Nous sommes dans une école de Cotonou. A l’heure de la récréation, les enfants sont têtes baissées dans leurs téléphones. En cherchant à savoir ce qui suscitait en eux autant de concentration, nous avons constaté que certains parcourraient des photos sur Facebook, d’autres sur Twitter ou encore Whatsapp.
Comme dans cette cours d’école, l’enfant, défini selon les conventions internationales comme ayant entre 0 et 18 ans, est aujourd’hui le principal protagoniste d’une vie virtuelle qu’il mène de manière autonome ou non et sans les adultes.
Internet et plus précisément les réseaux sociaux donnent à l’enfant la possibilité de s’impliquer dans la vie publique. Ils sont devenus un moyen de Socialisation majeur et lui ouvrent souvent la possibilité de consulter des contenus et d’exercer son devoir. Cependant, ces avantages vont de pair avec un risque croissant de violation des droits des enfants. Les conséquences négatives de l’émergence de ces nouveaux médias en Afrique restent trop souvent ignorées. Grâce au phénomène des groupes de discussion ou chats, désormais répandus, un enfant peut aujourd’hui être approché par un adulte mal intentionné en vue d’une rencontre physique. Le médecin pédopsychiatre, Bernice Adeossi, spécialiste des enfants et des adolescents, pense que la violence peut être dissimulée dans tous les contenus auxquels les enfants ont accès sur les réseaux sociaux. Il s’agit notamment des images de scènes de décapitation, des images de cadavres mutilés, des images illustrant un fait divers, du contenu pornographique. Il s’agit aussi des contenus audio comme les messages d’incitation à la violence, à la haine, des insultes racistes…
Ainsi, l’impact peut être important. Des états de stress aigu liés aux types d’images et aux messages, une appréciation erronée de la réalité de la vie en comparaison à ce qu’ils auraient eu comme informations sur internet, un mode de pensées et d’action en inadéquation avec les normes sociétales. Le médecin souligne qu’il est important de ne pas perdre de vue que les enfants sont extrêmement influençables et sont comme une éponge. Ils absorbent beaucoup de ce qu’ils voient ou entendent autour d’eux. Et le risque d’évoluer avec des informations complètement erronées voire dangereuses est très grand, d’autant plus qu’ils ne vont pas forcément parler à un adulte de ce qu’ils ont vu ou entendu pour que ces messages soient déconstruits rapidement éventuellement.
Au cours de notre enquête, nous avons constaté que de nombreux adolescents ont déjà eu une expérience du harcèlement sexuel et de la violence en ligne. La plupart de ceux et celles que nous avons interrogés ont parlé de leurs expériences. C’est le cas de Rebecca, une adolescente de 13 ans, qui suite à une dispute avec une camarade de classe a été humiliée par cette dernière sur Facebook. Sur la question de la responsabilité, plus de la moitié des adolescents interrogés estime qu’elle incombe aux pouvoirs publics, aux jeunes eux-mêmes et aux réseaux de téléphonie mobile.
Voilà pourquoi les spécialistes pensent qu’il faut trouver un équilibre entre protection et participation ; prendre en compte l’idée selon laquelle les droits de l’enfant se traduisent à travers les droits pour l’enfant mais aussi par l’enfant.
Comment alors assurer la protection des enfants sur Internet?
Le sujet a déjà été abordé. En effet, le rapport 2017 de l’Unicef sur la situation des enfants dans le monde, sensibilise sur la nécessité de mettre fin à la violence en ligne et attire l’attention des parents et éducateurs ainsi que des acteurs à divers niveaux sur leur responsabilité de protéger les enfants face aux impacts négatifs de la technologie numérique et de l’internet.
Pour Pamela Acakpo, commerçante et mère de plusieurs enfants, le moyen le plus efficace de protéger les droits des enfants sur Internet, serait de leur fournir les outils qui leur permettront d’assurer eux-mêmes leur sécurité et de prendre connaissance de leur responsabilité. Pour ce faire, elle adopte une démarche préventive avec ses enfants en les sensibilisant aux risques potentiels et aux conséquences à long terme des échanges d’informations à caractère personnel et violent sur la toile.
Selon le docteur Pédopsychiatre Bernice Adeossi, la responsabilité incombe à tous les adultes, pas seulement aux parents directs mais à la société, aux fournisseurs d’accès internet, aux moteurs de recherche, à toutes les personnes qui utilisent internet. Parce que les informations inadéquates sur lesquelles les enfants tombent y ont été posées par d’autres personnes. C’est une question de responsabilité collective. Mais les premiers qui devraient y veiller sont les adultes proches de l’enfant ; parents, enseignants, moniteurs, adultes du voisinage, frères, sœurs plus âgés. Dela Kuegah, présidente de l’ONG DelRis pense aussi que toutes les couches ; pouvoirs publics, associations, industriels, leaders d’opinion et collectivités territoriales et locales; doivent s’engager pour la protection des enfants sur internet.
Comment réparer les dommages ?
Selon l’autorité de régulation des communications électroniques et de la Poste du Bénin ( ARCEP-Bénin), au 31 mars 2019, le pays enregistrait un taux de pénétration d’Internet de 45,18℅. Au deuxième trimestre de la même année, ce taux est passé à 52,67℅. Avec ce pourcentage, « la meilleure technique reste la prévention», a déclaré la pédopsychiatre Bérnice Adeossi. Après, il faut faire en sorte qu’un climat de confiance soit en place pour que l’enfant puisse s’autoriser à aborder un certain nombre de questions avec l’adulte et que ce dernier lui donne des informations vraies. Il faut déconstruire rapidement certaines idées que les enfants trouvent sur internet. Si les dommages atteignent un certain degré, on peut toujours faire recours à un professionnel de l’enfance, pédopsychiatre, psychologue spécialisé dans le travail avec les enfants, éducateurs spécialisés.