Désert. C’est que l’on observe pratiquement dans le marché de fruits de Kraké dans la commune de Sèmè-Podji et environs. Les vendeurs d’ananas, d’oranges, de mangues et autres fruits y sont rares, malgré la proximité des lieux avec le Nigéria. « On ne vend plus rien. Je suis encore venue dans ce marché, il y a plus de quatre mois, parce qu’il n’y a plus la clientèle… », se désole une vendeuse d’ananas à Kraké, très soucieuse devant son étalage de fruits sans preneurs. Comme elle, d’autres se plaignent de la baisse drastique de leurs chiffres d’affaires depuis quelques mois. Dans le marché de fruits de Kraké, la plupart des vendeuses de fruits ont disparu. Comment peut-on expliquer cet état de choses ?
Un ancien responsable du comité de gestion dudit marché a indiqué que les Nigérians qui constituent la grande majorité de leurs clients ont abandonné le Bénin et cultivent, dans le nord de leur pays, la plupart des produits qu’ils venaient acheter à Kraké. « Moi, j’avais des clients qui venaient du Nigéria. Mais, ils ont cessé d’arriver au Bénin, parce qu’ils cultivent déjà abondamment l’ananas qu’ils venaient acheter chez moi. Beaucoup d’entre nous ont perdu leur clientèle à cause de cette situation... », explique-t-il.
Une autre raison explique le problème des vendeurs de fruits au marché de Kraké. « Depuis quelques temps, les Nigérians vont eux-mêmes directement dans nos champs acheter les fruits… », déplore Anne, vendeuse d’oranges. Comme elle, d’autres commerçants demandent aux autorités de prendre des mesures pour limiter le commerce direct entre les paysans et les opérateurs économiques nigérians qui les contournent pour aller dans les champs.
Mais au-delà de tout cela, un autre problème se pose depuis que la mairie de Sèmè-Podji a commencé par collecter directement les taxes dans ce marché. Selon les informations recueillies sur les lieux, il y avait un comité qui s’occupait de la gestion des ressources financières de ce milieu d’affaires. « Avec l’ancien maire, c’est le comité qui collectait les taxes chez les vendeuses de fruits. Selon le contrat entre nous et les autorités communales d’alors, on versait un million par trimestre, soit 4 millions par an dans la caisse de la mairie… », révèle un membre du bureau de l’ancien comité de gestion. « C’était difficilement qu’on mobilisait ces fonds. On allait nous-mêmes négocier les clients au Nigéria. Depuis que le maire actuel nous a arraché la gestion des taxes, les collègues ne sont plus motivés. Cela rejaillit sur l’animation de ce marché. Je suis certain que la mairie a aujourd’hui des difficultés à mobiliser les ressources issues de la gestion des fruits ici… ».
Du côté de la mairie de Sèmè-Podji, on préfère garder le silence sur cette situation qui affecte pratiquement tous les marchés de fruits de la commune. A Sèkandji, Djèrègbé, Ekpè et autres endroits où l’on vend ces produits, c’est la même désolation. Pour beaucoup, le commerce risque de disparaître, si rien n’est fait.