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Michel Gonomy, chef service Indications géographiques à l’Oapi: « Faire l’Ig au Bénin, c’est révéler le peuple et son savoir-faire »

Publié le jeudi 24 octobre 2019  |  La Nation
Michel
© aCotonou.com par DR
Michel Gonomy, chef service Indications géographiques à l’Oapi
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L’ananas « Pain du sucre » du plateau d’Allada et gari « Sohoui » de Savalou et l’huile d’arachide « Agonlinmi » du plateau d’Agonlin sont des produits ‘’made in Benin’’ promis à un bel avenir. Le processus de leur reconnaissance en Indications géographiques (Ig) a été lancé, le 14 octobre dernier à Cotonou. Michel Gonomy, chef du service des Indications géographiques, des dessins et modèles à l’Oapi, a animé l’exposé inaugural sur le thème « Les Indications géographiques vous parlent ». Il revient ici sur le sens et les enjeux de la stratégie continentale pour le développement des Ig en Afrique en général et au Bénin en particulier.

La Nation : Qu’est-ce qu’une Indication géographique ?

Michel Gonomy : C’est le nom qui indique l’origine d’un produit à laquelle est attachée une réputation particulière. Pour faire simple, une Indication géographique (Ig), c’est la marque géographique d’une qualité spécifique d’un produit, l’indication du lieu de fabrication des marchandises auquel les consommateurs peuvent s’identifier. C’est la mention valorisante et qualifiante d’un produit.

En quoi consiste-t-elle ?

Plus qu’une simple mention géographique, l’Indication géographique constitue la protection par la loi d’un produit élaboré dans des conditions naturelles, pédoclimatiques et culturelles et par un savoir-faire localisé qui confèrent une qualité unique au monde à un produit. C’est donc un système d’information et de garantie au consommateur. Elle lui indique, en effet, que le produit qu’il achète est originaire d’un lieu précis et qu’il possède des qualités qu’aucun autre produit ne possède dans le monde.

Lundi 14 octobre dernier, il a été procédé au lancement officiel de la reconnaissance de trois des produits locaux en Indications géographiques, dans le cadre du projet Pampig. Qu’est-ce que cela apportera concrètement au pays à terme ?

Dotées de conditions naturelles et climatiques idéales, beaucoup de régions du Bénin dans lesquelles j’ai été, recèlent des produits agricoles, artisanaux, naturels et même industriels dont la qualité spécifique ne peut être élaborée que dans leur zone géographique. A l’instar de l’ananas « Pain du sucre » du plateau d’Allada, dont la forme et la couleur particulières sont dues aux facteurs pédoclimatiques, chacune des régions du Bénin dispose de produits spécifiques : le gari « Sohoui » de Savalou, l’huile d’arachide d’Agonlin « Agonlinmi », le fromage peul Wagashi Gassiré, l’huile de palme « Zomi » de Comè, pour ne citer que ces exemples.
Au Cameroun, le pays où se trouve le siège de l’Oapi, se cultive un poivre aux caractéristiques morphologiques et aromatiques typiques dans une région appelée Penja. Il y a six ans, le kilo de poivre de Penja était vendu entre 2000 et 4000 F Cfa. Les producteurs du poivre de Penja ont bénéficié de l’appui de l’Oapi et de l’Afd dans le cadre du Projet d’appui à la mise en place des Indications géographiques qui est à sa deuxième phase (Pampig 2) pour obtenir le label à l’Indication géographique. Après labellisation, le kilo de poivre a atteint un prix record de 20 000 F Cfa. En Europe, il se vend encore plus cher jusqu’à 100 euros. Il est même vendu à bord de la compagnie Air France... C’est ce même projet qui est proposé à l’ananas « Pain du sucre » du plateau d’Allada, au gari « Sohoui » de Savalou et à l’huile d’arachide « Agonlinmi » du plateau d’Agonlin.
Faire l’Indication géographique au Bénin, c’est distinguer les produits des terroirs en les valorisant parmi tant d’autres ; c’est célébrer l’identité et le savoir-faire ancestraux du peuple béninois ; c’est révéler le peuple béninois et sa richesse culturelle dans le monde ;
c’est célébrer l’histoire du Bénin, des rois Glèlè, Agonglo, Béhanzin ; c’est aussi célébrer le fromage peul, le mode de vie du peuple Ganvié... En bref, c’est célébrer le Bénin et son identité.
L’Indication géographique est, à n’en point douter, l’assurance de la notoriété de ces produits spécifiques et procurera plus de revenus aux producteurs. Mais pas seulement ! C’est un outil de préservation du patrimoine culturel, de ce que la terre, la nature et les ancêtres laissent de mieux à l’humanité. C’est aussi le rayonnement des terroirs, des localités, des régions à travers leurs produits. Il faut souligner que l’Indication géographique permet aussi de préserver l’environnement et les ressources locales.

Quels sont alors les enjeux des Ig en Afrique ?

De par leur position géographique et le savoir-faire traditionnel, beaucoup de pays africains regorgent de produits dont les qualités particulières sont liées aux terroirs. C’est le cas de l’Attiéké de Côte d’Ivoire ; le Kilichi du Niger ; le Poivre de Penja et le miel blanc d’Oku au Cameroun ; le café Ziama de Macenta et la Baronne de Rothschild en Guinée ; le miel de Casamance au Sénégal ; le pagne tissé Faso Dan Fani du Burkina Faso ; l’huile d’argan au Maroc et j’en passe.
Mais à l’instar de l’ananas « Pain du sucre », ces produits pourtant appréciés pour leur qualité et qui apportent beaucoup à l’économie de nos Etats sont parfois laissés pour compte, confrontés à de nombreux défis : défi de promotion, défi d’organisation de la filière, défi de dialogue entre les acteurs, défi de commercialisation et d’étiquetage, défi d’accès au crédit des acteurs. A cela s’ajoute le manque de soutien ou le faible soutien des pouvoirs publics. Cet état de choses entraîne pour les produits locaux africains, au mieux la méconnaissance et le mépris au profit des produits d’importation qui parfois sont de qualité moindre ; au pire, ils font l’objet de contrefaçon et sont voués à la banalité et à la disparition.
Dans les années 2000, l’exportation de l’ananas « Pain de sucre » du Bénin vers les pays européens a connu une embellie. Le Pain de sucre était prisé des consommateurs en Europe. La production retrouvait un net regain d’intérêt dans les localités de production, créant ainsi beaucoup d’emplois. Malheureusement, ce bel élan a été freiné par une crise. Les producteurs ont fait recours à l’éthéphon, un produit chimique à base d’éthylène, pour colorer l’ananas. La surdose a amené le gouvernement à auto-suspendre l’exportation du Pain de sucre en 2016 et ce, pendant huit mois. Ces producteurs du Plateau d’Allada n’auraient-ils pas gagné simplement à promouvoir la qualité spécifique de leur produit ? A brandir devant le consommateur européen que leur ananas reste vert même quand il est mûr ? Que leur ananas est unique au monde ? Cet ananas rare au monde, à la forme d’une bouteille, à la chair fondante, presque blanche, de couleur jaune or, très juteuse et sucrée. Mais la crise de l’éthéphon a été l’épisode dramatique de la glorieuse épopée de l’ananas « Pain de sucre » qui constitue une identité du Bénin.
Dans ce triste contexte, l’Indication géographique apparaît comme l’un des meilleurs modes de valorisation, de promotion, de commercialisation, adapté à l’économie et à l’environnement africains. C’est cette alternative que l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle (Oapi), l’Agence française du développement (Afd) mais aussi l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (Fao), le Projet d’appui au renforcement des acteurs du secteur privé (Parasep) proposent aux acteurs aujourd’hui. Cette voie est celle des Indications géographiques, à travers le projet Pampig 2
Claude Urbain PLAGBETO
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