Inculpé pour incendie volontaire, Asso Sanda était devant le Tribunal de première instance de première classe de Parakou statuant publiquement et contradictoirement en matière criminelle, le mardi 13 août dernier. Il a été condamné à 5 ans de réclusion criminelle.
Pour s’être fait retirer son sac, son chapeau et sa paire de chaussures en public, jamais de sa vie Asso Sanda, né en 1994 à Bouanri, commune de Bembèrèkè, et bouvier dans la localité de Bouka, à Sinendé, ne s’est senti aussi humilié. Malheureusement, le moyen qu’il a trouvé pour laver son honneur bafoué, l’a conduit à la barre, le mardi 13 août dernier, dans le cadre de la première session criminelle de l’année 2019 du Tribunal de première instance de première classe de Parakou. Père de deux enfants, il avait à répondre de l’infraction d’incendie volontaire mise à sa charge. Après l’avoir maintenu dans les liens de l’accusation, le tribunal présidé par Ignace Adigbli l’a condamné à 5 ans de réclusion criminelle. En détention depuis le 25 juin 2015, il va devoir rester encore derrière les barreaux pendant plus de 10 mois.
Asso Sanda a reconnu les faits aussi bien à l’enquête préliminaire que devant le magistrat instructeur. A la barre, et sous la pluie des questions du président, de l’avocat-général et de son avocat-conseil, Me Expédit M. Cakpo-Assogba, il ne les a pas non plus niés. C’est poussé par son entourage, avouera l’accusé, qu’il s’est rendu dans la ferme de ceux qui sont à la base de son humiliation au village pour se venger, en mettant le feu à leur cabane. En commettant son acte, il était convaincu qu’il n’y avait personne à l’intérieur. Tout en soutenant avoir agi en plein jour, il éprouve à présent du remords.
Appelée pour être écoutée par rapport à sa version des faits, dame Bagri Zénabou soutiendra que c’est la nuit que leur cabane a été brûlée. Le représentant du ministère public demandera que acte lui en soit donné. Mais par la suite, elle reviendra sur ses propos. Ce qui amènera également Me Expédit M. Cakpo-Assogba à demander qu’acte de ce qu’elle vient d’indiquer, lui soit donné.
L’époux de la dame, Mohamed Saka, était aussi à la barre pour éclairer la lanterne de la cour. Il ne demande pas à être dédommagé. « Le fait de l’avoir gardé en prison jusqu’à présent, constitue déjà un soulagement pour nous », a-t-il confié.
Prenant ses réquisitions, l’avocat général, Nourou Dine Bakary situera la base légale de l’infraction d’incendie volontaire dans les dispositions de l’article 434 alinéa 1 du Code pénal. S’agissant de l’élément matériel, il évoque l’existence réelle de l’incendie et des dommages qu’il a occasionnés. « Pour me venger, j’ai suivi les conseils de mon ami Démo et j’ai mis le feu», rapporte-t-il comme propos tenus par l’accusé. Par rapport à l’élément intentionnel, il estime que l’agent pénal était conscient de ce que son acte allait engendrer. Selon le représentant du ministère public, l’accusé voulait nuire à la dame et son époux, en mettant le feu à leur habitation à la ferme. Le lien de causalité résulte, selon lui, du fait que l’habitation est partie en fumée suite à l’incendie dont elle a fait l’objet. Par ailleurs, poursuit-il, le préjudice subi et qui se résume à des produits vivriers calcinés, des actes de naissance et des effets vestimentaires brûlés, n’est pas aussi élevé. Il fait également remarquer que l’enquête de moralité n’est pas favorable à l’accusé et qu’il ne souffre, selon le rapport médico-psychiatrique et psychologique, d’aucun trouble mental pouvant abolir ses actes au moment de leur commission.
5 ans de réclusion
Au regard de ses observations, il demande à la cour de le déclarer coupable des faits d’incendie volontaire. Il requiert alors contre lui 5 ans de réclusion criminelle dont 4 ans ferme et un an avec sursis.
A sa suite, Me Expédit Cakpo-
Assogba a voulu que la cour tienne compte du fait qu’une faute avouée est à moitié pardonnée, son client ayant reconnu avoir volontairement mis le feu à la cabane de Mohamed Saka. Dans sa plaidoirie, il a préféré mettre l’accent sur les circonstances atténuantes. « Mais que ne ferait-on pas pour sauver son honneur. Mon client appartient à une ethnie pour laquelle l’honneur compte beaucoup », a-t-il insisté. Il demande au tribunal de juger son client, en tenant compte de sa personnalité. Une autre circonstance atténuante, soulève-t-il, c’est le manque d’instruction de son client. Il a, selon lui, suivi bêtement les conseils de son ami, sans réfléchir aux conséquences de son acte. L’autre élément à prendre également en compte, c’est que Asso Sanda était sous l’effet de l’alcool au moment des faits. Il invite alors le tribunal à être clément, puis bienveillant dans l’application de la loi, en le condamnant au temps qu’il a déjà passé en prison.
La réplique du ministère public ne se fera pas attendre. «Pour laver son honneur, n’y a-t-il pas une meilleure manière de le faire, en se confiant au pouvoir public», interrogera-t-il. « Il est un voleur, un bagarreur et un fumeur de stupéfiants. Mais ce n’est pas en le gardant en milieu carcéral que nous allons le sauver », répondra l’avocat de l’accusé.
Des faits
Le 23 juin 2015, Zénabou Bagri et sa compagne Hawaou sont parties puiser de l’eau. Mais sur le chemin, elles ont été interceptées par Asso Sanda qui a surgi de la brousse. Il a agressé Zénabou Bagri qui portait un enfant au dos, après lui avoir proposé de l’argent. Les appels au secours émis par les femmes ont suscité l’arrivée d’un groupe de personnes sur les lieux. Après avoir maîtrisé Asso Sanda, ils l’ont conduit auprès des sages du village. Par la suite, Asso Sanda est allé mettre le feu à la cabane de Zénabou Bagri et de son conjoint dans leur ferme.