Depuis l’installation de la 8ème législature, Polichinelle savait que, tôt ou tard, sur le chapitre de la révision, on reviendra. Hasard de calendrier ou acte prémédité, c’est un vendredi de Toussaint, que la Constitution du 11 décembre 1990, après 28 ans de vie, a enregistré son premier toilettage. A l’unanimité, les députés ont pris la responsabilité d’opérer une césarienne pour nous sortir une quarantaine d’innovations indispensables à l’éclosion de notre modèle démocratique. D’ailleurs, mieux qu’on ne s’attendait, le nouveau-né nous est apparu très joufflu. Ainsi, sur la modification de notre loi fondamentale, les attentes sont allées au-delà des recommandations du comité des experts.
Sur le fond, avant l’avis des 7 sages et une promulgation, personnellement, j’ai aimé la bravoure des députés qui ont d’abord, d’après l’article 80, limité leurs mandats afin de favoriser le renouvellement du personnel politique. Ensuite, toute équivoque est désormais levée sur la possibilité de faire plus de deux mandats à la tête de l’Etat. Et pour pallier toute éventualité, il sera clairement écrit que la révision n’entraîne point une nouvelle République. Visiblement, d’intentions cachées pour se pérenniser au pouvoir, jusqu’ici, il n’y en a pas. Alors, à court et moyen termes, les Béninois pourront apprécier les bienfaits de la Cour des comptes, des élections générales sans oublier la discrimination positive pour redonner espoir à nos mères et à nos sœurs dans la gouvernance de la cité. Pêle-mêle, les apports sur la suppression de la peine de mort, la reconnaissance des chefferies traditionnelles ne sont pas négligeables.
Toutefois, autant la Constitution du 11 décembre 1990 a des failles qu’il fallait nécessairement corriger autant les appréhensions ne manquent déjà pas sur certaines dispositions constitutionnelles qui s’en vont, dans les prochaines années, régir la vie des Béninois. Evidemment, le doute méthodique est sagesse. C’est pourquoi, comme beaucoup, même si nous sommes dans un régime présidentiel, j’ai des appréhensions sur l’article 145 qui prévoit que « Les conventions de financement soumises à ratification, sont ratifiées par le président de la République qui en rend compte à l’Assemblée nationale dans un délai de quatre-vingt-dix jours ». Imaginons qu’il le fasse à quelques semaines de la fin de son mandat et que cela cause préjudice à l’Etat, en tout cas, ce ne serait pas faciliter la tâche à son successeur.
L’autre point qui laisse perplexe est relatif à la vice-présidence. Elu sur le même ticket mais très éloigné de la gestion de l’Exécutif et même, suivant l’article 54, peut être démis de ses fonctions par l’Assemblée nationale sur saisine du président de la République pour faute lourde. A ce niveau, en attendant des raisonnements pointus, j’ai du mal à suivre cette logique qui voudrait que d’un duo, on en arrive à un ‘‘one man show’’. Et pour tout couronner, dans sa nouvelle configuration, la loi fondamentale nous fait passer d’un présidentialisme fort à un présidentialisme puissant. Et s’il en est ainsi, la vigilance doit être de mise afin qu’une fois installé sur le volant, le chauffeur ne confonde vitesse et précipitation.
Au total, il faut avoir l’honnêteté de reconnaître qu’il y a des innovations apportées par la représentation nationale qui impacteront durablement la société et la démocratie béninoise. Mais, une Constitution, à elle seule, ne suffit pas pour balayer d’un revers de la main, toutes les tares colportées depuis des lustres et qui retardent notre développement. Alors, après la révision constitutionnelle, focalisons-nous sur celle qui aidera notre pays à véritablement décoller sur les plans civique et économique. Il faut un peu de tout pour faire un monde et donc, pour un vrai départ, passons, au plus vite, les vitesses qui manquent.