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Dr Salifou Sourakatou à propos de la fièvre de Lassa : « Nous sommes entraînés à y faire face »

Publié le mardi 2 juillet 2019  |  Matin libre
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© aCotonou.com par DR
Dr Sourakatou Salifou, médecin de santé publique, chef service de l’épidémiologie et de la surveillance sanitaire des frontières, port et aéroports au niveau de ministère de la santé
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Dans un entretien exclusif accordé à votre journal, Dr Sourakatou Salifou, médecin de santé publique, chef service de l’épidémiologie et de la surveillance sanitaire des frontières, port et aéroports au niveau de ministère de la santé nous parle des mesures de prévention et de riposte face à la menace de l’épidémie de Lassa. Lisez plutôt !



Chaque fois que le Bénin est en situation d’épidémie, les premiers cas confirmés nous viennent des pays voisins, est-ce qu’on peut dire que les stratégies de prévention au niveau de nos frontières ont montré leur limite ?

A partir de 2014, nous avons enregistré la cinquième épidémie de lassa, bien entendu, on avait connu des cas dans un passé très éloigné dans les années 80. Et dans l’Atacora, toutes les cinq épidémies ont été vécues. Je ne dirai pas que les mesures de prévention au niveau de nos frontières ont montré leurs limites, il faut dire que notre pays a eu la chance d’avoir eu des soutiens très appréciables de l’Ocal (Organisation du Corridor Abidjan-Lagos), avec laquelle nous avons fait une cartographie des mouvements des populations tant au niveau méridional qu’au niveau du septentrion. On avait fait deux sous-équipes, une équipe au niveau de Cotonou et environs et une autre équipe qui a rassemblé Borgou-Alibori, Atacora-Donga. Nous sommes arrivés aujourd’hui à savoir avec précision où nos compatriotes vont quand ils vont au Nigéria, quand ils quittent le Nigéria pour revenir au Bénin. Quelles zones sont les zones potentielles qu’ils rejoignent à leur retour au bercail. Nous sommes arrivés à savoir les périodes de pointe au cours desquelles nos compatriotes effectuent leur retour. Il faut dire que les cas de lassa nous viennent effectivement pour la plupart des cas pendant les cinq épidémies vécues du Nigéria. Ces cas nous sont venus des zones les plus rurales donc nos compatriotes y vont essentiellement pour les travaux champêtres. C’est pendant leur retour durant la période octobre à janvier-février que nous avons les cas. Mais depuis six mois environ notamment au cours de cette dernière épidémie, nous avons pratiquement eu la certitude que le Bénin a commencé par avoir des cas autochtones c’est-à-dire que nous avons des vecteurs, des souris qui hébergent en elles, le virus, responsable de la maladie de Lassa. C’est vrai dans un premier temps, on peut dire que c’est une migration étant donné que les souris que nous avons vues, c’est évidemment à la frontière…le Borgou, donc le Nigéria. Donc on peut dire qu’elles ont migré mais de toutes les façons aujourd’hui, à l’heure où je vous parle, nous avons sur notre territoire des rats multi-mammaires qui ont des virus de lassa en eux donc nous sommes à même de dire qu’il y a toutes les raisons, toutes les conditions pour produire donc des cas autochtones de Lassa. Maintenant, venons aux mesures de la prévention, est-ce qu’elles ont montré leurs limites, je dis non. Elles n’ont pas eu leurs limites. Je voudrais vous dire qu’on ne peut affirmer aujourd’hui qu’on n’aura pas de cas de lassa. Tant que le vecteur est là et circule c’est-à-dire le rat qu’on consomme ou même si on ne le consomme pas, les déjections, ses urines…contaminent un certain nombre d’aliments. C’est très rare donc de dire qu’on n’aura pas de cas. Par contre, ce que nous pouvons faire, c’est quoi, nous sommes très efficace dans ce domaine. Au cours de cette épidémie de 2019, celle qui a commencé de décembre 2018 à mars 2019, nous avons eu neuf cas confirmés, tous guéris. On est arrivé donc à détecter tôt. Le challenge actuellement n’est pas de ne pas enregistrer des cas…mais le challenge, c’est de les détecter tôt, de mettre en place un traitement efficace tôt, de faire en sorte que les sujets contacts soient limités. Et je peux vous assurer qu’au cours de la gestion de la dernière épidémie, cela a été exceptionnel, nous sommes arrivés même à avoir des cas où des sujets contacts qui ont touché le malade étaient au nombre de quatre, cinq maximum. On a eu des cas, si je prends le deuxième cas dans l’Atacora où les sujets contacts étaient au nombre de trois, ce qui montre une grande efficacité dans la gestion. Je peux vous citer donc trois objectifs principaux dans la gestion d’une épidémie : quelle est la durée de l’épidémie. C’est vrai, vous allez me dire qu’elle a duré un peu mais, pendant pratiquement un mois environ, nous sommes arrivés à arrêter l’apparition de nouveaux cas. Et comme il faut attendre 42 jours avant de décréter la fin, c’est pour cela que nous sommes allés jusqu’à fin mars. Est-ce qu’on est arrivé à juguler la crise tôt ? Oui, on a été efficace ! Deuxième objectif, la létalité, combien de cas porteurs de la maladie sont décédés, nous avons eu 0 cas, c’est un facteur de succès éclatant. Troisième objectif, combien de sujets ont eu de contacts avec le sujet. Par le passé, il y a des cas où pour un sujet malade, on a plus de vingt sujets contacts, ce n’est pas pire. Nous avons travaillé à réduire le nombre de sujets contacts. D’ici Octobre, puisque nous connaissons la période au cours de laquelle, les cas viennent, la surveillance est libérée. Actuellement, nous sommes en période de préparation, nous avons fait notre revue après action avec tout ce qui n’a pas bien fonctionné qu’on a traduit en actions correctrices. Chaque directeur départemental de la santé est en train de mettre en œuvre, préparer les sites de prise en charge, préparer les équipes. Nous sommes en train de mettre en place les intrants, le laboratoire est également en train d’être renforcé. Nous nous préparons à riposter parce qu’on s’attend probablement à ce que d’ici octobre à février, des cas éventuels nous viennent. Il faut qu’on soit prêt pour les prendre en charge tôt pour qu’on ait les mêmes performances. Nous aurons donc moins de cas parce qu’on est entraînés à y faire face.



Dr Sourakatou, nous allons évoquer à présent un pan de la stratégie de prévention notamment au niveau de nos frontières, il s’agit des brigades de santé. Dites-nous comment fonctionnent-elles, ces brigades sanitaires ?



Les brigades sanitaires, il ne faut pas que nos compatriotes pensent que ce sont des sites de répression, ce n’est pas du tout cela. La brigade sanitaire est composée des relais communautaires qui sont entraînés à détecter des symptômes de telle ou telle maladie, des forces de l’ordre… Ces brigades sanitaires sont donc mises en état d’alerte maximale au cours de la période où on estime que les retours ont commencé. Comment est-ce qu’on a pu savoir que les retours s’effectuent au cours de période d’octobre à février ? A partir d’octobre à février, c’est la période au cours de laquelle, on a eu parfois à faire les premières récoltes. Pendant donc la période des fêtes de fin d’année notamment en décembre, nos compatriotes veulent rentrer fêter en famille. C’est à cette période, lorsqu’on a fait l’étude avec l’équipe d’Ocal, qui a été retenue. Au cours de cette période, ces brigades sont donc fonctionnelles avec l’appui d’un certain nombre de partenaires. D’ici septembre, il sera organisé à leur intention, des formations.

Peut-on alors dire désormais qu’on ne peut plus se mettre définitivement à l’abri de la fièvre hémorragique à virus de Lassa ?



Dès que tu as le germe, tu as jusqu’à 21 jours pour présenter les symptômes et à partir de ce moment, ça rend complexe. Nous ne sommes pas des charlatans au niveau de la santé donc, c’est très difficile de dire que tous ceux-là qui passent au niveau de la frontière n’ont pas le germe. Je vous ai dit que certains rats même domestiques ont même commencé par avoir le germe, ça veut dire que la contamination peut partir des aliments, le risque est là et je peux vous dire que nous sommes entraînés pour livrer la bagarre implacable et Dieu sera de notre côté, il n’y aura pas de place à l’à peu-près. Tout est donc mis en place et je pense qu’avec cet entrainements, on aura les cas très tôt, on n’aura pas beaucoup de sujets contacts donc la propagation va être assez limitée.

Un message à lancer ?



Pas de panique, je voudrais rassurer les compatriotes, si je ne promets pas qu’il n’y aura pas de cas, je vous ai parlé des conditions d’apparition des cas, je peux par contre dire que nous avons l’entraînement nécessaire pour faire en sorte que les cas qui vont apparaître soient pris en charge tôt, qu’ils n’aient pas de complications, qu’ils survivent au maximum donc presque sans décès et que l’épidémie si elle devait donc apparaître sera éteinte très rapidement parce que nous savons le faire en limitant les contacts. Il y a un adage qui dit qu’on ne change pas l’équipe qui gagne, nous allons renforcer nos effectifs pour des victoires lors des épisodes futurs



Propos recueillis par Aziz BADAROU
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