résultats ». Le premier alinéa dit que « le peuple exerce sa souveraineté par ses représentants élus et par voie de référendum ». Il y a deux moyens par lesquels notre Constitution permet de solliciter l’avis du peuple. Soit par le parlement où siègent les élus du peuple. Quand le Parlement se prononce pendant sa mandature, c’est au nom du peuple. Si l’on veut solliciter l’opinion du peuple en dehors du Parlement, c’est par voie référendaire. Donc le fait que Patrice Talon recueille des avis des uns et des autres et demande au Parlement une loi en ce sens et que le Parlement ne le fait pas, nous devons pour le respect de la Constitution, nous y conformer. Et je n’ai pas le pouvoir pour prendre une ordonnance pour dessaisir le Parlement de ses prérogatives. Et surtout pas en matière électorale. Même à titre exceptionnel, l’exception sera que ce modèle est désormais établi au Bénin. Je prie mes concitoyens de ne pas permettre qu’il soit établi au Bénin quelles que soient les raisons, qu’un Président de la République organise des élections par sa seule volonté, quand bien même cette volonté relèverait d’une certaine consultation ou concertation. C’est trop dangereux ! Parce que dans deux ans, dans trois ans, mon successeur peut également à tout moment s’en servir pour modifier le processus électoral à son goût.

Des propositions vous sont faites dans ce sens. Avez-vous une aversion à ce sujet ?
Vous voulez parler d’une conférence nationale ?
Pas du tout ! Au contraire, certains me disent Monsieur le Président, à défaut de prendre une ordonnance par vous-même, puisque vous ne voulez pas violer la Constitution ni faire un coup d’Etat, pourquoi ne pas convoquer une conférence nationale ? Je convoque une conférence nationale à titre consultatif ou à caractère décisionnel ? Alors si c’est à caractère consultatif, c’est déjà fait. Puisque j’ai transmis au Parlement le souhait et la volonté d’un grand nombre. Si demain je réunis à nouveau toutes les classes sociales et je transmets à nouveau les conclusions. Si le parlement refuse à nouveau d’aller dans ce sens ? Ce n’est pas un blocage. Les lois votées par le Parlement s’imposent à tout le monde même si nous ne sommes pas d’accord jusqu’à ce qu’un autre Parlement vienne changer les choses. C’est cela que nous appelons l’ordre constitutionnel des choses. Donc une conférence à titre consultatif ne servirait à rien. Il nous faut à nouveau une conférence souveraine qui va dire ce qui va se faire dans le cadre des élections en cours et ces décisions s’imposent à la Nation entière et les institutions. Mais si cette assise nationale a ce caractère décisionnel, souverain, cela veut dire simplement que l’ordre constitutionnel actuel est remis en cause.

Si cette décision est juste portée sur la question de la crise électorale, juste cela,
Si la cité devait fonctionner ainsi à chaque controverse, si la Cité devrait fonctionner ainsi à chaque instant, chaque fois qu’il y a un problème, chaque fois qu’il y a un incident, chaque fois qu’il y a une controverse, on déroge à la Constitution.
Non, non, suivez bien, écoutez bien. Parce que nous avons l’obligation de gérer la Nation. Et moi j’ai prêté serment pour respecter et protéger la Constitution. Je ne peux pas, l’article 4 de la Constitution n’autorise pas la convocation d’assises politiques, la convocation de conférences nationales souveraines. Elle n’autorise pas, et ça les gens ne le savent pas.
Notre Constitution actuelle interdit la consultation du peuple par la voix de Conférence nationale à caractère décisionnel parce que cela est une remise en cause de l’ordre constitutionnel. La Constitution n’a prévu que deux voies de consultation du peuple. C’est la consultation du parlement ou le référendum. C’est pour cela que je ne peux pas convoquer une conférence nationale ou une assise en cette matière aujourd’hui, et lui donner un caractère impératif, capable donc de prendre une décision en cette matière.
Si je le fais, je remets en cause l’ordre constitutionnel actuel, et cela, quand j’ai rencontré il y a quelques jours les présidents des Institutions de la République, laquelle réunion a été élargie au président de la CENA et au Médiateur, j’ai posé la question à chacune de ces personnalités de manière personnelle : « Êtes-vous favorable Monsieur/Madame à la remise en cause de l’ordre constitutionnel actuel ? » Tout le monde m’a répondu : « Il n’en est pas question ».
Quand je reçois des personnalités politiques diverses à l’occasion de cette affaire et que je leur demande : « Vous êtes demandeur ou favorable à la remise en cause de l’ordre constitutionnel actuel ? », tout le monde me dit : « Non ».
Je dis : « Mais vous ne pouvez pas me demander de prendre sur moi de violer la Constitution alors que chacun de vous, par derrière, dit : « Ne remettez pas en cause l’ordre constitutionnel ».
Messieurs, je conclus là-dessus, sur ce point-là : La prise d’une Ordonnance par moi, pour interférer dans le processus électoral, en lieu et place de l’Assemblée nationale, en lieu et place de la Cour constitutionnelle, serait, de ma part, une remise en cause de l’ordre constitutionnel. Ce serait interprété comme un coup d’État. La convocation d’une Conférence nationale souveraine pour décider aujourd’hui en cette matière serait également une remise en cause de l’ordre constitutionnel puisque cela n’est pas permis, n’est pas envisagé par la Constitution. Et toute Conférence nationale qui a un caractère souverain statue au-delà des règles, des lois qu’elles soient réglementaires simplement, qu’elles soient législatives ou fondamentales, qui statue de manière souveraine, remet en cause l’ordre constitutionnel. Est-ce que c’est cela que veut notre opinion, notre peuple pour régler un problème qui certes nous préoccupe, mais qui ne vaut pas, à mon sens, la remise en cause de l’ordre constitutionnel actuel ?
Alors, quand on est responsable, on dit : « Entre deux maux, il faut choisir le moindre ». Est-ce qu’il faut aller aux élections dans ces conditions ? Aller aux élections avec cette image qui ne nous honore pas tant, je le reconnais, qui jette un peu la suspicion sur moi, je l’admets. Mais j’ai déjà porté beaucoup de chapeaux. Je suis prêt à porter encore ce chapeau, ce n’est pas un problème. Mais est-ce que pour me préserver de cette image, pour ne pas porter ce chapeau, est-ce que je vais organiser la remise en cause de l’ordre constitutionnel actuel ? Est-ce que je vais permettre l’instauration d’une arme de destruction massive ? Cette arme-là, c’est celle que vous me suggérez, de conférer au Président, dans l’histoire politique du Bénin, le pouvoir de légiférer en matière électorale.

Même si laisser organiser les élections dans les conditions actuelles pourrait être considéré aussi comme un échec au plan des réformes politiques que vous portez.
J’ai l’habitude d’être direct. Je préfère porter le chapeau d’un échec du genre, que je n’ai pas réussi dans la réforme politique actuelle. Je n’ai pas réussi à amener les uns et les autres à mettre en place une réforme qui corrige nos travers. Si je n’ai pas réussi à le faire, mais je n’en porte pas seul la responsabilité. Je n’ai pas réussi à faire cela. Est-ce que pour autant je vais être égoïste à ce point, et aller jusqu’à la remise en cause de notre Constitution, et saisir une arme qu’on me donne inconsciemment parce que beaucoup de gens ne sont pas conscients de l’arme qu’on me tend. Moi, j’en suis conscient, et je sais que je suis un homme. Je ne sais pas de quoi je serais capable demain. Je ne vais pas tenir dans mes mains une arme que je pourrais être tenté d’utiliser à d’autres fins demain. Et après moi, même si moi je ne le fais pas, celui qui me succédera, qui succédera dans 10, 15, 20 ans, nous aurions mis dans les mains du président de la République du Bénin une arme qui peut faire pire que ce que nous voulons corriger aujourd’hui. Il faut se garder de faire ça, et c’est bien pour ça que je dis : « Ce mal, ces élections, telles qu’elles se présentent, ont quelque chose qui, pour moi, porte un certain discrédit. Je l’accepte, je veux bien assumer cela. La vie, elle est ainsi faite. Quand on accepte d’être responsable, il faut des fois accepter de porter certains chapeaux. Je veux bien le faire. Mais je veux pouvoir en même temps préserver l’essentiel. C’est ça mon serment.

M. le Chef de l’État, nous sommes en train d’épuiser les dernières secondes de cette émission, cet entretien spécial que vous avez bien voulu nous accorder sur cette question de l’heure. Je voudrais finir par cette phrase, la dernière phrase que vous avez laissé entendre à savoir la prévenance que vous-même vous portez à une arme redoutable qu’on peut mettre dans vos mains pour régir la vie, et l’ordre des choses. De ce point de vue, vous êtes conscient qu’actuellement là maintenant avec deux partis acquis à votre cause, vous aurez une hyper puissance présidentialiste.
M. Sounouvou, que voulez-vous que je fasse d’un Parlement dans lequel tous les députés sont mes partisans ? À quoi ça me servirait de plus qu’un Parlement dans lequel j’ai une majorité ? Le Parlement actuel qui est en place, je dispose d’une majorité suffisante pour conduire l’action gouvernementale.

Qui n’a pas pu vous permettre de tout avoir non plus
Mon objectif n’est pas de tout avoir. J’ai voulu réviser la Constitution par deux fois, et je n’ai pas obtenu la majorité nécessaire. La dernière fois, la toute dernière tentative, j’avais la possibilité d’aller au référendum. J’ai dit « Non ». Parce que la révision d’une Constitution doit être toujours consensuelle. Mais mon action, le succès de mon action n’est pas exclusivement fonction de la révision de la Constitution ou des réformes constitutionnelles que j’ai voulu faire, et je n’ai pas vocation, par moi et moi seul, pendant mon mandat, de transformer le Bénin, de tout régler en une fois. Je n’ai pas cette prétention. Je n’ai pas besoin d’avoir un Parlement du genre, et dans tous les cas, ce n’est pas parce que deux grandes formations politiques seraient allées au Parlement et seraient les seules présentes au Parlement que cela me donnera une homogénéité absolue. Non, il ne faut pas se faire d’illusions. Le Bénin est un pays de grande démocratie, de grands débats, et même au sein de ces deux formations politiques, il y a déjà beaucoup des courants de pensée de compétition en interne dans les partis politiques ; ce qui est bien d’ailleurs. Donc, je ne crains pas que du jour au lendemain la démocratie au Bénin bascule parce que le débat démocratique, la critique de l’Action gouvernementale ne se fait pas qu’au Parlement. Et d’autres élections arriveront très vite. Dans un an, nous allons aux élections municipales. Dans deux ans, nous allons aux élections présidentielles. Dans quatre ans, nous aurons à nouveau des élections législatives. Je pense que la réforme aura fait son chemin et que les uns et les autres auraient pris le train en marche, et notre processus démocratique n’en aura que plus de vigueur. C’est certain. Donc, pour moi, il est évident que ce chemin difficile sur lequel nous sommes va nous amener à un lendemain meilleur en matière d’animation de la vie politique. Et les partis politiques qui, parce qu’ils ont refusé de faire les efforts qu’il faut, ne seront pas aujourd’hui peut-être présents auront l’occasion de revenir au Parlement peut-être de manière plus forte, de manière plus structurée, et seront capables demain de conquérir le Pouvoir exécutif, de l’exercer, ou d’être majoritaires au Parlement sans que ce qui s’est passé aujourd’hui établisse de manière éternelle une vie politique sans débats. Ce n’est pas vrai !
Je vais vous dire une chose : « La réforme, elle est difficile. On l’a évoquée longuement tout à l’heure. Je voudrais profiter de cet entretien pour quand même féliciter les partis politiques qui ont fait le sacrifice de fusionner, qui ont renoncé à leurs intérêts individuels, à leur fonds de commerce, il faut le dire, pour créer ces deux grands partis politiques. Je souhaite qu’il y ait au Bénin une troisième force politique, une quatrième force politique de cette envergure-là dans lesquels les gens auraient fait les sacrifices nécessaires.
J’ai noté qu’au Bénin il y a plus de 250 partis politiques, et j’ai interpellé les responsables des deux partis en question, et j’ai remarqué que chacun de ces nouveaux partis regroupe plus de 70 à 80 partis politiques avec des dizaines de mouvements politiques, leaders politiques. Je vois que les deux partis, ensemble, regroupent plus de la moitié des partis politiques existant au Bénin, c’est-à-dire ensemble regroupent 140 à 150 partis politiques. J’ai remarqué également que ces deux formations regroupent plus de 2/3 des partis politiques actuellement présents au Parlement. Et je dis : « Mais donc, ces deux partis ont quand même une certaine représentativité. Ces deux partis ne sont pas que deux partis politiques selon le schéma actuel, la mosaïque actuelle. C’est environ 150 partis politiques qui vont à la compétition, mais dans une autre dynamique, dans une dynamique de regroupement. Nous avons déjà, d’une certaine manière, réussi un peu ce que nous espérions. Parce que nous voulons que les partis politiques fusionnent, deviennent de grands ensembles politiques. De 250 partis politiques, nous avons aujourd’hui plus de 150, 200 partis qui sont regroupés en 2 partis politiques. Imaginez que du reste, sortent encore 1 ou encore 2 partis politiques. Est-ce que nous n’avons pas réussi ? Donc, ce qui se passe, il faut pouvoir également le lire sous un autre angle certes difficile mais qui ouvre le chemin d’un succès de la réforme du système partisan. Ce que les deux ont fait, nous allons prier, nous allons tout faire pour que le reste fasse autant.

Pas forcément dans votre giron hein
Non dans le pays, dans le pays. Vous avez vu l’article 242 du Code électoral ? Si vous l’avez lu, vous avez vu un chiffre 4 dedans. Dans ce Code déjà, on sent que le nombre de partis politiques pressenti, souhaité pour animer le Parlement ne devrait pas dépasser 4 ou 5. Le choix du Bénin, le choix de la réforme, c’est d’amener les 250 partis politiques à se regrouper, à se répartir en 3, 4, 5 grands partis politiques dans le pays pour effectivement jouer leur rôle. Et cela a été explicitement ou implicitement en tout cas dit dans le Code électoral. Donc, il s’agit pour nous d’agir, de prier, de tout faire pour que les gens se fondent dans de grands ensembles pour jouer leur rôle en tant que partis politiques d’envergure nationale capables d’influencer la gouvernance dans le pays, capables de conquérir le pouvoir, de l’exécuter de manière homogène. Donc, ceux qui ont réussi, ceux qui l’ont fait aujourd’hui, peut-être parce qu’ils sont dans ma dynamique, ils ont fait le sacrifice qu’il faut. Vous avez vu dans les partis des gens qui étaient des adversaires éternels, je ne vais pas citer de noms, mais des gens qui n’auraient jamais pu se mettre ensemble dans un parti politique. Certains ont renoncé à être présidents de parti, ont renoncé à tout rôle et se retrouvent comme de simples membres de partis politiques. C’est un sacrifice énorme. C’est en cela que je voudrais inviter les acteurs politiques, les uns et les autres, à faire ce sacrifice et à pouvoir entrer dans les partis politiques à caractère, à dimension, à envergure nationale afin que ce que nous avons vécu cette année, ce que nous sommes en train de vivre ne se répète pas. Et d’ailleurs, ils n’auront pas le choix. Ils vont devoir le faire parce qu’ils ne vont pas renoncer à exercer ce qu’ils veulent bien faire comme métier, le métier de la politique. Donc, à quelque chose, peut-être malheur sera bon. Je suis pragmatique, je suis quelqu’un de réaliste, et je suis quelqu’un qui avance malgré les difficultés. Je suis quelqu’un qui cherche les voies et moyens pour corriger nos insuffisances. Mais parfois à l’impossible je ne suis pas tenu. À l’impossible je ne veux tenir personne. Et je voudrais que nos difficultés nous permettent de voir de manière plus lucide notre réalité et au lieu de fermer les yeux là-dessus, de corriger nos travers et d’avancer. C’est cela mon souhait, c’est cela aujourd’hui ma position. Et je voudrais, pour finir, prier la classe politique, les leaders politiques de ne pas appeler à incendier le pays. Si ce pays leur tient tant à cœur et qu’ils ont vocation à le diriger aujourd’hui ou demain, ce n’est pas un pays brûlé, ce n’est pas un pays en cendres qu’ils auront à diriger demain. Ne pas participer à une élection, la vie ne s’arrête pas là. La vie ne finit pas à un échec. Cela souvent vous permet d’être plus aguerri, d’avoir peut-être des succès inespérés plus grands demain. Donc, appeler à brûler le pays parce qu’on ne va pas à une élection, ce n’est pas responsable. Ce n’est pas bien. Il faut souhaiter que, même si les élections doivent avoir lieu dans ces conditions, que cela nous permette d’aller de l’avant, que cela nous permette de mieux construire notre pays, et que ce qui ne va pas maintenant, qu’on puisse le corriger dans les jours à venir afin que l’on ne retrouve plus ce genre de choses. Mais il ne faut pas brûler le pays, et je ne le permettrai pas d’ailleurs.

Le peuple a besoin d’être rassuré tout simplement M. le Président de la République
Je veux rassurer le peuple par mon action, je veux rassurer les uns et les autres par mon attitude, et vous avez bien vu : « Quand j’ai souhaité une révision de la Constitution et que nous ne l’avons pas obtenue, je me suis incliné ». Je me suis incliné. Je suis un homme d’action. Mais je veux que l’action s’opère dans le champ tracé et encadré par la Constitution. Il ne faut pas que la volonté d’agir nous fasse sortir du cadrage constitutionnel. C’est bien pour ça que je voudrais dire à mes concitoyens que je resterai autant un homme d’action, autant un défenseur de la démocratie, des libertés, de la rigueur, et du respect de l’ordre constitutionnel pour lequel j’ai prêté serment. Je voudrais vous rassurer ainsi, M. Dossa et M. Sounouvou, d’une chose : Notre démocratie, même si elle est parfois peut-être mise à l’épreuve par la compréhension que nous avons de ce qui se passe dans la Cité, notre démocratie, elle est dynamique, elle est vivante, elle est solide, elle se renforce, et elle va servir notre développement. Notre démocratie permettra au Bénin (aujourd’hui ce n’est pas encore le cas. Mais ça viendra très vite) permettra d’avoir une gouvernance efficace pour sortir du sous-développement et de la pauvreté. Il ne sert à rien de se contenter d’une démocratie aisée, confortable qui, malheureusement, nous maintient dans la perversion, maintient et éternise nos travers, nos insuffisances et in fine nous amènera dans le chaos. Et c’est pour cela que la démocratie doit rester un outil de développement. Et toutes les fois qu’en respectant les dispositions de l’ordre constitutionnel, en préservant la démocratie, nous allons trouver les voies et moyens pour corriger nos travers, nous allons le faire parce que c’est cela qui nous permettra de mieux vivre.
Landry Salanon
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