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Romuald Wadagni, ministre de l’Economie et des Finances: « Le Bénin est le seul pays où le Fmi a revu à la hausse les performances… »

Publié le jeudi 18 avril 2019  |  La Nation
Romuald
© Autre presse par DR
Romuald Wadagni, ministre de l’économie et des Finances
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Faire l’état des lieux de l’économie béninoise et montrer comment le pays se porte bien à l’ère des réformes et toute la dynamique qui concourt aux bonnes performances enregistrées sur le plan international. C’est l’exercice auquel s’est livré Romuald Wadagni, ministre de l’Econome et des Finances. Interview….

La Nation : Comment se porte, monsieur le ministre, l’économie nationale ?

Romuald Wadagni : L’économie béninoise va bien. Les performances macroéconomiques enregistrées en 2018, confirment que pendant trois années successives, les effets des réformes, des investissements menés par le gouvernement depuis 2016 portent leurs fruits. Pour étayer mon propos, je voudrais faire deux choses. La première, prendre quelques agrégats macroéconomiques généralement utilisés pour analyser avec des exemples. La deuxième, étant donné que nous ne vivons pas en vase clos, il s’agira de regarder les appréciations de nos partenaires. Alors, de façon classique, la première indication regardée est celle du taux de croissance du Pib. De façon simple, le taux de croissance du Pib permet de mesurer le rythme de création de richesse dans un pays. Cet indicateur pour 2018 s’élève à 6,8% contre 2,1% en 2015 (source Fmi). Quand on le dit, la première question qu’on peut se poser est de savoir à quoi correspond ce chiffre ? Surtout de se demander si ces chiffres sont fiables ? Alors, 6,8% c’est d’abord trois fois mieux que le taux de 2015, et ce sont des chiffres du Fmi.
De l’autre côté, regardant de façon globale, le niveau de production de richesse, dans la sous-région et au niveau mondial, vous allez constater que ce taux fait partie des meilleures performances aujourd’hui. Donc, ce taux est bon. Est-ce que ces chiffres sont-ils fiables ?
Vous savez, en octobre 2018, nous avons subi une revue du Fmi. Sur la base des données à fin septembre, le Fmi a revu le taux de croissance qui était au début de l’année à 6,00% à 6,5% déjà à fin septembre. Pour 2018, le Bénin a été le seul pays où le Fmi, après un contrôle, a revu à la hausse les performances économiques. Il faut saluer cela. Depuis 2016, que nous nous sommes là, de manière constante et continue, nous avons toujours livré des performances beaucoup mieux que celles attendues. De façon factuelle cela implique quoi ? J’aime prendre les éléments concrets qui impactent le quotidien des Béninois. Un des premiers moteurs, c’est le secteur agricole avec en ligne de mire, le coton. Vous savez pour la campagne 2018-2019, les données enregistrées indiquent que nous allons dépasser les 700.000 tonnes de coton. Le Bénin sera le premier producteur du coton en Afrique. En 2015, moins de 300.000 tonnes, on était 5e ou 6e producteur du coton en Afrique. Cela est concret et les performances sont prévues pour atteindre 1 million de tonnes en 2021. Vous prenez les départements de l’Atacora et de l’Alibori, les données statistiques indiquent qu’un paysan emblave en moyenne 5 hectares. Or en 2015, un paysan emblave 5 hectares, avec une production de 877 kg à l’hectare. En 2018, la productivité est passée à 1150 kg à l’hectare. En 2015-2016, le prix d’achat du coton à l’ha a également pris 5F au kg. Ce qui veut dire que le paysan qui emblave 5 ha voit son niveau de revenu passer de 1.100.000 F Cfa à 1.500000 F Cfa par an. Il gagne 400.000 F
de plus, c’est colossal. Un revenu comparable à celui d’un cadre en début de carrière. En milieu rural, vous verrez aujourd’hui que les paysans commencent par construire leur habitat en matériaux définitifs. Leur cadre de vie change et ils envoient leurs enfants à l’école, à l’université. Cette amélioration impacte 4 millions de personnes. C’est pareil dans le secteur des transports. A la fin de la campagne 2017-2018, il a été distribué au moins 34 milliards F Cfa aux transporteurs et aux producteurs, 92 milliards F Cfa. Ce sont des exemples qui montrent que la croissance est là et des millions de personnes voient leur quotidien s’améliorer. Il faut dire que le coton n’est pas le seul. Les noix d’anacarde sont à une augmentation de 30%, idem pour le riz, le maïs… Donc, voilà des éléments concrets qui montrent qu’il y a croissance.

Comment expliquez-vous qu’en dépit des chiffres donnés, au sein de la population, c’est-à-dire le panier de la ménagère, les gens se plaignent toujours ?

Les gens se plaignent souvent pour des raisons qui sont la résultante de plusieurs choses. Nous sommes en période de réformes. Les réformes gênent les intérêts et créent des frustrations. Dieu merci, nous voyons les bienfaits de ces réformes. Certaines plaintes sont le résultat de certaines frustrations liées à l’interruption de certaines mauvaises habitudes. L’argent facile qui ne circule plus… Tout à l’heure, j’ai pris l’exemple du taux de croissance comme premier indicateur. Votre exemple m’amène à prendre le deuxième indicateur économique qui est celui de l’inflation. On mesure la vitalité de l’économie par le niveau d’évolution des prix des produits de première nécessité comme le riz, le maïs, le manioc. L’évolution du prix de maïs : une mesure de maïs séché était à 250 F le kg en 2015. En 2018, elle est de 205F/kg. Bien entendu, pour certains produits les prix ont légèrement augmenté, mais pour la plupart les prix ont diminué. En gros quand on prend le taux d’inflation, il s’est élevé à -0,8% en 2018. Donc, globalement, c’est bon. On peut souffrir, car l’argent qui rentre n’arrive plus à acheter la même quantité. En réalité, la plainte est liée à la diminution de l’argent qui rentre. Effectivement, nous reconnaissons que les coulages des finances publiques sont stoppés.

On a l’impression que tous les gouvernants qui se suivent ont toujours la même explication, surtout la réduction de l’argent sale. Mais, le résultat est le même ?

J’aime qu’on me donne des exemples. Quand vous doublez le nombre d’étudiants bénéficiaires d’allocations de l’Etat, quand vous augmentez les bourses aux étudiants avec la dématérialisation et la bancarisation, vous constatez l’amélioration de leur train de vie, ce qui impacte les parents et les résultats. Là, peut-on dire que les boursiers se plaignent ? Ou dans l’agriculture où 4 millions de personnes voient leurs revenus s’améliorer, donnez-moi l’exemple d’un paysan qui souffre ?
Nous avons lancé l’année dernière le projet sur le maraichage pour les femmes et les jeunes en mettant à leur disposition des matériels nécessaires. Demandez à ces femmes si leur niveau de vie a changé ? Bien entendu, si vous prenez quelqu’un en ville, qui prenait ses revenus des marchés fictifs de l’Etat, ou du coulage, il est évident que ce dernier se plaigne. On ne peut certes pas dire que tout va déjà pour le mieux, mais reconnaissons que la trajectoire est excellente et que tout va de mieux en mieux. On ne peut pas, par un coup de baguette, transformer un pays. Tout en répondant aux questions d’urgence d’aujourd’hui, nous travaillons pour le Béninois (qui sera là) dans 10 et dans 20 ans.
Au Conseil des ministres par exemple, le chef de l’Etat nous a interpellés en disant qu’à Natitingou, depuis quelques jours, ils ont des problèmes d’eau. Il a exigé que cela soit réglé en 24 heures. C’est un exemple d’urgence traitée. Quand le chef de l’Etat dit d’ici 2021, tous les Béninois doivent avoir accès à l’eau potable, ça c’est prévoir pour demain. Vous imaginez que depuis 40 ans, on n’a pas pensé à l’entretien des ouvrages d’eau. Par exemple, à Togbin, près de Cotonou, les gens manquent d’eau potable. Quand on investit pour régler ces problèmes structurels, quand on investit pour la santé, là encore on a fait des réformes formidables, on a fini de moderniser trois agences de transfusions sanguines à savoir Parakou, Porto-Novo et Abomey. Allez demander aux populations qui en souffraient si elles ne sont pas contentes ?
Donc, il y a des investissements qui se font de manière massive pour que le Béninois se porte bien. Au niveau du budget 2019, nous avons mis un milliard de francs Cfa pour les startups. Quand vous lancez de grands travaux dans l’ensemble des douze départements (cités administratives, asphaltage, stades, marchés et autres), c’est autant de bonnes dames qui font des commerces autour de ces chantiers.

A vous écouter, l’argent qui circulait, était mal obtenu. Cela voudra dire que la majorité des Béninois avaient de l’argent sale ?

Ce n’est pas cela. Ce que nous disons, c’est qu’il avait beaucoup de coulage au niveau des finances publiques. Nous y avons mis un frein et nous continuons d’en mettre toujours. Dès que nous trouvons des niches, nous les supprimons. Vous savez celui qui achète de la friperie paie la Tva. Or, la Tva constitue la moitié de nos recettes. Donc, en dilapidant nos ressources, nous dilapidons les ressources du Béninois lambda. Je voudrais que la presse explique cela à la population. Un pays comme le Bénin dépense 17 milliards F Cfa pour les voyages officiels, mais avec la réforme qui a conduit à la création de la Cellule des voyages officiels, on est passé à 3 milliards. Donc, ceux qui bénéficiaient de cette manne vont être mécontents. C’est de cela qu’on parle. Avec cet argent, nous avons fait des cantines scolaires.

Reconnaissant que vous avez verrouillé un certain nombre de choses, que faites- vous alors pour améliorer leur condition de vie ?

Nous travaillons pour que chaque Béninois ait une égalité de chance pour contribuer à la création de richesse. Un modèle alternatif consisterait à dire que l’Etat puisse prendre de l’argent sur les recettes et les distribue. Mais en le faisant, le jour où l’Etat ne pourra pas faire, que va-t-il se passer ? En observant les agrégats macroéconomiques, vous constaterez que 20% des investissements devraient venir du secteur privé. Nous faisons tout pour avoir un secteur privé dynamique qui puisse prendre le relais. Nous créons les conditions pour une production durable dans le pays.
Pour le moment, c’est l’Etat qui tient les rênes…
Ce n’est pas que l’Etat, vous êtes d’accord avec moi que classiquement le Béninois aime le commerce, c’est-à-dire acheter et vendre. Il faut créer les conditions pour que le Béninois aille de plus en plus vers les activités de transformation, de type industriel à grande consommation de main-d’œuvre.
Quand nous réglons les problèmes énergétiques, et en mars dernier le premier générateur de production d’électricité est mis en service sur la centrale thermique de Maria-Gléta, c’est pour permettre de régler les problèmes d’accessibilité, de coût d’énergie pour la population. Nous créons les conditions pour que les personnes puissent travailler en créant des emplois et des richesses. Et, c’est à cela qu’on s’attelle.

Et vous créez et augmentez les taxes et impôts aussi ?

Ah, cela c’est très intéressant !
Je voudrais demander aux gens de nous donner l’exemple d’une taxe qui a été augmentée. Je vous ai dit plus haut que la Tva est la taxe que tout le monde paie et qui contribue pour moitié à nos ressources. Le taux de Tva est resté inchangé depuis que nous sommes là. Il est demeuré toujours à 18%.

C’est assez clair que votre politique vise l’élargissement de l’assiette fiscale. Est-ce que vous allez continuer par presser vos concitoyens ?

Je voudrais que cette perception soit appuyée par des chiffres. Prenez la loi des finances 2019, aucun taux d’impôt n’a été augmenté. Mieux, pour les entreprises qui sont sur le régime simplifié, l’impôt est passé de 400.000 F Cfa à 150.000 F Cfa. Nous avons baissé cela. Observons la fiscalisation directe, vous verrez que nous avons mené une politique de baisse. Mais, nous avons augmenté le prélèvement sur l’alcool, le tabac en nous basant sur les normes communautaires qui nous permettent d’aller jusqu’à un certain niveau sans toutefois atteindre le plafond. Le fait de diminuer les impôts des Pme n’est point un rétropédalage, mais plutôt une incitation à la productivité et lever les entraves aux accès des marchés publics.

Implicitement, vous faites reposer tout sur quelques grosses entreprises ?

Absolument pas. Je vous ai dit que la grande partie de nos ressources proviennent de la Tva qui est payée par nous tous.

Alors monsieur le ministre, tout va bien et le Béninois peut espérer ?

Je dis encore que le Bénin se porte bien. Que les choses sont beaucoup mieux que par le passé. Les réformes et les investissements en cours montrent que, sur la trajectoire 2019-2021, nous allons avoir un rythme de création de richesse qui va continuer de s’accélérer et sera au-dessus des 7% et atteindre même peut-être les 10%. Pour que la grande masse puisse percevoir l’effet de la croissance, il faut que la croissance dure au moins 3 ans et soit au-delà des 7%. Actuellement, nous sommes en train d’entrer dans ce schéma. Le paysan qui a son champ d’anacarde, le producteur de coton, la dame qui fait le maraichage, ceux-là, la vie change pour eux et va continuer de s’améliorer. Quand on fait les réformes dans la santé et qu’on démantèle les faux médicaments, c’est l’ensemble de la population y compris vous et nous qui avons une assurance meilleure sur la qualité de médicaments que nous consommons. Quand le centre de santé d’Allada est en marche, c’est la population qui en jouit.
Il y a quelques semaines, le Bénin a lancé une opération pour prendre de l’argent à l’international.
Permettez que je vous explique pourquoi je vous disais que le Bénin se porte bien. On peut s’auto féliciter. C’est encore mieux si ce sont les partenaires techniques qui le disent avec un regard indépendant. Récemment, le Bénin est primé premier pays en matière de transparence budgétaire par le Fmi et l’Ue. Cela ne s’est jamais produit. C’est grâce à ces éléments que, quand nous allons vers les investisseurs, qui ne savent pas positionner le Bénin sur une carte, ils nous font confiance. Même l’Uemoa reconnaît que le Bénin a fait des bonds jamais faits dans l’Uemoa. Nous avons eu, en décembre dernier, la notation B+ qui est la meilleure notation en Afrique subsaharienne, la même note que le Sénégal et mieux que le Rwanda. Vous ne pouvez pas faire des performances macroéconomiques passables et avoir ces résultats. Mais, il est vrai que quand on part de si loin, il faut du temps pour que la perception change.

Le 17 mars dernier, il y a cette levée d’Euro bonds. Mais, c’est quoi l’Eurobond ?

C’est un emprunt obligataire que nous avons fait. Ce sont des investisseurs qui vous prêtent de l’argent sous la forme d’obligations. En termes simples, le Bénin est allé sur le marché international obtenir des prêts de partenaires financiers. Dès notre arrivée en 2016, le gouvernement a adopté une stratégie de mobilisation des ressources. Doter le Bénin de tous les instruments lui permettant de lever des ressources. Il y a trois manières d’obtenir des ressources à savoir les impôts ; les emprunts obtenus chez les bailleurs de fonds ; les prêts faits auprès des banques locales. Il faut dire qu’il y a deux autres instruments dont les pays modernes disposent, mais que le Bénin n’avait pas du fait de certaines contraintes. Il s’agit de l’accès des prêts commerciaux et l’accès au marché des emprunts obligataires. Cela nécessite une certaine crédibilité. Quand les crédits locaux baissent ou les partenaires financiers ne vous apportent pas les ressources nécessaires, vous êtes limités en capacité de financement. C’est pour cette raison qu’il faut diversifier les sources de financement et de mobilisation des ressources.
En 2018, grâce aux réformes du chef de l’Etat, nous nous sommes dotés de l’instrument d’accès aux crédits internationaux par le biais de reprofilage de la dette. Le dernier instrument est celui d’accès au marché obligataire. Ce dernier est un peu compliqué. Sur instruction du chef de l’Etat, nous sommes arrivés à avoir une taille des opérations qui permet à nos obligations d’être cotées. Cela est le résultat d’un travail de longue durée de l’ensemble du gouvernement et des cadres techniques des différents ministères. L’opération a été un succès pour plusieurs raisons. Je vous en donne deux. La première, nous sommes allés sur le marché pour lever plus de 500 millions d’Euros, mais nous sommes arrivés à un pic de plus d’un milliard d’Euros. C’est un vrai succès. D’ailleurs, beaucoup de personnes ont voulu participer, mais nous leur avons dit que notre objectif est de 500 millions d’Euros avec une maturité sur sept ans. Cela est un facteur de succès indiscutable. Le deuxième élément est que nous avons été le premier pays du continent à sortir en 2019.

A quoi serviront ces fonds ?

Ces fonds serviront à financer les activités, investissements et projets prévus dans le cadre du budget 2019. Je rappelle que la loi de finances 2019 a prévu un budget d’investissement de 700 milliards F Cfa à peu près. C’est une opération pour diversifier les sources de financement. Ayant levé ces fonds d’eurobonds, cela signifie qu’il y a d’autres sources où nous ne sommes pas allés. Je rappelle que nous sommes restés dans la fourchette des ressources votées par l’Assemblée nationale.
Quelles sont les caractéristiques de cette opération ?

Les caractéristiques, c’est 500 millions d’Euros, la durée de remboursement est 7 ans et le taux d’intérêt est de 5,75%/ difficile à trouver dans la sous-région. Ce taux est aussi un facteur de succès dû aux réformes.

Monsieur le ministre, n’y a-t-il pas des risques ? Et pourquoi ne pas aller en dollars ?

De façon factuelle, en regardant les taux d’intérêt, ceux en dollars sont plus élevés. Le volume d’emprunt obligataire est en trilliards de dollars alors qu’en euros, on est en milliards. L’autre chose, il n’existe pas d’instrument de couverture standard pour couvrir ces risques. Nous sommes membres d’une union monétaire bénéficiant d’une parité fixe avec l’Euro. C’est pourquoi les eurobonds sont mieux pour nous.

Pour cette opération vous attendiez-vous à une réaction aussi positive des investisseurs ?

Oui, car depuis 2016, nous avons opté pour de bonnes performances permettant l’accès à ces marchés financiers. Donc, cela ne nous a pas surpris. Le Bénin a été le premier en Afrique à réussir une émission inaugurale et le premier à le faire en euros.

Pensez-vous revenir sur le marché pour une autre opération ? Et dans quelle échéance ?

Notre stratégie est de doter notre pays des instruments de mobilisation de ressources. Et c’est fait, car maintenant nous avons cinq instruments de mobilisation. Nos ressources propres conditionnent notre capacité à aller au crédit. Donc, nous devons améliorer les ressources propres car il faut compter sur nos propres forces. Pour les autres instruments, le recours à l’un ou l’autre des 4 dépendra des opportunités.

Monsieur le ministre, sommes-nous en train de nous endetter pour la postérité à travers ces opérations ?

Pas du tout ! J’ai récemment fait un exercice intéressant pour l’ensemble des 8 pays de l’Uemoa, en tant que président du Conseil des ministres. L’exercice a consisté à regarder les 10 derniers budgets du Bénin. Regardons combien nous dépensons pour le fonctionnement de l’Etat et combien nous investissons. Regardez ensuite de combien s’accroît la dette de l’Etat et par rapport à combien on investit. En 2018, nous avons investi plus de 500 milliards F Cfa. Le niveau de la dette a augmenté de 349 milliards. Cela veut dire que pour 2018, qui est un exemple, nous nous sommes endettés beaucoup moins que nous avons investi. Quand vous faites des investissements structurants, des investissements productifs, qui créent de la valeur, de la richesse, mais que la valeur de ces instruments est quasiment deux fois plus importante que l’endettement, c’est un signe que vous faites bien de prendre la dette. Ce qui se passait en 2014 et 2015 par exemple, le niveau d’investissement inférieur à 200 milliards, la dette a augmenté de 300 milliards. Cela est inquiétant, car il montre que la dette sert à faire fonctionner l’Etat. Mais, quand vous êtes dans un schéma où l’accroissement de la dette (comme en 2018), le montant de la dette a augmenté de 349 milliards, mais nous avons investi 500 milliards, cela est une performance et depuis 2016, la trajectoire est la même. Nous faisons des investissements productifs pour créer de la valeur pour aujourd’hui et demain. Actuellement, nous sommes dans la tranche des 50% de dette contre un plafond de 70% qui ne sera jamais atteint tant que le président Talon sera là.

Vous avez pris part récemment à une réunion du conseil des ministres, avez-vous parlé du franc Cfa ?

La question du F Cfa n’était pas à l’ordre du jour à notre réunion de la zone Franc à Niamey pour la simple raison qu’il s’agit de notre monnaie. Nous avons des institutions, des accords, des mécanismes qui fonctionnent au quotidien sur les questions monétaires.

Quel est votre avis sur la question du Cfa, car il y a des voix qui s’élèvent pour demander sa réforme ?

En tant que ministre des Finances et président en exercice du Conseil des ministres des Finances de la sous-région, il est normal que je ne vous dise pas autre chose que ce que disent les autres. Je vais vous donner une réponse factuelle. La monnaie est clé. Vous avez deux éléments pour mesurer une économie : la monnaie et le budget. Dans aucun pays du monde, il n’y a une décorrélation entre la politique budgétaire et celle monétaire. Prenons la zone Uemoa, cela fait 7 ans que nous avons un taux de croissance supérieur à 6% dans la zone, taux d’inflation maîtrisée en-dessous des 3%.
L’ensemble des pays sont en régime de croisière en matière d’investissements. Cela ne peut arriver que s’il y a une corrélation forte entre les budgets et la monnaie. Alors, regardons le fonctionnement de nos économies actuelles, il n’y a pas d’indicateur montrant un dysfonctionnement monétaire. Que des personnes se posent la question sur le nom et autre, elles sont libres. Mais, aucun opérateur économique n’a dit dans la sous-région qu’il est pénalisé par le Cfa. Vous savez, on se fait peur parfois, mais il n’y a aucun système parfait au monde. En somme, aujourd’hui, aucun indice montrant une menace sur notre monnaie. Une des caractéristiques du Cfa est que c’est un régime de change fixe. Cela peut présenter des avantages et des inconvénients. Si les inconvénients étaient supérieurs, cela agirait sur les performances macroéconomiques. Hong Kong marche bien pourtant, il est dans un régime de change fixe avec le dollar, comme le Danemark avec l’Euro. Ce qui est sûr, en cas d’alerte sur le Cfa, nous prendrons nos responsabilités.

A vous écouter, on a l’impression que tout va bien pour le franc Cfa alors que des voix s’élèvent de plus en plus pour demander qu’on sorte du F Cfa ?

Je ne rentre pas dans la polémique. Je suis ministre de l’Economie et des Finances, président du Conseil des ministres de la zone. Je vous dis que tout modèle a du plus et du moins. Mais aujourd’hui, les données ne nous alertent pas sur un éventuel problème structurel qui nécessite une réaction. On ne peut pas avoir un problème avec une monnaie et générer des croissances de plus de 6%, 7 ans de suite sur la zone.

Toujours au sujet du Cfa, c’est quoi le fameux compte des opérations ? A quoi cela sert-il ?

Nous sommes dans un système de change fixe. Nous sommes en accord avec le Trésor français qui nous permet qu’en cas de besoin de devises, que le Trésor français puisse nous aider à l’avoir. Quand nous importons des équipements, pour rembourser des dettes en devises, il nous faut des devises. Au niveau de l’Uemoa, nous avons une caisse centrale qui nous permet de garantir notre monnaie. Le jour où nous allons avoir une insuffisance de devises, nous allons solliciter le Trésor français pour payer. Le coût de l’argent au niveau mondial est négatif aujourd’hui. Il faut dire que l’argent n’est stocké nulle part. Il faut avoir un mécanisme pour garantir vos partenaires. Sinon, ils ne vont pas travailler avec vous. Certains pensent qu’on n’a pas accès, mais c’est faux car parfois, on peut aller au découvert. En décembre 2018, nous avons 4,8 mois de réserves dans
l’Uemoa. Imaginons, par exemple, que les recettes d’exportations baissent. Mais, il faut payer nos engagements financiers à l’international. C’est grâce à ces devises qu’on le fait. C’est la preuve qu’on y a accès.

Revenons au Bénin avec les réformes dans le domaine de la pension de retraite. Qu’en est-il exactement ?

Il s’agit d’une instruction du chef de l’Etat qui a consisté à tout faire pour payer les retraités dès leur premier mois de retraite. Aujourd’hui, avec les réformes, c’est possible. La semaine dernière avec ma collègue du Travail, nous avons fait une cérémonie de remise de carnets de pension aux bénéficiaires qui pourront bénéficier de leurs allocations dès la fin du mois d’avril 2019. Dans le même courant, en décembre 2018, le chef de l’Etat a annoncé le paiement des arriérés de pension de 2011 et 2012. Une partie a été payée dès le mois de janvier et le solde est payé ce mois-ci.

En élargissant l’assiette fiscale, allez-vous améliorer les prestations de l’Etat ?

L’amélioration de l’assiette fiscale n’est pas une démarche visant à couvrir plus de contribuables. Notre démarche est d’abord de fournir le service public, puis on demande qu’on contribue. Pour le chef de l’Etat, en expliquant aux contribuables à quoi sert leur argent, ils contribueront davantage. Par exemple, nous avons lancé les travaux d’asphaltage, la salubrité dans le Grand Nokoué ; mais nous n’avons pas prélevé des taxes pour le faire. Nous commençons d’abord à changer le cadre de vie et après quand nous leur demanderons de contribuer, ils vont le faire car ils savent à quoi cela sert désormais. Cette stratégie du chef de l’Etat est à saluer. Par ailleurs, l’une des réformes de 2016 est de ramener à zéro les taxes sur les transactions immobilières et faire le cadastre qui est un service public efficace.

On parle maintenant des élections. Le ministre des Finances a-t-il mis à la disposition de la Cena les fonds nécessaires ?

La réponse est oui ! Nous suivons de très près pour que les institutions de la République impliquées dans les législatives ne manquent d’aucun moyen. Le coût des élections est d’environ 5 milliards F Cfa.

Qu’en est-il des quitus fiscaux ? Certains continuent de dire qu’ils n’ont pas leur quitus malgré les formalités.

Je voudrais qu’on donne des exemples. Ce que je sais, nous avons mis en place une procédure claire, dématérialisée et il y a des voies de recours. A ce jour, nous n’avons reçu aucun recours d’un contribuable qui serait à jour et n’aurait pas eu son quitus fiscal en dépit des formalités remplies. Il peut cependant y avoir des loupés même si nous avons essayé autant que possible d’éviter l’implication de la main de l’homme. Si c’est le cas, nous sommes prêts à le reconnaître. Mais j’insiste pour dire qu’à ce jour notre comité de médiation n’a reçu aucun recours. Je peux donc vous assurer que l’ensemble des personnes qui sont à jour et qui ne sont pas des fugitifs au sens de la loi ont bénéficié de leur quitus fiscal dans les délais prescrits.

Un mot pour conclure cette interview ?

Ce que je peux dire pour terminer est quand vous voyez les efforts qui commencent à produire des résultats comme la fourniture d’eau potable, l’opérationnalisation de l’Arch notamment la phase pilote de l’assurance maladie, et le micro crédit pour lequel 6 milliards ont été débloqués le mois passé, les réformes dans le secteur de la santé, l’amélioration des cantines scolaires, les chantiers qui impactent l’ensemble des 12 départements,… les perspectives pour les trois années à venir sont bonnes. Je voudrais profiter pour remercier les compatriotes pour leurs contributions, car ces résultats sont les efforts de tous. Aujourd’hui, le Bénin existe sur le plan financier international.
Je garde l’espoir que chacun jouera sa partition pour davantage de belles performances. Des performances qui permettront à chacun d’avoir une santé de qualité, une formation de qualité, l’accès à un numérique de qualité, à une condition de vie de qualité pour créer la richesse.

Transcription : Alexis METON
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