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Professeur Denis Amoussou Yéyé sur la profanation de la tombe de DJ Arafat

Publié le jeudi 5 septembre 2019  |  Matin libre
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© aCotonou.com par DR
Professeur Denis Amoussou Yéyé,psychologue clinicien et psychosociologue
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« L’anthropologique, le criminogène, le psychopathologique et le primitivisme gouvernent le mental de ces personnes »



La profanation de la tombe de l’artiste ivoirien Dj Ararat est-elle un fait banal ou divers ?



Ce n’est pas un fait banal. Devant la mort et le corps d’un mort, dans toutes les sociétés, le cadavre est un objet sacré. Le corps d’un mort est toujours un objet sacré. On ne le profane nulle part. Dans l’Islam et le Catholicisme, il y a des pays dans lesquels, on décapite les gens qui font ça. C’est un interdit majeur parce que celui qui est mort est en chemin pour être dans un autre monde. Vivants que nous sommes, on doit lui souhaiter un bon voyage. Toutes les sociétés ont une considération pour le corps qui est là et une fois qu’on l’a enterrée, à moins qu’il soit un bandit ou un délinquant criminel, on le loue. Ce qui s’est passé avec cet artiste, c’est de l’ordre du registre anomique, c’est-à-dire que, ce n’est pas dans les normes habituelles de l’homme. Cette profanation n’émane pas du comportement normal d’un homme. C’est plus qu’une délinquance, c’est un crime. Dans beaucoup de sociétés comme dans le droit pénal français, vous profanez, vous ouvrez le cercueil et vous déshabillez un cadavre, c’est un crime, du vrai blasphème.



Est-ce une crise de confiance ou une perte de valeurs ?



Moi j’emploie très peu le terme de perte de valeurs. Parce que les valeurs ne se perdent pas. Non ! Une société évolue. Evolue de la ruralité, d’un Etat paysan où on n’est pas loin des animaux, vers l’urbanisation. Donc, on ne perd pas de valeurs, on les gagne au contraire. Quand la société est policée, est civilisée, il y a une couche qui reste dans la pègre. Donc ce n’est pas une perte de valeurs. C’est ce à quoi on assiste aujourd’hui en Côte d’Ivoire. Cette pègre a transformé ces gens qui s’appellent des chinois, dans une délinquance qui amène à la criminalité. Donc c’est une perte de repères et non de valeurs, qui amène ces jeunes à profaner une tombe.



Comment cela s’explique-t-il ?



Un homme normal a des repères mentaux. Il ne fait pas ça. Ils sont déjà dans le registre psychopathologique. Leur pensée est une pensée primitive. Ils ne croient pas que celui qui est là est mort, que c’est leur héros. Ils ne croient pas. C’est un phénomène anthropologique qui s’appelle la négation de la mort du héros. Ça existe dans toutes les religions aussi. Sans vexer une religion, on croit que le messie n’est pas mort. Les quatre évangélistes ont insisté lourdement sur sa passion et on les a frappés. On ne peut pas accepter qu’il soit mort. Mahomet est musulman. Dans l’Islam populaire, les gens disent qu’il est monté aux cieux et on appelle la bénédiction de Dieu sur lui. Ça veut dire qu’on le considère comme vivant. Donc il y a plusieurs dimensions à savoir celles anthropologique, criminogène, psychopathologique et du primitivisme, qui gouvernent le mental de ces personnes qui ont fait ça. Pour elles, l’artiste est leur messie, il ne peut pas mourir, ils n’acceptent pas sa mort. Par conséquent, ils sont dénaturés, ils n’arrivent pas à se gérer. Sur le plan social, le chômage est endémique en Côte d’Ivoire. Donc la délinquance juvénile s’est royalement installée. On chante même le vol, dans le Coupé-décalé. Donc, tous ces gens-là, qu’est-ce qu’ils font ? La drogue, ils fuient leur misère. Comme il n’y a pas d’apports qui amoindrissent le choc, ils sont obligés de prêter allégeance à ces musiciens qui à leurs tours, les conditionnent. La faim peut rendre déséquilibré, quand on tombe dans le primitivisme. Ils n’ont plus de repère humain selon eux, à part leur héros. Le cognitif, l’intelligence, ils n’ont plus. C’est le côté psychopathologique bestial qui les anime désormais. Comment croire que ce n’est pas Arafat qui est dans la tombe ? Mais c’est prélogique ça. C’est la pensée magique. L’artiste ne meurt jamais. C’est insensée cette manière de penser et c’est ça qui conduit à ce qu’on a vu samedi avec ce jeunes dits chinois. Si vous voyez quelqu’un, donc il n’est pas mort. Mais quelqu’un qui est mort est mort.



Et si on devrait situer les responsabilités par rapport à ce qui s’est passé ?



On ne peut pas responsabiliser l’Etat. Dans cette situation, il n’y a pas lieu de poujadisme. La responsabilité ici est individuelle. L’Etat ne peut pas aller garder dare-dare, son tombeau. On ne peut pas surveiller normalement les âmes battues. Pourquoi ne pas garder toutes les naissances alors ? (Rires…). On ne peut que juste déplorer cette situation et situer individuellement les responsabilités.



Des conséquences spirituelles sur ces jeunes qui ont profané la tombe et déshabillé le corps de l’artiste ?



Conséquences spirituelles ? Non. Le spirituel encore appelé spiritous, c’est l’air, la chair, l’esprit, etc. Du moment où ils n’acceptent pas sa mort, c’est qu’ils nient qu’il est chair et corruptible. Je parlerai juste d’émanation, de réaction. Si j’étais ivoirien, j’aurais pu inviter des pasteurs et d’autres religieux, à prier pour ces jeunes et pour toute la nation, parce que c’est un phénomène qui nous interpelle et qui nous déshumanise. Puisque ces gens-là n’ont plus de repère. Et ce faisant, ils deviennent des bêtes que d’autres peuvent manipuler et exploiter.



Propos recueillis par Janvier GBEDO
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