Dans la recherche des solutions pour lutter contre la pauvreté, les populations des villes et des campagnes du Bénin se tournent vers l’attrait des “venus de France” (appellation utilisée pour désigner matériels et objets divers d’occasion importés d’Europe, d’Asie et d’ailleurs). Même le matériel informatique et électronique n’est pas épargné. Mais, il demeure la question de la problématique environnementale.
Gbégamey, à Cotonou, à une entrée d’une Voie orientée nord sud (Vons), il règne un brouhaha monstre. Une foule de personnes se bouscule devant un camion qui a un grand conteneur marron, ouvert. A l’entrée du conteneur, un jeune homme, torse nu et dégoulinant de sueur, haut placé, brandit des objets, du matériel informatique et électronique divers usagers.
En bas, les bousculades font régner un bruit assourdissant. Femmes, jeunes et hommes, chacun va de sa persuasion pour pouvoir coûte que coûte appréhender la marchandise bon marché. Tout y est : ordinateurs, imprimantes, chargeurs, aspirateurs, photocopieuses, appareils photo numériques, téléphones portables, machines à laver, fers à repasser. De même que des pièces détachées consommables, comme des unités centrales, des claviers, des souris et des écrans.
Juste à côté, on distingue de petits étalages derrière lesquels trônent des patrons de circonstance. «Nous allons nous aussi acheter aux propriétaires du conteneur et nous revendons. Eux-aussi nous taxent, car disent-ils, ils payent très chers pour dédouaner leurs marchandises», explique dame Maria Chodaton, drapée dans un boubou coloré et entourée pour la circonstance de trois apprentis d’une quinzaine d’années.
La spécialité de son étalage est aussi le matériel informatique et électronique. «Ici, un petit ordinateur portatif sans chargeur coûte en moyenne 35. 000 F Cfa. Il n’y a pas d’essai, ni de garantie. Notre matériel est de très bonne qualité», explique-t-elle à un client, comme pour justifier le prix bas donné.
Ce type de commerce est très prisé. L’activité très attrayante, qui s’étend depuis le débarquement du matériel au port de Cotonou jusqu’à la finalité à la casse, utilise une kyrielle de personnes. Du grossiste, au revendeur en passant par les petits commerçants et des particuliers.
A Cotonou, on retrouve ainsi un large éventail de matériels informatiques et électroniques de seconde main pour la plupart recomposés. Il est introduit dans tous les domaines d’activités socio-économiques, depuis l’espace familial jusqu’à l’espace professionnel. Que de consommables usagés ou reconditionnés circulent aussi bien sur des places publiques, dans des boutiques, des bureaux, des maisons ou dans la nature !
Du travail pour tous
Julien Allossossè, informaticien et revendeur d’ordinateurs de bureau et de portatifs déclare lui aussi s’approvisionner par le canal des «Venus de France”.
«Avec des prix abordables, j’arrive à m’en sortir et à réaliser des économies. Près de 100. 000 F CFA comme bénéfice, à la fin du mois. Mais ça dépend du client, quelquefois, c’est moins. Cela dépend du marché».
Lui-même est réparateur d’ordinateurs, arrive à rechercher les pièces de rechange dans les bric-à-brac de brocante ou chez d’autres réparateurs exerçant le même métier que lui. Pour se débarrasser du matériel informatique vétuste, il fait recours aux ramasseurs ambulants de pièces usagées. «Généralement, je le leur liquide ou offre, ça dépend», continue Julien Allossossè.
Ali Amadou, lui exerce le métier de ramasseurs d’objets de casse. Il travaille sans aucune protection aussi bien pour ses mains que ses pieds. Couvert de poussière, avec un teint noir tacheté et brûlé par le soleil, sous diverses intempéries, parcourt toute la journée toutes les rues et ruelles de Cotonou à la recherche d’objets usagés.
«Les pièces informatiques m’intéressent, car à leur récupération, on peut en faire des marmites». Questionné, sur les risques d’attraper des maladies, il hausse les épaules et en rit. Il faut bien que je nourrisse ma famille», martèle-t-il.
Les catégories d’équipements informatiques collectées sont très disparates
Le recyclage de l’aluminium et du plomb constitue une activité fréquente et est généralement pratiqué par les professionnels de l’artisanat des produits à base aluminique comme les marmites, les poêles ou, plus largement, les ustensiles de cuisine et de pêche côtière.
Selon l’ouvrage : ‘’Les déchets électroniques et informatiques en Afrique : Défis et opportunités pour un développement durable au Bénin, au Mali et au Sénégal’’, une enquête effectuée en 2008 au Bénin, prouvait déjà, en moyenne, que chaque importateur achète annuellement environ 336 radios, 417 téléviseurs, 792 imprimantes, 1 717 lecteurs vidéo, 555 téléphones fixes, 1 000 téléphones portables, 1 064 jeux vidéo, 1 300 autres gadgets électroniques, 1 525 appareils photo et 300 caméras.
C’est ainsi que des produits défectueux ou dangereux peuvent être exportés vers des pays dépourvus d’un cadre réglementaire suffisamment protecteur pour les consommateurs.
Une des grandes questions posées aux pays d’Afrique et au Bénin concerne l’accumulation et la gestion de déchets électroniques et électriques, dont la toxicité et le déferlement sont extrêmement préoccupants. Le même ouvrage précise encore que la consommation sans cesse croissante des d’équipements électroniques, électriques et informatiques (EEEI) constitue une source de production de ce type de déchet.
Ainsi, leur gestion, quand ils sont en fin de cycle pose des problèmes sanitaires et environnementaux, en raison du caractère dangereux de leurs composants, notamment : les retardateurs de flamme bromés, le cadmium, le plomb, le nickel, le mercure, le béryllium et leurs composés inorganiques.
Que disent les textes ?
Au Bénin, il existe un certain nombre de mesures dans le cadre de la règlementation et du contrôle des polluants, dont une taxe établie sur le Principe du «pollueur payeur» (PPP). Ce principe a été défini au sommet des Nations-unies sur l’environnement et le développement de Rio de Janeiro en 1992. Suivant la loi n° 90–032 du 11 décembre 1990, la Constitution de la République du Bénin, les articles 27, 28, 29 et 74 prévoient les conditions d’exercice des droits et devoirs du citoyen béninois en ce qui concerne les questions environnementales.
Par ailleurs, suivant la loi-cadre n° 98–030 sur l’environnement, du 12 février 1999, les déchets, les installations et établissements classés, les substances chimiques nocives ou dangereuses et autres sont règlementées. Mais force est de constater qu’aucune disposition ne concerne de façon spécifique la problématique des Déchets électroniques, électriques et informatiques (DEEI).
Les substances chimiques dangereuses et nocives, surtout celles en provenance des industries, sont traitées de façon globale. Le Bénin ne dispose d’aucune unité permettant de traiter et d’éliminer les fractions dangereuses et non recyclables des DEEI. La prolifération des Équipements électroniques, électriques et informatiques apparaît donc comme un facteur de risque pour l’environnement et la santé humaine. Les populations en contact direct avec ces types de déchets s’exposent de façon consciente ou inconsciente aux risques liés à la présence de certaines substances toxiques.
Pour le Directeur de la gestion des pollutions, nuisances et de la police environnementale du ministère du Cadre de vie et développement durable, Bertin Dossa Bossou, l’appel est lancé afin que les individus gèrent au mieux l’environnement. «La gestion des déchets permet de vivre dans un cadre assaini et nul n’est sensé ignorer la loi».
Selon lui, la loi dit qu’il faut gérer les déchets de façon écologique et rationnelle. «La prise d’un décret spécifique, permettra d’aller dans les détails de ce type d’équipement», affirme-t-il.
L’ouvrage sur Les déchets électroniques et informatiques en Afrique : Défis et opportunités pour un développement durable au Bénin, au Mali et au Sénégal, comme piste de solutions souligne : «Bien qu’il n’existe pas de modèle idéal, le Bénin peut s’inspirer de systèmes de contrôle mis en place dans d’autres pays de l’Europe avec la matérialisation de la traçabilité. Elle permettra de mieux suivre les produits importés au Bénin tout au long de leur cycle de vie, dès leur première utilisation jusqu’à leur mise au rebut».