Il y a 56 ans, la révolution d’octobre emportait Hubert Maga. Ce fut le premier coup d’Etat dans notre pays. Succombant à des intrigues politiques doublées d’un déchaînement populaire à Cotonou, Hubert Maga a été éjecté du pouvoir, son régime banni et lui-même jeté en prison pour malversations financières. Il fut pratiquement le seul président de notre pays à avoir été ainsi traité pour raison de corruption.
Quelques années plus tard, le 26 octobre 1972, Justin Tométin Ahomadégbé, subissait le coup d’Etat du commandant Mathieu Kérékou et de ses camarades du Conseil militaire révolutionnaire. Ce coup d’Etat mettait fin à l’expérience du Conseil présidentiel, le fameux monstre à trois têtes permettant aux trois grands leaders de gouverner le pays de façon tournante. C’était au tour de Justin Tométin Ahomadégbé et il ne fit que quelques mois avant que les militaires ne viennent balayer tout cet échafaudage branlant. Le PRPB a donc réussi à être le régime ayant le plus duré dans notre pays. Dix-huit années de dictature militaro-marxiste durant la période de la guerre froide. Cette période favorisait en Afrique le maintien au pouvoir d’hommes providentiels qui faisaient de leurs peuples ce qu’ils voulaient.
En 1990, le Renouveau démocratique a mis un terme à ce carrousel. Vingt-neuf ans après, on est en droit de se rendre compte d’une chose : la démocratie est le meilleur système politique. De toutes les expériences que le pays a connues depuis son indépendance en 1960, le système démocratique est le seul qui a permis de réunir ses enfants sur trois décennies,autour d’objectifs de développement qui nous sont tous communs.
Le 28 octobre 1963, c’est la foule qui a chassé Maga du pouvoir. Il y eut même un début de guerre civile, avec des affrontements intercommunautaires à Cotonou. Les anciens gardent encore en mémoire ces tristes événements qui ont fait douter de notre capacité de vivre ensemble. Depuis lors, il y a eu des révoltes, notamment celles de 1989 contre Mathieu Kérékou et son régime dictatorial. Ce fut une période de misère et de banqueroute, mais aussi de grands virages historiques, avec la conférence de la Baule et la chute du mur de Berlin, l’effondrement de l’URSS. Ces événements ont obligé la plupart des pays africains de l’époque à s’engager sur la voie de la démocratie multipartite. Je suis de ceux qui pensent que nous n’aurions jamais connu l’expérience démocratique, si tous ces facteurs combinés n’avaient obligé les dirigeants à écouter les cris de leurs peuples.
On peut donc dire que malgré les vicissitudes et les aléas inhérents à son essence, la démocratie demeure le système qu’il faut pour un pays comme le Bénin.
Mais ce disant, il est clair que les changements de régimes inspirés par une foule en délire ne constituent pas un mode de dévolution du pouvoir en matière démocratique. Notre modèle démocratique, malgré ses faiblesses, a banni les insurrections et les soulèvements, fussent-ils appelés populaires ou pas. Autrement dit, chaque fois que l’on fera appel à la rue pour changer de régime, il y a une négation même du principe démocratique. Ceux qui arrivent au pouvoir par la rue finissent par être éjectés de la même manière. Du moins, c’est ce que montre l’histoire de notre pays. Lorsque Christophe Soglo prit le pouvoir en octobre 1963 et qu’un nouveau régime finit par voir le jour en janvier 1964, ce nouveau régime dirigé par Sourou Migan Apithy fut balayé à son tour par un autre soulèvement dit populaire, en novembre 1965.
C’est peut-être désespérant pour ceux qui pensent que les dictatures méritent d’être balayées par la rue. Mais la réalité, c’est que lorsque le pouvoir tombe aux mains de la foule, il ne sécurise ni ses bénéficiaires éphémères ni les auteurs du chaos. Il s’agit simplement d’agir pour qu’adviennent des élections pour que la voix du peuple s’exprime à travers les urnes. Le Bénin de 2019 a failli retomber dans les erreurs du 28 octobre 1963. En mai et en juin derniers, certains pensaient qu’ils pouvaient utiliser la rue pour renverser Talon. S’ils y avaient réussi, ils n’auraient jamais pu jouir de la tranquillité que nous avons tous aujourd’hui.
Oui, notre modèle démocratique d’inspiration occidentale est encore à revoir, même en profondeur. Mais cela ne se fera jamais avec succès par la rue.