Le Bac 2019 a livré un verdict pour le moins satisfaisant. Pour la plupart des Béninois, les 50,10% de réussite obtenus cette année sont vraiment historiques. Et effectivement, depuis plus de 45 ans, c’est la première fois que cet examen atteint ce seuil. La moitié des candidats sont admissibles. Pour beaucoup de personnes, ce taux constitue pourtant un scandale. Sur les réseaux sociaux, certains n’ont pas hésité à parler de résultats politiques destinés à justifier les prétendues réformes de Talon. « Le Bac est devenu Gbahoundjo, distribué comme de petits pains », a pu écrire un ami sur Facebook. Pour lui, comme pour beaucoup d’autres, ce taux est le signe du rabaissement de la valeur de ce diplôme.
Tout ce monde a probablement raison, étant entendu que dans un passé récent, les rachats au CEP et au BEPC ont créé un véritable scandale. Il fut une année où l’on racheta au BEPC jusqu’à 7 de moyenne. Il y eut au CEP 95% de réussite. On parla de résultats politiques, surtout parce que, contre toute attente, certains ministres pensaient qu’il fallait des taux de réussite dithyrambiques pour que les partenaires techniques et financiers continuent à appuyer les Nouveaux programmes d’études (NPE). Cette vision opportuniste a fait plus de mal que de bien à tout le système éducatif.
D’autant d’ailleurs que les élèves titulaires de CEP qui arrivent au collège devenaient de véritables cas sociaux pour tous les enseignants. Comment enseigner à des enfants dont beaucoup avaient du mal à écrire correctement leur propre nom ? Comment enseigner à des enfants dont certains avouaient avoir été massivement aidés dans les salles d’examen par ceux-là qui étaient chargés de les surveiller ? La triche au CEP a brisé l’avenir de milliers de nos enfants.
Ayant reconnu cela, il ne faut toutefois pas mélanger les périodes. Et même malgré toutes les manipulations qui ont pu affecter la sincérité des résultats de nos examens scolaires par le passé, le Bac en est resté relativement indemne. Il n’est pas facile de truquer un examen aussi sérieusement et minutieusement organisé. Les résultats du Bac échappent à l’autorité politique. Et cela ne date nullement d’aujourd’hui.
Mais le fait est que, presque culturellement, les Béninois pensent que le Bac n’est vraiment Bac que lorsque ses résultats sont faibles. 8,93% en 1984, 23,71% trente ans plus tard, en 2014 ou encore 33,43% en 2018, voilà des vrais Bac, ceux où nos enfants échouent en masse. Les candidats qui décrochent le graal sont alors considérés comme étant plus intelligents que les autres.
Ce que l’on oublie de dire dans chacun de ces cas, c’est que ces échecs veulent simplement dire que chaque fois que cela s’est ainsi passé, l’Etat a mal utilisé nos ressources. Il n’a pas su employer les ressources que nous mettons à sa disposition pour faire réussir la majorité de nos enfants. C’est un échec pour l’Etat. Idem pour les parents. Lorsqu’ayant passé 9 mois à dépenser sur son enfant en frais de scolarité, petits déjeuners, fournitures, TD…, l’on se retrouve devant l’échec de son enfant, je me demande combien de parents en sont heureux. Pour les candidats échoués eux-mêmes, c’est souvent le début d’une dépression allant parfois jusqu’au suicide dans certains cas.
Dans notre pays, l’échec est devenu la norme aux examens scolaires et académiques. A l’université, des facultés entières atteignent 5% ou 10% de réussite dans l’indifférence généralisée. Il y a des enseignants qui se font forts de faire échouer leurs étudiants, estimant que leur matière est si sérieuse qu’il faut être très intelligent pour y avoir de bonnes notes. L’idée égocentrique ici, c’est que le professeur est probablement un dieu pour pouvoir enseigner une telle matière. « Tant que je serai vivant, vous n’aurez pas mon UV », chantait un enseignant de la FAST à certains de ses étudiants de maîtrise, il y a quelques années. Bien sûr, son décès a été fêté comme une délivrance par des générations entières d’étudiants.
Non, je persiste à croire que le Bac et les autres examens nationaux, doivent donner au-delà de 70% chaque année, comme en France et d’autres pays dits de référence. Et pour y parvenir, il y a des leviers bien connus sur lesquels il faut agir, sans altérer la qualité de nos diplômes. C’est vers cet objectif que doivent tendre les prochaines réformes.