On a beau avoir dénoncé une lutte à double vitesse, la lutte contre la corruption progresse au Bénin. La publication de la liste des présumés auteurs d’actes de prévarication au sein de l’administration publique la semaine dernière en est un signe patent.
Je ne suis pas personnellement convaincu que la corruption soit la source de tous les maux du Bénin. Mais elle demeure, comme dans la plupart des pays africains, l’un des facteurs les plus importants des problèmes de développement qui nous assaillent. Les efforts qui sont déployés pour la combattre m’ont toujours paru comme une sempiternelle perte de temps. Remplacez des pilleurs par d’autres pilleurs, et vous aurez les mêmes résultats. Lorsqu’un gouvernement se vante de lutter contre la corruption alors que son chef est un maître en dilapidation de ressources publiques et en distribution de millions à ses visiteurs ou lors de ses sorties, il ne faut rien espérer de bien nouveau. La corruption vient toujours du sommet. Regardez donc ! Depuis 2016 qu’il est au pouvoir, sans faire de grands discours ni poser des actes personnels contre la corruption, le Chef de l’Etat a visiblement fermé une bonne partie des gisements de corruption au Bénin. Il est devenu très difficile de voler l’argent de l’Etat.
Si par le passé les organismes de lutte pour la bonne gouvernance avaient pignon sur rue, aujourd’hui, ils sont de plus en plus oisifs, faute de tomber sur des dossiers de prévarication sur lesquels mener leur activisme. L’Autorité nationale de lutte contre la corruption (ANLC) a déjà eu l’occasion d’attirer l’attention sur des surfacturations d’un montant d’environ 328 millions de FCFA sur l’achat de 84 engins à deux roues au ministère en charge du cadre de vie. L’alerte a permis d’éviter le crime qui était en passe d’être commis. Il a fallu une information interne pour que l’institution remonte toute la chaine de la fraude pour mettre la main sur les fraudeurs. Les sanctions ont été lourdes, même si le grand public est resté dans l’ignorance du sort final des responsables incriminés dans ce dossier.
Depuis lors, nous attendons d’autres cas similaires. Ils tardent à venir et viendront de moins en moins, parce que la traque menée contre l’hydre de la corruption ressemble à un combat à mort. J’ai personnellement interrogé des agents comptables de l’Etat sur ce point, et les réponses fournies sont presque unanimes : les possibilités de fraude sont devenues rares. Les contrôles sont si fréquents et si multidimensionnels qu’il faut être téméraire pour tenter de voler les deniers publics. Le conseil des ministres de la semaine dernière a montré à suffisance que les cadres fautifs sont placés devant leurs responsabilités : non seulement ils sont frappés par des sanctions administratives et disciplinaires, mais encore ils doivent faire face à la justice pour répondre de leurs actes. La création de la CRIET et sa mise au travail véritable, ont grandement contribué à ce résultat. Bien que certains esprits trouvent qu’il s’agit d’une juridiction d’exception, la CRIET joue un rôle central de dissuasion et de répression. Ses actions traduisent une véritable prise de conscience des acteurs de la justice pour éradiquer le phénomène. A tout cela s’ajoute la dématérialisation des procédures administratives et fiscales. Elle est en train de changer pour toujours l’image de l’administration publique béninoise.
Seulement voilà : tant que le Béninois n’a pas vu des actes d’éclat il pense toujours qu’on lui cache quelque chose. Et pour beaucoup, ce sont les menus fretins qui sont exhibés tandis que les gros poissons sont protégés. On a tôt fait d’oublier que malgré tout, Modeste Toboula est bien en détention aujourd’hui et que son ministre de tutelle a été démis de ses fonctions, le tout pour des raisons que personne n’ignore désormais. Mais il est vrai que la plainte de la nommée Sylvie Mahougnon Akouèssiba Sotounkpè sur les aveux faits par le Président, sont restés sans réponse jusqu’ici. Il est aussi vrai que les organisations de la société civile ont fait une campagne d’affichage sur les contrats non rendus publics par l’Etat. Ce type de mystère est en effet propice à tous les fantasmes mais aussi à tous les abus. Un jour ou l’autre, il faudra que l’Etat les rende publics.
On aura remarqué dans tous les cas, que les progrès de la lutte contre la corruption sont désormais irréversibles. Ils rendent le gouvernement impopulaire, mais instaurent désormais dans la fonction publique une atmosphère de crainte productive.