La Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples (Cadhp), a rendu le 8 août dernier à Arusha, sa décision, après avoir été saisie par Boni Yayi, suite aux éventements des 1er et 2 mai qui ont conduit à la militarisation des alentours de son domicile. Malgré le fait que les arrêts de cette Cour ne relèvent pas des questions de fond qui pouvaient, si tel est le cas, constituer un camouflet pour le requérant, cette décision semble curieusement devenir un trophée de guerre pour les communicants de la Rupture. Ceci, après qu’ils aient voué aux gémonies cette même Cour, dans un passé très récent.
La célèbre décision de la Cadhp contre l’Etat béninois dans le dossier Ajavon, est encore vivace dans l’esprit de plusieurs citoyens. Ceci, tout simplement parce que, nonobstant la reconnaissance de cette Cour par le Bénin et ses textes, son jugement qui contraignait à raison l’Etat de suspendre toute décision judiciaire devant aboutir à la condamnation de Sébastien Ajavon dans l’affaire dite ‘’18 kg de cocaïne’’, a été balayée du revers de la main. Une attitude qui a surpris plus d’un car l’Etat, par l’entremise de ses avocats, s’est pourtant publiquement défendu dans ce dossier, devant cette Cour. Mais sous la Rupture, pas besoin de vivre longtemps pour voir une chose et son contraire. Aujourd’hui, il a fallu que cette même Cour rende une autre décision qui ne fait cette fois-ci aucune injonction à l’Etat, pour qu’elle soit à nouveau auréolée, adoubée voire déifiée, par les mêmes personnes qui l’ont reniée hier. En effet, si pour le pouvoir en place, cette décision de la Cour est un échec personnel pour Boni Yayi, en quoi elle légalise les arrestations arbitraires, les tueries et la mise à résidence surveillée du requérant pendant près de deux mois ? Encore qu’à bien analyser la décision, et d’après certains observateurs avertis de la chose juridique, la Cour n’a pas jugé bon de donner raison à Boni Yayi dans le premier cas parce qu’elle a estimé qu’il n’y a plus d’urgence en ce qui concerne la levée de l’état de siège de son domicile pour satisfaire à son droit d’aller se soigner, du moment où elle a été déjà informée de la levée du dispositif du domicile de Boni Yayi, les 21 et 22 juin. Ce qui rend dare-dare cette demande, sans objet. En ce qui concerne les deux autres décisions de la Cour, relatives à la demande de suspension des mesures de poursuite, d’instruction et de jugement contre le Président Yayi, Guy Mitokpè et consorts et la demande de mise en liberté provisoire des personnes arbitrairement détenues dans le cadre des manifestations des 1er et 2 mai à Cadjèhoun, la Cour, a simplement estimé qu’il n’y a pas en l’espèce, une situation grave ni urgente. Une décision qui est d’ailleurs compréhensible, quand on sait que l’Etat a subitement freiné dans son élan de juger sans conditions et ce en violation de tous droits élémentaires, les concernés dont Boni Yayi. Etant donné l’importance de ce verdict aux yeux des défenseurs de la Rupture, est-ce à dire que la Cadhp est désormais réhabilitée et que ses décisions seront respectées par le régime même si elles sont en sa défaveur? En d’autres termes, à l’instar de la décision rendue par cette juridiction africaine en faveur de l’opposant Sébastien Ajavon, le gouvernement de Patrice Talon va-t-il désormais exécuter les décisions de la Cadhp? En tout cas, avec tous ces tapages médiatiques autour de la décision concernant Boni Yayi, il faut oser le croire.