Depuis le 16 septembre dernier, la rentrée scolaire et académique est effective au Bénin. Apprenants et enseignants ont repris le chemin de l’école. Les activités pédagogiques se déroulent déjà dans les salles de classes. A travers cet entretien, Rock Agnan, Directeur de l’Ecole primaire publique de Menontin groupe C nous parle de ses sentiments et de son souhait pour une année scolaire apaisée.
C’est déjà la rentrée académique 2019-2020, quels sont vos sentiments relatifs aux préparatifs en tant qu’Educateur ?
Je dois avouer que pour le compte de cette rentrée scolaire 2019-2020, je puis même affirmer que cela commence par être une tradition. Le ministère des enseignements maternel et primaire met à notre disposition un calendrier, un programme pour préparer la rentrée. Il y a d’abord la pré-rentrée. Et c’est justement au cours de cette semaine que la rentrée est préparée de façon à ce que dès le premier jour de la rentrée, les activités pédagogiques puissent démarrer. Donc pour cette année, nous avons eu entre autres tâches à procéder pendant la semaine de la pré-rentrée à l’ouverture des écoles, et l’ouverture du registre d’inscription et d’admission des élèves, la réunion de prise de contact et d’appropriation de la note circulaire portant sur la prérentrée et le recensement et la répartition des différentes tâches pour passer une bonne rentrée. Il faut noter la mobilisation des apprenants pour le nettoyage de l’école et des abords immédiats. Déjà nous avons pu tenir le premier conseil des maîtres au cours duquel est attribué à chaque enseignant son cahier de charges. Il est aussi fourni à l’enseignant le matériel nécessaire pour préparer les fiches afin de démarrer dans les règles de l’art les activités pédagogiques. L’importance de la pré-rentrée se situe notamment à ce niveau-là. Je puis vous dire qu’il y a quelques difficultés observées au niveau de l’enthousiasme à ressentir dans le rang des parents pour la mobilisation des apprenants quand bien même nous avions commis un crieur public à cet effet. Nous avons constaté surtout un faible taux de participation des apprenants aux activités d’entretien et de propreté. C’est comme une sorte de réticence. Ils ne se sont pas déplacés comme nous l’avions souhaité. Au niveau de notre groupe, nous avons pris des dispositions pour pallier ces problèmes afin que tout marche dès les premiers jours dans les classes dotées d’enseignants. Il faudra avouer que c’est le premier jour de la rentrée que nous avons enregistré plus d’affluence ; les apprenants et les parents d’élèves se sont massivement déplacés. Et là, nous avons eu plus d’inscription. Par anticipation, nous avions mis en place un dispositif approprié afin de les accueillir comme cela se doit. Dans le rang des tout-petits, la séparation d’avec les parents n’a pas été chose facile mais avec l’aide de nos collaborateurs préparés pour la cause nous avons pu les accueillir, les installer et les apaiser, bref instaurer un climat de confiance qui leur permet de rester. Le mardi déjà il y a eu l’évaluation diagnostique en français et en Mathématique afin de jauger un peu le niveau des enfants, leur capacité dès la rentrée en vue d’un renforcement conséquent. Ceci permet souvent à l’enseignant de prendre connaissance des insuffisances des apprenants. Tout ceci a été déjà fait même l’assise entre enseignants pour l’analyse et l’appréciation des résultats. Passée cette étape, un début de satisfaction, nous sommes en mesure de nous prononcer sur chaque classe selon ses faiblesses et ses forces afin de savoir ce qu’il faut envisager.
Parlez-nous des dysfonctionnements déjà observés.
Je dois avouer au passage qu’il y a bel et bien des difficultés. La toute première qui est d’ordre transversal, c’est lié à la pénurie d’enseignants, je parle du personnel enseignant, nous n’avons pas l’effectif qu’il faut pour tourner réellement toutes les classes. Actuellement nous sommes 4 sur 6 en attendant que les recrutements annoncés et les mutations au plan départemental ne soient chose faite pour que les classes puissent tourner normalement. Notre souhait est d’avoir un enseignant par classe, c’est la norme requise pour faire tourner un groupe. Autre difficulté, nous sommes au bord de la voie, il y a ceux qui sont installés autour de l’école et qui ont des appareils et autres avec du bruit, ça fait assez de décibel qui dérange. Nous sommes en train de prendre des dispositions… nous savons qu’en la matière, il existe une règlementation à suivre par tous. C’est par ignorance peut-être de leur part. Cela crée quand même des nuisances, le bruit de musique peut vous parvenir en plein cours, ça distrait...et perturbe les classes. Je pense qu’avec le bureau de l’APE ensemble, nous trouverons de solution à un tel problème. Les autres problèmes seront débattus au cours d’une AG qui sera incessamment convoquée. Vous n’êtes pas sans savoir, les temps qui courent… les enfants sont là.. Certains sans fournitures. Pour d’autres c’est incomplet... les parents peinent vraiment à apporter les fournitures. Nous continuons la sensibilisation car l’apprenant ne peut pas aller à l’école sans le minimum. C’est un peu comme si l’on allait au champ sans la houe. C’est ce que je puis dire par rapport au démarrage de la rentrée 2019-2020.
Puisque cela est d’actualité, que retenir des résultats de l’évaluation des ACE au niveau de votre circonscription ?
Les résultats de cette évaluation dite diagnostique… ces résultats sont affichés. Pour ce qui a été dit, vous savez que parlant d’évaluation, ça a été toute une polémique. Chacun l’a interprété selon son point de vue. Cela a créé plus de peur, il y a l’ancienneté et c’est l’emploi à préserver qui était véritablement le souci. Pour les uns, du côté du gouvernement c’est une mesure pour renforcer le potentiel relevé de l’enseignant, c’est du moins ce qui est avancé et de l’autre côté il y a cette peur, l’on craint de perdre son emploi. Jusque-là le gouvernement continue de rassurer qu’on n’ira pas là. Nous attendons de voir… C’est la suite qui nous permettra d’apprécier la sincérité des uns et des autres. Pour illustrer, je disais plus haut que nous sommes 4 puis il y a eu un des nôtres qui a été promu. Nous ne pouvons pas aller contre la promotion. Celle-ci est la récompense du mérite. Cela vient créer un vide. Actuellement, nous sommes dans l’attente. Et ce que nous demandons est qu’il faut recruter des enseignants pour permettre à l’école de fonctionner. Une classe sans maître ne donnerait aucun résultat.
Désormais l’anglais sera enseigné comme matière au primaire, votre appréciation d’une telle décision ?
J’avoue que l’anglais est une langue fondamentale, un atout au plan international. Il y a quelques années l’enseignement de l’anglais a commencé dans quelques écoles sélectionnées pour l’expérimentation. Pour la circonstance, des enseignants qui ont le profil, qui ont fait l’anglais ont été soumis à des tests et ont été déployés dans des écoles pour dispenser des cours d’anglais. Actuellement cela prend encore de proportion, car cette année des enseignants ont été encore recrutés dans le rang des enseignements de la maternelle et du primaire et sont déployés sur toute l’étendue du territoire. Ainsi l’enseignant à la charge d’aller dans les écoles le concernant pour dispenser l’anglais. Je peux dire que c’est une bonne chose. Nous attendons que cela soit généralisé, une réalité dans toutes les écoles puisque l’Anglais est fondamentalement important.
Un appel à lancer à l’endroit des parents d’élèves et autres acteurs de votre ordre d’enseignement ?
D’abord mon appel va à l’endroit des collègues enseignants. Ils doivent savoir que ce métier est un sacerdoce. Il n’y a pas de récompense qui puisse compenser si ce n’est celle divine qui vaut son pesant d’or. Sur ce, je souhaite aux uns et aux autres une année apaisée et de réussite. Que l’année soit d’abord une année apaisée. Une année qui puisse engager davantage l’enseignant à son travail. Le gouvernement de son côté doit faire plus d’effort en vue d’améliorer les conditions de vie et de travail des enseignants pour leur permettre de faire convenablement leur travail. A l’endroit des parents d’élèves, je dois dire qu’ils ont aussi leur rôle à jouer. Entre l‘école et la maison, il doit y avoir un pont de conjugaison. L’école et la maison doivent se donner la main. C’est souvent à ce niveau que nous enregistrons quelques flottements. Et c’est confirmé de jour en jour, il y a une fuite de responsabilité au niveau des parents d’élèves. Le quotidien les absorbe tellement qu’ils n’ont plus de temps à consacrer à leurs enfants. Et ceux-ci sont laissés pour compte. Cet état de chose a des impacts sérieux sur les résultats de l’enfant à la fin de l’année. Les parents doivent comprendre qu’ils ont une partition à jouer nécessairement. C’est important. Tout ne peut pas peser sur l’école seule. Les parents doivent veiller au grain. Disposer du minimum de temps pour le suivi, passer du temps avec eux. Un tour dans l’école pour s’assurer, s’informer de comment ça se passe au niveau de l’enfant… et s’il y a des mesures à prendre, il faudra donc agir très tôt. Ce sera l’appel à lancer en direction des parents, et je leur souhaite également une bonne chance parce que l’investissement a besoin d’être récompensé. Il ne sert donc à rien d’investir et de ne rien avoir au bout du rouleau. Et pour que cet investissement puisse aboutir, il faut la présence… il faut l’autorité du parent. A l’endroit des apprenants, pour ne pas les oublier… ils constituent un maillon, un élément clé. Je dois dire qu’il faut vraiment de la volonté, de la détermination et savoir que ceux-ci constituent la relève de demain, le pays doit pouvoir compter sur eux demain. Et ils doivent en être conscients et savoir que seul le travail libère. Ils ont donc besoin de se consacrer au travail surtout. Et demander par la suite que l’année soit une année prospère, une année de réussite.
Votre mot de la fin
Un mot de la fin, ce sera en direction du gouvernement, le gouvernement a une grande partition pour son compte. Nous voulons que les enseignants soient vraiment rassurés. Il faut aller vite, que les choses soient clarifiées tels qu’ils le disent… J’aborde encore la question de l’évaluation des enseignants ceci pour que les uns et les autres soient situés. Qu’on puisse noter une sincérité par rapport à ce qu’ils ont dit comme quoi, il n’y aura pas de renvoi. La question de la pénurie d’enseignant est une préoccupation majeure à laquelle il faut trouver de solution. Une politique de recrutement doit être mise en place afin de régler ce problème définitivement…
Pour finir, j’inviterai le gouvernement à davantage joindre l’acte à la parole en ce qui concerne les subventions et autre dotations à allouer aux écoles. C’est très important. Merci à pour votre disponibilité.