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Contrôle de constitutionnalité la Cour Constitutionnelle : un secours ou un recours ?

Publié le vendredi 26 juillet 2019  |  aCotonou.com
Joseph
© aCotonou.com par dr
Joseph Djogbénou,président de la Cour Constitutionnelle
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Certains désapprouvent sa partialité, d’autres saluent sa proactivité et son professionnalisme. Et pourtant, les requêtes s’empilent au guichet. Les citoyens et les institutions de la République ne cessent de solliciter l’arbitrage de la Haute juridiction pour diverses raisons. En un an, la sixième mandature de la Cour constitutionnelle a fortement marqué la vie publique au service des plus faibles en matière de droits humains ou des institutions pour leur bon fonctionnement. Priorité à la stabilité politique ou déni du droit. Les populations apprécient le rôle de cette Cour depuis son installation. Positivement ou négativement ?

Par Anselme Pascal AGUEHOUNDE (collaboration exterieure)

420 décisions rendues dont notamment 390 Dcc sur différents sujets de contrôle de constitutionnalité et 30 décisions El dans le cadre des législatives d’Avril 2019 ; bilan record des recours vidés par la Haute juridiction en un an. « Au départ, peu de personnes, y compris moi-même, croyaient à la capacité de la nouvelle Cour à jouer le rôle de dernier recours à lui conférer par la Constitution parce qu’on doutait de sa composition. Il me semble, de ma position d’observateur, que la Cour présidée par le Professeur Djogbénou répond globalement aux attentes », analyse Horatio Yéwadan, un ancien cadre du ministère de l’Agriculture, passionné des sujets politiques. Pour lui, on peut critiquer, mais il est important de condamner au regard de la réalité et non en feignant de pas constater ce qui se voit aisément. Son fils Gaspard Yewadan, titulaire d’un master en science politique à l’Université de de Paris XIII Villetaneuse accentue son analyse sur la personnalité du Président de la Cour constitutionnelle sans être totalement en opposition avec son père. Pour lui, ce qui est fait est certainement bon, mais il y sent un goût d’inachevé en se focalisant sur le parcours du professeur Joseph Djogbénou. « Je pense, pour ma part, que pour un homme reconnu droit comme lui, il aurait pu se distinguer par ses prises de positions en faveur du droit et de la justice et marquer ses distances déjà en tant que ministre, puis en tant que président de la Cour constitutionnelle », se positionne Gaspard Yewadan. Pour confirmer sa position, il avance : « Les compromissions entre droit et politique et la non-réaction sur plusieurs chantiers sur lesquels cette cour était attendue dans le processus électoral ayant conduit aux législatives dernières m'inquiètent quant à sa neutralité et sa sagesse en cas de modification de la Loi fondamentale et pour la prochaine élection présidentielle ». Il indexe aussi les revirements jurisprudentiels que la Cour a opérés dès son installation et y voit des décisions trop partisanes. « Ça sent la politique ! », récapitule-t-il. Ces positions tranchées entre deux membres d’une même famille dans un débat, illustrent à merveille les appréciations divergentes qui ont cours dans les cadres de discussion de divers cercles d’échanges un peu partout au Bénin.
L’intérêt supérieur
« Quand une décision concerne le gouvernement, je ne me gêne même pas à réfléchir. La Cour va presque toujours dans le sens du gouvernement. On dirait qu’il y a une connexion entre les deux », se désole Alice Ganha, couturière. Bien cambrée derrière son plat de haricot qu’elle déguste sans entrain devant la gare routière de Bohicon, elle est préoccupée par l’avenir. C’est l’incertitude qui la hante avec la baisse de ses revenus. « Depuis l’arrivée de Talon, la grande majorité de mes clientes font désormais très peu de commandes », regrette-t-elle. Auparavant la majorité des femmes cadres de Bohicon ou d’un niveau de vie moyennement élevé se donnaient rendez-vous chez elles pour s’échanger les nouveaux modèles en vogue. La réduction du train de vie de l’Etat avec ses corollaires sur le revenu des agents de l’Etat a amenuisé son chiffre d’affaires. Horacio Yéwadan compatit à la morosité économique et comprend la réserve de son fils, mais aussi la peur et la méfiance des autres. Il trouve toutefois que le principal gain à viser doit être l’intérêt collectif et national qu’incarnent les mobiles de ces décisions décriées et qui résident dans des enjeux liés à la stabilité des institutions. Pour lui, la paix et le développement de tous priment sur toute autre chose. « Les réformes initiées par le Gouvernement ont suscité des réactions, des oppositions de la part des Magistrats, des Enseignants, et des agents de Santé avec les grèves lancées par certaines centrales syndicales qui auraient pu faire basculer le pays », se souvient-il. « C’est la décision de la Cour présidée par Joseph DJOGBENOU de déclarer conformes les dispositions restrictives du droit de grève qui a sauvé le peuple sinon le bras de fer auquel nous avons assisté dernièrement aurait entrainé le pays dans une situation socio-politique ingouvernable », insiste-t-il. Pour de nombreux citoyens, la remise en cause de cette jurisprudence et d’autres décisions ne sont pas du domaine de la parodie. « Cela en a l’air, mais c’est de la rectification. C’est comme un engagement révolutionnaire », galvanise Faustin Dégbey, revendeur de produits vivriers à Comè et qui se présente comme membre de l’un des partis politiques soutenant le régime. « C’est une Cour qui va au secours des institutions et des citoyens les plus déshérités », ajoute-t-il en faisant référence aux décisions sur la limitation du droit de grève qui « aurait arrêté la saignée dans les hôpitaux », selon lui.
A la croisée des chemins
Même étiquetée, décriée, dénigrée pour ses décisions, la sixième mandature de la Cour constitutionnelle a été un recours pour de nombreux citoyens pour diverses raisons. A l’œuvre, elle n’a pas laissé les critiques émousser sa proactivité et son engagement ; prompte à examiner les requêtes de contrôle de conformité et les recours en inconstitutionnalité. Son ouverture au public et sa proactivité vont aiguiser l’ardeur de la population à user du droit constitutionnel de saisine. Des recours parfois formulés en méconnaissance des compétences de la Cour, on en est aujourd’hui à des textes mieux élaborés dont les motivations des auteurs sont claires. Mais soucieuse de ne pas empiéter sur le champ de compétences des autres juridictions, la Haute juridiction avait organisé en août 2018 une rencontre thématique intitulée « Contrôle de constitutionnalité et contrôle de légalité : quelles frontières ? ». A l’occasion le président de la Cour constitutionnelle déclarait : « Pour éclairer, il faut être éclairé. Pour apporter une contribution de qualité à la formation du droit, à la protection juridique des personnes et de l’Etat, toute formation juridique doit faire preuve de l’humilité nécessaire et ouvrir les fenêtres… C’est dans cet esprit que la Cour constitutionnelle a décidé de programmer les rencontres thématiques qui permettront d’échanger sur des notions essentielles qui reviennent dans les requêtes sur lesquelles la Cour est amenée à se prononcer ».
Pour la plupart des défenseurs de la Cour Constitutionnelle du Président Joseph DJOGBENOU, c’est la capacité de réactivité et sa promptitude quand elle est saisie des sujets majeurs relatifs à la vie de la nation et l’intérêt collectif, qui rassurent. « Dans tous les cas, l’actuelle mandature a encore l’occasion de convaincre davantage l’opinion publique sur son impartialité dans les sujets relatifs à sa mission. L’avenir est devant elle. On peut simplement leur recommander de travailler avec davantage de discrétion », augure et recommande Horacio Yewadan. « Il faut que la Cour fasse fi des écrits ou discours laudatifs des journaux à la solde du pouvoir pour se focaliser sur les quelques rares médias qui consacrent encore de l’information critique sur les plateaux de télévision ou à travers les réseaux sociaux », suggère Gaspard Yéwadan. Il insiste sur l’indispensable accompagnement des différents acteurs politiques afin que la Cour joue effectivement sa mission de recours comme cela a été le cas lors des dernières législatives controversées. Pour lui, les discussions dans les lieux de rencontre et d’échanges de diverses catégories de la population comme c’est le cas pour le kiosque de journaux jouxtant la morgue du Centre national hospitalier et universitaire (Cnhu), peuvent constituer pour la Cour des sources de mesure de la météo de satisfaction de la masse à son égard.

ENCADRE

Parfois nécessaire !
Interrogé sur la question des revirements jurisprudentiels après les décisions d’annulation de la prorogation du mandat du Cos-Lépi, puis de retrait du droit de grève aux magistrats et au personnel de la santé, le professeur Joël Aïvo va déclarer : « Le revirement a des critères : le temps et les circonstances. De plus, il n’affecte jamais la même décision. Ce n’est pas crédible pour un juge constitutionnel de revenir sur ses propres décisions alors que le temps qui sépare l’ancien jugement est extrêmement court et qu’il n’y a eu ni changement de circonstance, ni nouvelle législation ». Mais rectifier une erreur ne vaut-t-il pas mieux que la laisser empiéter sur l’ordre social, pour le seul argument de préserver des susceptibilités ? Ce faisant, le juge constitutionnel ne fait-il pas preuve d’ouverture d’esprit ? C’est d’ailleurs ce sens de responsabilité qui amènera la Cour à se prononcer d’office sur les recours de certains avocats relatifs à la loi portant création de la Criet qui avait déjà connu un contrôle a priori et qui bénéficiait donc de l’autorité de la chose jugée. Une décision de la Cour qui aura permis d’épurer ladite loi de l’alinéa 2 de son article 12 déclaré contraire à la Constitution.
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