C’est un dossier délicat. Il avait tout l’air depuis quelques semaines d’être définitivement rangé dans les tiroirs. Le verrouillage des frontières nigérianes avec son lot de conséquences pour le Bénin a fini d’achever les espoirs brûlants de ceux qui y croyaient encore. Le gouvernement occupé sur le terrain de la diplomatie avait mieux à faire que de s’intéresser au dialogue politique. En remettant cette question sur le tapis à une période aussi sensible, Patrice Talon démontre sa capacité à être sur deux terrains à la fois. Jeudi 10 octobre 2019. C’est la date retenue par le gouvernement pour lancer les assises politiques. Ces discussions attendues au lendemain des législatives du 28 avril 2019 qui ont ébranlé les partisans chevronnés de la démocratie d’ici et d’ailleurs auront lieu sous peu. A ce jour, huit partis ont bénéficié du fameux veto du ministère de l’intérieur quant à leur existence juridique.
La réforme du système partisan menée à pas de charges fut terrible. Dans leur ensemble, les animateurs de la vie politique nationale ont payé un lourd tribut au lendemain de la promulgation de la Charte des partis politiques. Si ceux de la mouvance présidentielle n’ont pas beaucoup de raisons de se plaindre, leurs adversaires, laissés-pour-compte, n’ont toujours pas digéré leur exclusion des dernières élections. En février 1990, lorsqu’à l’unanimité les délégués participant à la Conférence nationale et feu Mathieu Kérékou frappaient les recommandations du sceau de la souveraineté, ils étaient loin d’imaginer que 30 ans après, ce label démocratique, acquis au prix de hautes luttes et qui faisait si tant notre fierté, serait ainsi écorché. Premières victimes de ce bras de fer entre l’opposition et le gouvernement, les populations qui ont vécu des moments éprouvants du fait des troubles intervenus, sont demandeurs, maintenant plus que par le passé, de la paix.
En reprenant ce dossier en main après un moment d’accalmie, le chef de l’Etat souhaite sans doute aplanir les divergences en vue d’un nouveau départ. C’est dire que le consensus qui a fait défaut à la veille de ces élections à polémique sera trouvé si chacun, à commencer par le gouvernement y met du sien. Sincérité, transparence et patriotisme sont les maîtres mots qui doivent guider ces assises qui s’annoncent déterminantes dans la décrispation définitive de l’atmosphère politique. Il ne sert à rien d’entretenir les rancœurs et de faire couver des ressentiments sur de longues périodes. Tout cela aboutit tôt ou tard à l’explosion. Il est à espérer qu’en lieu et place de la rigidité déconcertante adoptée par Patrice Talon à l’occasion de ces élections, les acteurs politiques et l’opinion auront droit à beaucoup plus de flexibilité. Pour que ce conclave accouche de bonnes résolutions, chaque acteur est appelé à y mettre du sien.
C’est une mission délicate qui pèse sur les épaules des 12 délégués devant représenter les huit partis politiques ayant obtenu le certificat de conformité. Ainsi, le Parti du renouveau démocratique (Prd), le Mouvement des élites engagées pour l’émancipation du Bénin (Moele-Bénin), l’Union progressiste (Up), le Bloc républicain (Br), la Force cauris pour le développement du Bénin (Fcdb), la Dynamique unitaire pour la démocratie et le développement (Dud), l’Union démocratique pour un Bénin nouveau (Udbn) et enfin les Forces cauris pour un Bénin émergent (Fcbe) se prononceront au nom des formations politiques. L’opposition à Patrice Talon partira à cette rencontre plus fragilisée que jamais du fait de la guéguerre qui prévaut au sein des Fcbe. Pendant ce temps, l’Union sociale libérale (Usl), Restaurer l’espoir et le Parti communiste du Bénin (Pcb) continuent, par la force des choses, d’évoluer dans la clandestinité. Le constat est triste. Le Bénin démocratique a perdu de sa prestance.