COMMUNIQUE DE PRESSE
CELEBRATION DE LA JOURNEE INTERNATIONALE DE LA FILLE (JIFI 2019)
Les droits sexuels et reproductifs des filles à l’ère du numérique : quels enjeux et quels défis ?
Les technologies de l’information et de la communication « TIC » ont tellement pénétré tous les aspects de la vie humaine qu’il est difficile de concevoir le développement sans les prendre en compte. La célébration de l’édition 2019 de la Journée internationale de la fille (JIFI) offre aux membres de l’Alliance Droits et Santé du Bénin l’opportunité de réfléchir sur les enjeux et défis liés à la protection et à la jouissance de la Santé et des Droits Sexuels et Reproductifs de la fille à l’ère du numérique.
En effet, le Bénin est instamment appelé à adapter son arsenal juridique et ses dispositifs de protection des droits des filles à un mieux-être sexuel et reproductif au nouveau contexte de la 4è révolution industrielle.
L’avènement des nouvelles technologies de l’information et de la communication crée davantage de nouvelles conditions et de nouveaux moyens permettant aux filles d’accéder plus aisément et à une vitesse plus grande à l’Information, à l’éducation ainsi qu’à la protection de façon plus globale de leurs droits sexuels et reproductifs.
Par ailleurs, le numérique à travers les réseaux sociaux et les applications informatiques crée des plateformes d’informations, de discussions et de débats instructifs qui permettent aux filles d’améliorer leurs connaissances, leurs pratiques et de pouvoir faire des choix éclairés.
Dans le même ordre d’idées, le numérique offre aux jeunes des espaces leur permettant d’initier des actions de plaidoyer et de mobilisation sociale pour défendre leurs droits en matière de santé sexuelle et reproductive et d’exiger des gouvernants le respect des engagements en faveur d’une meilleure jouissance et protection de leurs droits.
Cependant et malheureusement, sur la toile, on retrouve d’autres espaces où les filles échappent, à tout contrôle social et sont ainsi exposées à plusieurs menaces notamment, le harcèlement sexuel, le proxénétisme en ligne, la participation à des rencontres autour du sexe, des rencontres avec des inconnu (e)s aux intentions douteuses, l’exhibitionnisme, l’exposition de la vie privée et familiale, l’incitation à la débauche ou à la consommation de drogues et l’alcool, la prostitution, la consommation de la pornographie…etc. Les réseaux sociaux deviennent des espaces où les droits des filles à la santé sexuelle et reproductive sont constamment violés.
Premières victimes des conséquences de la consommation incontrôlée du numérique, les filles sont sujettes aux différentes formes de violences basées sur le genre, aux comportements à risques de VIH et des grossesses précoces. L’espace virtuel apparait comme un espace non sécurisé pour les filles qui ne sont pas forcément préparées à affronter les réalités de l’internet. Les usages sociaux relatifs à l’éducation en famille sont aussi bouleversés à l’ère du numérique, dans la mesure où les adolescents (e)s et les jeunes en général, consacrent plus de temps sur les réseaux sociaux qu’au dialogue avec leurs parents.
Tout ceci pose la problématique de la pertinence et de l’efficacité de notre cadre législatif de protection de la fille en matière de santé sexuelle et reproductive.
Certes, le Bénin s’est doté d’un cadre législatif marqué, entre autres, par cinq lois majeures dans le domaine de la protection du droit à la santé des filles. Il s’agit notamment :
• la Loi n° 2003-04 du 03 mars 2003 relative à la Santé Sexuelle et à la Reproduction
• loi n° 2003-03 du 3 mars 2003 portant répression de la pratique des mutilations génitales féminines en République du Bénin
• la loi n° 2006-19 du 5 septembre 2006 portant répression du harcèlement sexuel et protection des victimes en République du Bénin ;
• la loi n°2011-26 du 9 janvier 2012 sur la prévention et l’interdiction de la violence contre les femmes, couvrant la violence domestique et le viol conjugal, le harcèlement sexuel, la prostitution forcée, le mariage forcé, les crimes d’honneur, les mutilations génitales féminines et autres pratiques néfastes ;
• Loi n° 2015-08 portant code de l’enfant en République du Benin.
Mais, ces différentes lois souffrent jusqu’à présent d’une absence criarde de décrets d’application. Elles rappellent cependant le caractère universel du droit à la santé de la reproduction, l’autodétermination en matière de procréation et de mariage, le droit d’accès aux soins et services de santé, le droit à la non-discrimination, le droit à la sécurité de la personne et la confidentialité. Elles créent donc potentiellement et théoriquement un environnement juridique favorable à la protection de la fille.
Pour passer de la virtualité à la réalité concrète, il est urgent que le Gouvernement prenne rapidement les décrets d’application attendus depuis fort longtemps. De même, la nécessité se fait impérieuse pour le gouvernement et les autres acteurs œuvrant pour le droit à la santé de la fille de :
• circonscrire la problématique liée à l’accès des adolescent (e)s et jeunes au TIC en initiant des études conséquentes qui tiennent compte de l’environnement social, économique, technologique ;
• exploiter les résultats desdites études pour revisiter la législation en vigueur afin de l’adapter au mieux des exigences de l’éthique en matière de protection et de jouissance des droits sexuels et reproductifs de la jeune fille sous nos cieux.
Par ailleurs, en tant que garant de la régulation des médias, l’Etat doit mobiliser les opérateurs du numérique pour des mesures de protection plus renforcées des filles sur les réseaux sociaux.
Enfin, nous exhortons les parents à :
• prendre les dispositions idoines pour retarder l’accès des mineurs aux smartphones ;
• s’impliquer dans la gestion des Smartphones de leurs enfants, surtout mineurs.
La société civile engagée dans la promotion de la santé sexuelle et reproductive doit davantage innover, en faisant la promotion des plateformes éducatives en ligne dont le contenu est surveillé et contrôlé.
Les médias doivent s’engager à diffuser des contenus multimédias éducatifs et à sensibiliser le public sur les risques liés à l’usage détourné de l’Internet.