Cotonou, 2 août 2019 (AFP) - Une longue file de camions s'étire sur le
boulevard le long du port de Cotonou, en plein coeur de la capitale économique
du Bénin: un port en pleine mutation depuis plusieurs années et dont des
travaux colossaux veulent faire un port compétitif en Afrique de l'Ouest.
Des semi-remorques, parfois hors d'âge, avançant avec peine et crachant une
fumée noire, attendent leur tour pour entrer dans l'enceinte portuaire charger
des marchandises, pendant que d'autres sortent avec des conteneurs ou les
citernes remplies de carburant.
Ce port de transit de 300 hectares doit rivaliser avec ses voisins, dans un
secteur très concurrentiel en forte croissance du à la progression globale des
échanges en Afrique de l'Ouest.
Le Togo a fortement investi dans ses installations portuaires (+18,3% de
chiffres d'affaires en 2018), et les géants ivoiriens et ghanéens gardent une
place prépondérante dans le commerce maritime de la région.
Abidjan, en Côte d'Ivoire, et Tema, au Ghana, peuvent accueillir des
navires plus gros car les bassins sont plus profonds et plus étendus (le plan
d'eau à Abidjan est de 1.000 ha contre 80 à Cotonou), le coût de passage est
moins élevé et les délais plus rapides.
- Transit -
Toutefois, le port de Cotonou a multiplié les efforts pour se débarrasser
de sa mauvaise image et de ses délais d'attente interminables.
Le Bénin veut tirer profit de sa position géographique et reste un point de
transit, notamment vers le géant nigérian, un marché de 190 millions
d'habitants totalement congestionné à quelques dizaines de kilomètres à peine
de Cotonou, et vers les pays de l'hinterland.
Quelque 49% du trafic d'importation est d'ailleurs destiné aux pays privés
de littoral, et notamment vers le Niger, qui reste fidèle à son voisin et
partenaire béninois (3,9 Mt importées en 2018 via le Bénin).
"Cotonou est notre port naturel", explique Chaibou Attahy, représentant
d'une association de transporteurs du Niger. "Mais s'il a gagné en célérité,
enlever un conteneur reste beaucoup plus cher, donc ça pose la question de la
compétitivité", met-il en garde.
Ainsi, pour redynamiser ce secteur essentiel au pays, le président Patrice
Talon a décidé de reprendre les choses en main.
En effet, le port de Cotonou contribue à plus de 60% au PIB et mobilise
plus de 90% des ressources intérieures. Le petit pays d'Afrique de l'Ouest ne
peut pas se permettre de se laisser distancer.
Début 2018, son gouvernement a confié la gestion du Port autonome de
Cotonou, la structure administrative, au Port d'Anvers International (PAI),
dans un souci de réorganisation et restructuration de l'administration:
informatisation des services, diffusion d'un code de bonne conduite, formation
du personnel,...
L'annonce avait alors provoqué une levée de boucliers des syndicats
craignant une privatisation déguisée qui engendrerait des licenciements
massifs. Une partie de la presse s'est également élevée contre le bradage du
joyau du pays.
L'autorité portuaire a elle seule compte 500 agents et on estime que 10.000
personnes travaillent au port, si on compte les dockers et les employés des
entreprises sous-traitantes.
- 450 millions d'euros d'investissements -
Treize agents ont finalement été licenciés mais plusieurs techniciens ont
été recrutés, se défend PAI, qui affirme vouloir surtout "changer les
mentalités" dans un secteur réputé gangréné par le clientélisme.
"On va à la recherche des clients, c'était inexistant avant", indique Nele
Voorspoels, directrice commerciale et marketing.
Après cette première phase de réajustement, des travaux colossaux vont
démarrer en 2020, le plan d'investissement de 300 milliards de FCFA (450
millions d'euros) ayant été validé par le gouvernement.
"On va faire du port autonome de Cotonou une plateforme logistique
innovante, sécurisée et fiable au service des échanges internationaux",
ambitionne Joris Thys, son directeur général. "On veut que les entreprises
internationales de manutention et de logistique viennent investir".
De son côté, le ministre des Infrastructures et des Transports Alassane
Seidou se réjouit d'un chiffre d'affaires en augmentation de 16,35%, avec un
résultat net de 1,4 milliards de FCFA en 2018 (plus de 2 millions d'euros).
C'est aussi le résultat d'une réforme en profondeur de la douane, dont les
programmes de vérification des importations ont été confiés à Bénin Control
dès 2011, une société dont l'actionnaire principal est aujourd'hui Olivier
Boko, un proche du président Patrice Talon, que certains n'hésitent pas à
qualifier de "deuxième homme" du pays.
Un autre proche du président, Eustache Kotingan, dirige d'ailleurs Atral,
importante société de logistique qui travaille dans le port.
Le gouvernement a fait appel à l'expertise belge pour rendre son port plus
compétitif et s'est désengagé, au moins pour un temps, de sa gestion, mais le
pouvoir semble garder indirectement la main sur la porte d'entrée du pays.
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