L’imaginaire de l’Africain est bercé depuis la nuit des temps par les histoires de sorcellerie, de sorcières et de sorciers. Ces histoires de sorcellerie et de sorcières n’ont rien à voir avec l’univers coloré de Harry Potter et son école de sorcellerie. Ici, sous la chaleur des tropiques, la réalité est bien plus prégnante. La sorcellerie n’a rien d’un conte de fée. Elle rythme le cours de la vie des hommes et des femmes. Dans l’inconscient de tous subsiste la peur de cette réalité insaisissable mais connue et présente.
Chaque famille semble avoir son sorcier ou sa sorcière comme ailleurs on a son médecin. Il existe toujours quelque part une tante, un oncle, une mère qui se voit auréoler de la redoutée couronne de sorcellerie. On leur attribue volontiers telle mort mystérieuse, tel accident tragique, et autres bizarreries qui affectent la vie des mortels.
Tout ceci peut faire sourire quelqu’un qui n’est pas abreuvée à la source de la culture africaine. Mais cela ne fait pas du tout sourire l’Africain. Il sait qu’ils existent. Ils sont là autour de lui. Ils les côtoient peut-être tous les jours. Ne demandez pas à un Africain de ne pas y croire. Pour lui, la sorcellerie est comme le courant électrique : on ne le voit pas, mais ça électrocute (quand on s’y colle).
La démarche ici n’est pas de nier son existence non plus, mais plutôt d’élargir son champ. Le sorcier, ce n’est pas seulement le vieux du village, grincheux dont tout le monde se méfie. La sorcière, ce n’est pas seulement la pauvre tante du village vue dans un cauchemar. Ce n’est pas seulement ce frère du village ou cet ami qui a menacé de sorts tragiques. Il y a beaucoup trop de sorciers qui s’ignorent.
Si tu es capable de transformer ta propre épouse, fille de quelqu’un, en sac de maïs que tu bats tous les jours : mon frère tu es un sorcier qui s’ignore !
Si tu es capable de renier la femme de ta jeunesse, celle qui t’a tout donné, pour ensuite la mettre dehors comme un vulgaire chiffon : tu es sorcier, tu ne le sais pas encore c’est tout !
Si tu es capable de ligoter un enfant d’autrui, un VIDOMEGON, pour le torturer sous prétexte qu’il a volé la viande de la sauce : bienvenue au club ! La sorcellerie est dans ton sang !
Si tu es capable de brûler un voleur de mouton sans t’émouvoir à ses cris : tu es largement qualifié pour la ligue des sorciers !
Si tu es capable de sourire ou de rire face au malheur de ton prochain : tu es un sorcier de premier choix !
Si tu es capable de transformer un accident en spectacle au lieu de porter secours aux victimes ; tu te préoccupes plutôt de la qualité des images que tu filmes : la sorcellerie est dans tes gênes ! Bientôt tu seras révélé !
Si tu es capable de jeter ton propre bébé dans le W.C : sincèrement, toi-même avoue-le ! Tu es une sorcière !
Si tu es capable d’empoisonner le fruit de tes propres entrailles : en réalité, tu es sorcier depuis ta naissance ! Tu ne l’es pas devenu !
Si le bonheur de ton prochain te donne la migraine : c’est toi le sorcier du village, ne cherche plus ailleurs !
Si tu prends plaisir au malheur des autres : tu n’as rien à envier à la sorcière du village !
Si pour toi personne ne doit te dépasser, personne ne doit faire mieux que toi, cela te chagrine énormément et peut même te tuer : tu es un grand sorcier !
Si dans l’Administration, tu es prêt à tout pour évoluer ; personne d’autre que toi ne doit évoluer ; ton nom doit figurer sur toutes les listes des missions : tu es un ancien sorcier !
Si dans la circulation en ville, tu ne sais pas ce que c’est que la courtoisie, tu ne cèdes la place à personne, tu as toujours la priorité et tu la réclames avec injures et imprécations : n’accuse pas ton oncle de sorcellerie, toi aussi tu es dans le club !
C’est toi le Don Juan du quartier ; tu enceintes plusieurs filles ; tu ne veux reconnaitre aucune et tu demandes aux malheureuses d’avorter les grossesses : tu as besoin de délivrance ! La sorcellerie t’habite déjà !
Tout le monde te parle, tout le monde gémit, tout le monde se plaint ; tu n’entends rien à cela ; tu es incapable de compassion : tu es le chef des sorciers !
Toi homme politique ! Tu te crois le plus intelligent du village ; tu es aux affaires depuis des décennies ; plus personne d’autre ne doit lever la tête ; tu ne supportes pas la contradiction ; tu élimines tes concurrents : en réalité, les vrais sorciers même te doivent du respect ! Tu es parmi eux !
Si à côté de toi, personne d’autre ne peut exister et vivre : tu es plus qu’un sorcier !