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Législatives sans l’opposition au Bénin : Coup de Talon à la démocratie

Publié le lundi 29 avril 2019  |  lebanco.net
Rassemblement
© aCotonou.com par Didier ASSOGBA
Rassemblement des forces d`opposition pour dire "Non" la gouvernance du Président Patrice Talon
Cotonou le 03 Novembre 2018. Les forces de l`opposition politique béninoise ensemble à Magestic Land pour dénoncer la gestion du pouvoir du Président Patrice Talon. Présence saluée du Vice président de l`assemblée nationale, l`He Eric HOUNDETE qui hier était de la mouvance politique
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Les législatives béninoises ont eu lieu hier, dimanche 28 avril 2019. Le moins que l'on puisse dire de ces élections, est qu'elles sont atypiques et à la limite, drôles, puisque seuls les partis politiques acquis au président Patrice Talon, ont été autorisés à concourir. La seule inconnue de ce scrutin est le taux de participation. Mais tout porte à croire qu'il ne sera pas à la hauteur de la tradition démocratique du pays. En effet, dans le passé, presque tous les scrutins qui se sont déroulés dans ce pays, ont été marqués par de forts taux de participation du fait qu'ils s'apparentaient à une véritable compétition où les partis de la majorité et ceux de l'opposition s'affrontaient dans les urnes. Et les électeurs béninois qui, il faut le souligner en passant, ont une conscience politique très largement au-dessus de la moyenne, ne se faisaient pas prier pour se prêter au jeu. Par la seule volonté de Patrice Talon, cette qualité démocratique vient de recevoir un grand coup de Talon.
Patrice Talon n'a pas l'âme d'un démocrate
C'est donc à juste raison que les partis de l'opposition ont appelé les Béninois à boycotter le scrutin puisque celui-ci s'inscrit aux antipodes des règles les plus élémentaires de la démocratie, la vraie. Et l'on peut affirmer que le peuple béninois a répondu favorablement à cet appel quand on sait que les électeurs ne se sont pas bousculés devant les bureaux de vote. Le peuple béninois, il faut le dire, n'est pas n'importe quel peuple. En effet, l'on se rappelle que du 19 au 28 février 1990, les forces vives du pays s'étaient retrouvées dans le cadre d'une Conférence nationale présidée par Mgr De Souza, pour solder le passé et engager résolument le pays sur la voie de la démocratie. Depuis lors, toute l'Afrique était admirative des performances démocratiques réalisées par le pays au point que le Bénin passait pour une vitrine de la démocratie en Afrique francophone. Eh bien, l'histoire retiendra que c'est sous Patrice Talon que cette riche expérience démocratique a été profanée. Ce recul démocratique a été suscité par le président Talon. De ce point de vue, l'on peut lui dire bravo, puisqu'il a atteint ses objectifs. Car, les législatives d'hier accoucheront d'une Assemblée nationale de 83 députés prompts à applaudir à tout rompre tous les faits et gestes de leur mentor. La réalité est que Patrice Talon n'a pas l'âme d'un démocrate. En effet, depuis qu'il est aux affaires, il s'est signalé par des actes qui permettent de douter de lui quant à sa volonté réelle de tenir ses engagements et d'apporter sa pierre à l'édification d'un Bénin davantage plus démocratique. D'abord, par un rétropédalage digne des démagogues d'Afrique, il est revenu sur sa promesse de ne faire qu'un mandat à la tête du Bénin. Ensuite, il a tenté, via l'Assemblée, de faire modifier la Constitution en sa faveur. Les députés béninois avaient eu le nez creux en ne jouant pas son jeu. Enfin, le dernier acte attentatoire à la démocratie est le fameux nouveau Code électoral qu'il a fait mettre en place. Quand on y jette un regard à la candide, l'on peut croire que ce nouveau texte a pour ambition d'assainir le jeu démocratique. Mais à l'analyse, l'on peut se rendre compte que Patrice Talon a voulu, par là, trouver un moyen légal d'éliminer du jeu électoral, tous les partis politiques qui ne sont pas disposés à rouler pour lui.
Aucun démocrate ne doit s'accommoder d'une Assemblée nationale monocolore
La preuve, s'il en est encore besoin, qu'il est dans cette logique, est que quand l'opposition l'a interpellé en tant que gardien des institutions pour qu'il pèse de tout son poids pour lever certaines barrières pour rendre inclusives les législatives, il s'est débiné en renvoyant le problème à l'appréciation de l'Assemblée nationale. Et ça aussi c'est du Talon, car il était conscient que le « repêchage » auquel les Béninois appelaient, ne pouvait pas trouver solution au sein du parlement, tant les clivages sont profonds. Bref, Patrice Talon a joué contre la démocratie, et il a gagné. Car, il est en passe de réussir le tour de force de transformer le jeu électoral qui, d'habitude, était ouvert et inclusif au Bénin, en un jeu insipide dont tous les acteurs portent les mêmes maillots. Dans ces conditions, la victoire est d'une certitude mathématique. Mais Patrice Talon gagnerait à méditer cette sagesse du poète français selon laquelle, « à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire ». Cela dit, l'opposition béninoise n'est pas non plus blanche comme neige, si la révision du Code électoral s'est imposée comme une nécessité. Elle devrait par conséquent avoir l'humilité et la sagesse de se remettre en cause afin de faire grandir davantage la démocratie en qualité. En tout cas, aucun démocrate, qu'il soit béninois ou d'ailleurs, ne doit s'accommoder d'une Assemblée nationale monocolore. Car, cela est le signe des régimes qui fonctionnent selon la logique des partis uniques. Au moment où bien des pays africains francophones font des efforts pour tirer la démocratie vers le haut, l'on peut avoir du mal à comprendre que Patrice Talon fasse des pieds et des mains pour donner un coup de Talon mortel à la démocratie béninoise qui, jadis, forçait l'admiration de l'Afrique et d'ailleurs. Cela dit, l'obstination du président Talon à exclure, en toute conscience, les partis politiques de l'opposition du jeu électoral risque d'exposer le Bénin à tous les dangers. En effet, à défaut de ne pas pouvoir porter la contradiction politique au niveau de l'Assemblée nationale censée être le haut-lieu de la discussion et de la délibération démocratique dans un pays normal, l'opposition politique n'a pas d'autre choix que de la porter dans la rue. Les opposants politiques de Talon ne doivent pas être perçus comme ses ennemis mais des adversaires. En tout cas, c'est la démocratie qui gagne en qualité, quand les débats politiques se mènent dans une assemblée où s'expriment et s'affrontent plusieurs sensibilités politiques. Patrice Talon peut-il seulement comprendre cela ? En tout cas, il faut l'espérer.
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