Le 21 mars 2018, à Kigali, 44 États membres de l’Union africaine ont signé l’Accord portant création de la Zone de libre-échange continentale africaine. En l’adoptant, les pays signataires ont respecté l’esprit du Traité instituant la Communauté économique africaine, conclu en 1991 à Abuja, et donné suite à la décision prise en 2012, lors d’un sommet de l’Union africaine, d’accélérer la mise en place d’une zone de libre-échange continentale, prévue à titre indicatif pour 2017. Selon “Le Rapport sur le développement économique en Afrique que la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED)’’, la Zone de libre-échange continentale africaine, qui a vocation à devenir un marché unique de biens et services pour 1,3 milliard de personnes, est le gage de la concrétisation du rêve nourri par l’Union africaine dans son programme intitulé « Agenda 2063 : L’Afrique que nous voulons » (2015). Elle suscite donc des espoirs immenses pour le continent en matière de création d’emplois, de réduction de la pauvreté et de prospérité.
Plus de vingt-cinq ans après la signature du Traité d’Abuja, l’Afrique s’apprête à franchir un pas historique, à l’heure où elle s’emploie à achever les négociations relatives à l’une des grandes étapes de l’intégration régionale envisagée par des pères fondateurs panafricanistes. La volonté politique s’est renforcée depuis qu’il a été décidé, en 2012, d’accélérer la mise en place de la Zone de libre-échange continentale africaine, et il est crucial de tirer parti de cette dynamique pour concrétiser la vision continentale dont l’Agenda 2063 est porteur. A en croire “Le Rapport sur le développement économique en Afrique que la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED)’’, si elle se concrétise, la Zone de libre-échange continentale africaine pourrait également jouer un rôle important dans la réalisation des objectifs de développement durable en Afrique, dans la mesure où elle stimulera la transformation structurelle et favorisera une répartition plus équitable des retombées statiques et dynamiques du commerce (Valensisi and Karingi, 2017). Compte tenu des tendances socioéconomiques à long terme, la Zone de libre-échange continentale africaine permettra aussi à l’Afrique, mentionne le rapport, de tirer parti du dynamisme de son marché, d’une croissance économique rapide dans plusieurs pays, d’une classe 6 moyenne en pleine expansion et d’une population jeune et grandissante. Selon les estimations, la production manufacturière de l’Afrique pourrait presque doubler, passant de 500 milliards de dollars en 2016 à 930 milliards en 2025. Les trois quarts de ce montant pourraient provenir de la satisfaction de la demande intérieure, principalement en denrées alimentaires, boissons et autres produits transformés similaires (McKinsey Global Institute, 2016). De plus, à l’heure de la mondialisation et face à la menace de possibles « guerres commerciales » (Coke-Hamilton, 2019), une telle approche pourrait contribuer à atténuer certaines des incertitudes liées à la conjoncture mondiale, précise le rapport. Cette stratégie de diversification pourrait s’avérer particulièrement importante pour l’Afrique, où les exportations reposent dans une large proportion sur les produits de base, rendant le continent vulnérable à l’effondrement des cours de ces produits. En outre, l’Afrique est fortement tributaire de préférences unilatérales sur les principaux marchés d’exportation.
La Zone de libre-échange continentale africaine : un facteur d’intégration économique
Selon les conclusions du rapport de la CNUCED, les communautés économiques régionales africaines ont progressé à un rythme inégal sur la voie de l’intégration et de la consolidation régionales (United Nations Economic Commission for Africa et al., 2017 ; De Melo et al., 2017), et la Zone de libre-échange continentale africaine est l’occasion de réduire les droits de douane et les coûts du commerce entre ces communautés. Les pays du continent pourraient alors tirer profit de leur intégration régionale en réalisant des économies d’échelle plus importantes, mais aussi, et peut-être surtout, en exploitant les complémentarités commerciales qui existent entre de grandes économies et sous-régions dont les échanges se font, à l’heure actuelle, principalement sur la base du traitement de la nation la plus favorisée. Plus fondamentalement, il faut voir dans la Zone de libre-échange continentale africaine un moyen de renforcer la cohérence entre les objectifs des politiques commerciales et industrielles, d’une part, et le programme de transformation du continent, d’autre part, et ce, pour trois raisons : il est établi sur la base ses conclusions du rapport, qu’une approche stratégique axée sur l’intégration régionale ouvre davantage de possibilités de diversification en offrant un tremplin vers des activités de plus en plus complexes, l’idée étant que les pays ciblent tout d’abord des marchés proches et soumis à des normes moins strictes, de manière à développer progressivement les capacités productives dont ils ont besoin pour être compétitifs à l’échelle mondiale. La Zone de libre-échange continentale africaine n’entraînera pas une expansion appréciable du commerce intra-africain sans un renforcement des capacités productives. L’Afrique possède aujourd’hui moins de routes qu’elle n’en avait il y a trente ans et la région accuse les coûts de transport de fret les plus élevés au monde, si l’on s’en tient aux données du rapport. La politique industrielle, les couloirs de développement, les zones économiques spéciales et les chaînes de valeur régionales constituent d’importants outils pour promouvoir le commerce intra-africain dans un contexte de régionalisme développementiste (UNCTAD, 2013 ; Harvard University, 2018). La Zone de libre-échange continentale africaine est aussi une étape essentielle garantissant une libéralisation progressive et ordonnée du commerce en Afrique et donnant au continent les moyens de mieux faire face à des événements de plus grande ampleur, qu’il s’agisse de négociations relatives à des accords de partenariat économique, de méga-accords régionaux ou d’éventuelles « guerres commerciales » (United Nations Economic Commission for Africa, 2015 ; Brookings Institution and United Nations Economic Commission for Africa et al., 2013). Dans le contexte actuel de possibles « guerres commerciales », de résurgence du nationalisme et de désenchantement à l’égard du système commercial multilatéral (Nicita et al., 2018 ; UNCTAD, 2018a ; Coke-Hamilton, 2019), la Zone de libre- échange continentale africaine représente également une étape stratégique dans le resserrement des liens continentaux et envoie un signal fort en faveur d’un régionalisme ouvert et d’une coopération centrée sur le développement, conclut le rapport.