Machettes à la main et chapeau de paille traditionnel sur la tête pour se protéger du soleil, les participants à l’agro-boot camp de Tori-Bossito, commune rurale du Bénin à une dizaine de kilomètres de Cotonou, défrichent des parcelles de maïs, de niébé (haricot) et de sorgho. « Il faut faucher à la base », conseille Oluwafèmi Kochoni, qui dirige l’atelier. « Ensuite, laissez les plants sur place, on va les enfouir. Ils vont se décomposer et fertiliser le sol. » C’est un conseil pour les débutants, mais ce programme, mis en place par l’ONG bénino-nigérienne Les Jardins de l’espoir, a pour but d’apprendre les techniques agricoles élémentaires et ancestrales à ceux qui les auraient oubliées ou encore à ceux qui veulent se lancer.
Au Bénin, petit pays d’Afrique de l’Ouest limitrophe du géant pétrolier nigérian, 80 % des 11 millions d’habitants dépendent de l’agriculture, selon le Programme alimentaire mondial (PAM). La grande majorité pratique toutefois une agriculture de subsistance, cultivant de petites parcelles de terre et ne disposant pas d’infrastructures ou de moyens pour contrer les aléas climatiques ou les mauvaises récoltes. Mais ce camp d’entraînement (le nom est emprunté au vocabulaire militaire américain) vise un public bien différent.
La troisième édition de cette formation à l’agro-écologie et à l’entrepreneuriat vert qui se déroulait à la mi-avril veut encourager l’autosuffisance alimentaire. Le continent africain, qui comptabilise les deux tiers de terres arables dans le monde, importe pourtant sa nourriture à hauteur de 64,5 milliards de dollars (57,1 milliards d’euros) chaque année, selon les chiffres de la Banque africaine de développement (BAD).
« Chance incroyable »
Pour 27 000 francs CFA (41 euros), pendant une semaine, chaque jour de 6 heures à 22 heures, les 25 participants dorment sous tente, apprennent différentes techniques agricoles respectueuses de l’environnement, suivent des cours de marketing et rencontrent des agro-entrepreneurs qui ont réussi. « Notre conviction, explique Tanguy Gnikobou, le coordinateur, c’est que, pour résoudre le problème de l’emploi dans nos pays, les jeunes doivent créer leurs entreprises avec une conscience écologique et climatique. »
Sur les 85 participants qui ont suivi les deux dernières sessions, dix ont déjà démarré de nouvelles activités, fermes ou entreprises agricoles, et huit autres ont accéléré leur production, selon les organisateurs.
« Au départ, l’agriculture bio était une alternative à l’agriculture conventionnelle. Puis c’est devenu un mode de vie et une philosophie », raconte le président des Jardins de l’espoir. « J’ai eu une grande révélation ici, poursuit-il près de sa tente couverte du drapeau mauritanien. J’ai compris qu’avec la nature, on a tout à portée de main. Par exemple, je ne dépense plus mon argent en engrais, mais j’utilise le fumier de nos ruminants pour mes cultures. C’est rentable. » Pelle en main, il continue à partager son expérience : « Les conseils que reçoivent d’habitude les agriculteurs sont basés sur l’utilisation d’intrants chimiques. On pense aux rendements rapides et pas à produire durablement pour préserver nos terres. »
Doryan Kuschner a eu le temps d’y réfléchir. Seul Français du camp, cet architecte de 25 ans est actuellement en mission au Bénin et a pris une semaine de congés pour venir à Tori-Bossito : « Ce n’est pas un retour, mais une continuité, car les jeunes ici ne sont pas vraiment coupés de l’agriculture. L’Afrique a une chance incroyable, elle n’a pas dépassé le point de non-retour, comme nous en Occident. Ceux qui sont là ne veulent pas réparer les dégâts, ils veulent faire mieux que leurs aînés. »