Solennellement ouverte hier jeudi 25 avril, la première session criminelle du Tribunal de première instance de Cotonou, au titre de l’année 2019, a connu du premier dossier inscrit à son rôle. Il s’agit en effet d’une affaire de meurtre et de tentative de meurtre pour laquelle le sieur Isaac Dieudonné Folly a été reconnu coupable et condamné à vingt ans de réclusion criminelle.
Jeune au regard innocent, Isaac Dieudonné Folly, en détention depuis 2012, y retourne pour purger sa peine de 20 ans d’emprisonnement ferme pour meurtre sur Ashley Gomez et tentative de meurtre sur dame Lucresse Hazoumè. C’est la décision rendue par le Tribunal de première instance de Cotonou qui a écouté l’accusé hier et l’a déclaré coupable au terme du premier dossier inscrit au rôle de la première session criminelle de 2019.
Les faits remontent au 31 juillet 2012. Isaac Dieudonné Folly, libéré le 22 juin 2012, après un séjour d’un mois à la prison civile de Cotonou, a fortuitement rencontré au stade de l’Amitié, Ashley Gomez, une jeune fille âgée de 18 ans, élève en classe de terminale. Prise de compassion pour Isaac qui lui a décrit sa vie précaire et qui cherchait un job, Ashley résolut de l’aider en le proposant à sa mère pour la gestion de la boutique que celle-ci envisageait d’ouvrir. Dans les heures suivantes, Ashley présente Isaac comme un vieil ami à sa mère. D’abord perplexe et peu rassurée du lien entre sa fille et le jeune homme inconnu, la mère de Ashley, dame Lucresse Hazoumè, finit par tolérer la fréquentation des deux jeunes. Le 31 juillet 2012, le jeune Isaac Folly, comme il en a pris l’habitude depuis environ un mois, se rend au domicile de Ashley Gomez. Il exécute quelques tâches domestiques. Puis dans l’après-midi, alors que Ashley était sortie avec ses deux nièces, laissant seule dans la maison sa mère et son ami Isaac Dieudonné Folly, ce dernier attaque dame Lucresse Hazoumè pour des raisons non élucidées, l’étouffe avec un pagne jusqu’à ce qu’elle perde connaissance.
Ayant entendu sonner quelques instants après son acte, il entraîne rapidement dame Lucresse Hazoumè dans un débarras et la ligote avant d’ouvrir à la jeune Ashley qui était revenue de ses courses avec ses nièces. La jeune fille demande des nouvelles de sa mère ; Isaac tente de lui faire croire que dame Lucresse Hazoumè est sortie mais Ashley entend sa mère crier depuis le débarras. Le temps qu’elle réalise ce qui se passait, la jeune fille se retrouve à terre, étranglée par Isaac Folly qui lui enfonce un tissu dans la bouche pour ensuite la ligoter et la traîner dans le débarras. Puis, il couvre avec un sac plastique la tête de chacune de ses deux victimes, décide d’en faire autant avec les deux petites nièces de Ashley avant de se raviser face à leurs supplications et de se contenter de les ligoter. Avant de quitter les lieux, Isaac enroule la mère et la fille dans un tapis, vole des bijoux, des numéraires et des portables. Dame Lucresse retrouve ses esprits quelque temps après, délivre ses nièces, découvre le corps sans vie de sa fille qui a succombé à l’agression. Elle alerte le voisinage et la police.
Après plusieurs semaines de cavale, l’accusé Isaac Folly a été appréhendé par la police à Sainte Rita à Cotonou. Ayant été écouté par les officiers de police judiciaire, présenté au parquet et auditionné par le juge du septième cabinet du Tribunal de première instance de Cotonou, Isaac Folly a reconnu les faits à toutes les étapes de la procédure et soutenu qu’il s’agissait d’un acte involontaire. Il est déposé le 25 septembre 2012. C’est l’histoire dramatique du jeune Isaac Folly qui, au moment des faits, était âgé de 18 ans.
Réquisitions, plaidoiries et délibéré
Devant l’horreur des faits et l’ingratitude criminelle de l’accusé à l’égard de ses bienfaiteurs, le ministère public représenté par le procureur de la République, Elon’m Mario
Metonou, n’a pas eu du mal à démontrer l’intention criminelle de l’accusé. Au regard de la série d’actes que l’accusé a posés pour la réussite de son forfait, le ministère public soutient que les faits sont intentionnels et qu’il s’agit bien de faits de meurtre et de tentative de meurtre. Lesquelles infractions trouvent leur fondement dans les articles 21, 468, 480 du Code pénal. Abordant l’élément matériel, le ministère public rappelle les actions de l’accusé (violences, coups mortels, étranglement...) dont les résultantes directes sont la mort de la jeune Ashley Gomez, et la tentative de meurtre sur dame Lucresse Hazoumè. Laquelle tentative est tout à fait consommée, car elle a non seulement connu un début d’exécution mais aussi n’a pas manqué son effet du fait de la volonté de l’accusé mais par concours de circonstances. « Il y a eu violence sur les victimes et la volonté de donner la mort est intacte »,
va marteler le procureur de la République. Le ministère public a alors requis une peine de trente ans de réclusion criminelle contre l’accusé, à défaut de la réclusion à perpétuité prévue à l’article 480 du Code pénal.
Présentant sa plaidoirie, le conseil de l’accusé Me Filibert Béhanzin a demandé une requalification des faits en homicide involontaire et en coups mortels. Soutenant sa thèse, il indique que le jeune homme n’a rien amené sur les lieux du crime pour commettre son forfait. Il n’a donc pas prévu commettre un meurtre. Par ailleurs, la défense avance que son client n’avait pas l’intention de donner la mort à la jeune fille mais de l’empêcher de crier. Me Filibert Béhanzin a également remis en cause l’expertise psycho-psychiatrique de l’accusé qui est réalisée en 2018 alors que les faits remontent à juillet 2012. Il y a donc défaut de concomitance entre le moment de la commission des faits et le moment de l’expertise. En effet, l’expertise psycho-psychiatrique révèle que l’état psychique et mental de l’accusé est normal, il a un tempérament colérique mais il est pénalement responsable. La défense soutient que l’accusé aurait pu être déséquilibré au moment des faits. Au terme de sa plaidoirie, Me Filibert Béhanzin a reconnu la culpabilité de son client et demandé que la peine soit revue à 10 ans de réclusion avec un aménagement de peine pour permettre au jeune homme d’apprendre un métier.
L’accusé, quant à lui, a une fois de plus reconnu les faits et est resté constant sur le fait que son forfait est involontaire. En dépit de son court séjour en milieu pénitentiaire, l’enquête de moralité lui est favorable.
Ouï le ministère public en ses réquisitions, ouï le conseil de l’accusé en ses plaidoiries, et après en avoir délibéré, le tribunal a déclaré le nommé Isaac Folly coupable d’avoir volontairement commis un homicide sur Ashley Gomez et d’avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, tenter de commettre le même crime sur dame Lucresse Hazoumè; tentative qui n’a pas manqué son effet du fait de la volonté de l’accusé. Par conséquent et au regard des articles 21, 468, 480 du Code pénal, Isaac Folly a été condamné à 20 ans de réclusion criminelle. Il dispose d’un délai de quinze jours francs pour interjeter appel contre le jugement.
Composition du tribunal
Président : Jacques Hounsou
Assesseurs :
Ambroise Adjiboye
Nadjimou Gado
Sandrine Mongbo
David Anani