La Cour constitutionnelle a rendu sa décision dans l’exception d’inconstitutionnalité portée devant elle et soulevée par Me Robert Dossou dans l’affaire opposant Lionel Zinsou au ministère public. La requête a été déclarée irrecevable au motif que l’exception d’inconstitutionnalité soulevée ne porte sur aucune loi mais qu’elle tend plutôt à faire apprécier par le juge constitutionnel la violation des droits de la défense et de la présomption d’innocence. Ce qui, pour être recevable, aurait dû être porté à la Cour par la voie de l’action directe.
« La Cour … ; Considérant qu’en l’espèce, la demande dont est saisie la Cour se situe dans le cadre de l’exception d’inconstitutionnalité, comme le confirme le jugement avant-dire-droit du 7 juin 2019 et la procédure de saisine ; Considérant cependant que cette demande ne porte sur la violation d’aucune loi, qu’elle ne tend pas à faire constater et déclarer l’inconstitutionnalité d’une loi mais plutôt à faire sanctionner la violation alléguée des droits de la défense et de la présomption d’innocence, tirée du refus par le juge d’accorder une remise de cause fondée sur une demande de communication de pièces ; Considérant que le principe des droits de la défense et celui de la présomption d’innocence, quoique garantis par la Constitution, ne sont pas une loi au sens de l’article 122 de la Constitution, destinée à être appliquée dans la cause dont le tribunal est saisi et qui pourrait être arguée d’inconstitutionnalité ; Que le respect de ces principes par le juge ne saurait donc être obtenu par la procédure de l’exception d’inconstitutionnalité mais par la voie de l’action directe ; Qu’il s’infère de tout ce qui précède que l’exception d’inconstitutionnalité soulevée par Me Robert Dossou devant le Tribunal de première instance de première classe de Cotonou dans l’affaire 2018-RP-05-806 doit être déclarée irrecevable ; En conséquence, dit que la requête de Me Robert Dossou est irrecevable ». C’est la substance de la décision Dcc19-255 du 18 juillet 2019, rendue par la Haute juridiction sur l’exception d’inconstitutionnalité soulevée par Me Robert Dossou, dans l’affaire qui oppose le ministère public à son client Lionel Zinsou. Il ressort de cette décision que la procédure enclenchée contre le candidat à l’élection présidentielle de 2016 Lionel Zinsou, accusé de dépassement des frais de campagne et faux et usage de faux, peut se poursuivre. Le mis en cause est d’ailleurs attendu ce jour au Tribunal de première instance de Cotonou.
Que comprendre ?
La décision rendue par la Cour constitutionnelle fait suite à l’exception d’inconstitutionnalité soulevée par Me Robert Dossou devant le juge de la 3e chambre citation directe du Tribunal de première instance de Cotonou. Dans le jugement avant-dire-droit transmis à la Cour constitutionnelle, le juge expose que Me Robert Dossou évoque une violation des droits de la défense et de la présomption d’innocence au motif du refus d’une remise de cause qu’il a sollicitée pour obtenir communication de pièces. Dans son mémoire du 21 juin 2019, la Société civile professionnelle d’avocat Robert Dossou, commise à la défense de Lionel Alain Zinsou, précise d’une part qu’il n’appartient pas au procureur de s’auto-saisir pour les faits de dépassement des frais de campagne deux ans après mais qu’il aurait fallu que la Chambre des comptes de la Cour suprême lui transmette un rapport dans un délai de quinze jours et d’autre part que le Tribunal n’a mis à sa disposition ni à celle de son client les pièces prétendument fausses qui justifient le chef d’accusation de faux et usage de faux. Il conclut alors à une violation du préambule de la Constitution, de son article 17 alinéa premier et de l’article 7.1 de la Charte africaine des droits de l’Homme et des Peuples.
Invité à présenter ses observations, le procureur de la République près le Tribunal de première instance de première classe de Cotonou a soulevé l’irrecevabilité de cette exception d’inconstitutionnalité qui ne porte sur la violation d’aucune loi. C’est d’ailleurs dans ce sens que la Haute juridiction rendra sa décision. La Cour se fonde en premier sur l’article 122 de la Constitution qui dispose que la Cour peut être saisie de la constitutionnalité des lois soit directement, soit par la procédure de l’exception d’inconstitutionnalité invoquée dans une affaire devant une juridiction. Ce faisant, la Cour réaffirme les deux voies alternatives possibles pour discuter la constitutionnalité d’une loi notamment la voie de l’action directe en inconstitutionnalité et la voie de l’exception d’inconstitutionnalité. La Haute juridiction va se fonder en second lieu sur une jurisprudence constante de la Cour qui conclut à ce que l’exception d’inconstitutionnalité telle que prévue par l’article 122 de la Constitution vise à sanctionner l’inconstitutionnalité d’une loi appelée à être appliquée dans une affaire dont est saisie la juridiction, la loi étant entendue comme une disposition impersonnelle et générale adoptée par le Parlement et promulguée. Dans sa décision, la Cour fait d’ailleurs référence à de nombreuses décisions rendues en la matière de 2009 à 2017.
C’est fidèle à cette jurisprudence que la Cour a déclaré irrecevable l’exception d’inconstitutionnalité soulevée par Me Robert Dossou. Il reste ouvert pour Me Robert Dossou, la possibilité de formuler, par la voie de l’action directe en inconstitutionnalité, un recours pour violation des droits de la défense et de la présomption d’innocence. Un tel recours amènerait la Cour à se prononcer sur le fond du dossier.