C’est une évidence. Seul le chef de l’Etat sait qui entre, qui sort et qui revient dans son gouvernement. Mais qu’un ministre limogé revienne, à peine deux ans après, pour occuper le même poste est plutôt chose rare. A l’ère de la Rupture, c’est la première fois. L’actuel ministre des infrastructures et du transport Hervé Hêhomey a-t-il un mérite particulier ? L’analyse des faits montre plutôt que, comme son départ, son come-back répond aussi aux réalités politiques de l’heure : le froid entre l’ex président de l’Assemblée nationale et président du Parti du renouveau démocratique, Me Adrien Houngbédji et le chef de l’Etat, Patrice Talon.
Septembre 2017, le ministre des infrastructures et du transport Hervé Hêhomey est limogé du gouvernement. Les raisons officielles n’ont pas été données. Au départ, on a évoqué le fait que le ministre se soit rendu à la finale d’un tournoi de football qu’il a organisé dans son Agonli natal au lieu d’aller témoigner la compassion du gouvernement aux populations de Gogounou affectées par l’effondrement d’un pont. Mais très tôt, l’affaire Ofmas international, du nom de l’entreprise retenue pour la construction de la route Porto-Novo-Akpro Missérété et Pobè-Adja Ouèrè-Ouinhi s’est imposée comme motif de ce limogeage inattendu. En effet, Hervé Hêhomey, lors d’une visite de chantier à la base de l’entreprise Ofmas à Missérété, s’est insurgé contre le retard constaté dans l’exécution des travaux, alors que l’entreprise a bénéficié d’un acompte de 20 milliards FCfa de l’Etat. Du moment où le contrat qui lie Ofmas à l’Etat stipulait qu’il revenait à l’entreprise de mobiliser la totalité du financement pour la construction de la route Porto-Novo-Akpro Missérété, dans la perspective de se voir rembourser après réalisation des travaux, Hêhomey venait ainsi de révéler ce que d’aucuns ont qualifié de gros scandale sous la Rupture.
Le contexte
Ofmas international SA est chapeauté par l’homme d’affaires Mathurin de Chacus, considéré comme l’un des bras financiers du Parti du renouveau démocratique (Prd) de Me Adrien Houngbédji. Or, en 2017, entre Patrice Talon et le Prd, c’était la lune de miel. Son chef étant le manager général du Parlement où le chef de l’Etat avait encore besoin du vote d’un certain de textes de lois importants pour encadrer des réformes. Tout était alors fait pour “chérir” le Prd. La construction des routes Porto-Novo-Akpro Missérété, Pobè-Adja Ouèrè-Ouinhi est arrachée à une entreprise sud-africaine pour l’attribuer gré-à-gré à l’entreprise que dirige Mathurin de Chacus. Le même deviendra plus tard le président de la Fédération béninoise de football sans l’avoir pensé. Des ministres Prd entrent au gouvernement. Ce sont ces efforts que le ministre Hervé Hêhomey a compromis pour avoir « trop » parlé. Pour maintenir la bonne relation entre Houngbédji et Talon, il fallait donc sanctionner l’affront, sortir du gouvernement celui qui est accusé de mettre du sable dans la farine du Prd et qui, de ce fait, met en péril la bonne santé des relations entre le chef de l’État et le président de l’Assemblée nationale d’alors. Hêhomey fut alors sacrifié. Aujourd’hui, Hervé Hêhomey revient au gouvernement au moment où plus rien ne va entre le Prd et le chef de l’État. Mais un peu plus tôt, Patrice Talon l’a rappelé au poste de Conseiller pour les travaux routiers et les transports. Il faut dire que depuis le deuxième semestre de l’année 2018 où Adrien Houngbédji, au dernier moment, a refusé de fondre le Prd dans le Bloc républicain, né de la fusion de la plupart des formations politiques soutenant les actions du pouvoir, le Prd a été aussitôt considéré comme un parti rebelle, en tout cas proche de l’Opposition. Conséquence, malgré sa bonne volonté, il n’a pu participer aux Législatives de d’avril 2019. Sa liste concoctée a été purement et simplement rejetée par la Cena, organe chargée d’organiser le scrutin. Tous les ministres Prd ont dû observer la fronde en faisant allégeance au Bloc républicain contre leur parti originel. Le seul qui ne montre pas trop d’enthousiasme vient d’être sorti du gouvernement. Dans ces conditions, il ne restait que faire revenir Hervé Hêhomey, poste pour poste, pour faire davantage mal au Prd dont les cadres et militants espéraient sans doute, une compensation des avantages perdus pour non-participation à la députation.