L’actualité politique relative à la nouvelle loi de la constitution béninoise a été le principal point d’échanges entre André Okounlola, député à l’Assemblée nationale, membre du Bloc Républicain, porteur dudit projet, et les journalistes du quotidien L’Evénement Précis. Interrogé sur cette question dans la rubrique Sous l’Arbre à Palabre, le député de la 10eme circonscription électorale et membre du comité d’experts mis en place au terme du dialogue politique national revient en détail sur le processus ayant conduit au vote de ce projet critiqué par l’opposition. André Okounlola passe également au peigne fin plusieurs points notamment la limitation des mandats, la constitutionnalisation de la Cour des comptes, le mandat de trois ans pour les députés de la prochaine législature, le système de parrainage pour les prochaines élections, sans oublier son passage d’ardent disciple de Yayi Boni au défenseur incontestable du régime Talon.
Et si on en parlait
Après les événements du 28 avril, 1er et 2 mai, depuis quand est-ce que vous êtes retournés dans votre base ?
Depuis les élections de 2019, je suis reparti au moins trois fois à Savè. Je suis parti en juillet deux fois puis une fois en août.
Quel est l’état de vos relations avec vos mandants de la 10ème circonscription électorale ?
Vous comprenez bien qu’il y avait une crise. Une crise qui est née du fait que nous avons voulu renforcer le système partisan. Dans ce sens, nous avons voté des lois et dans la mise en œuvre de ces lois, il y a eu un peu de clash. Il faut le reconnaître, la non-participation des Fcbe aux élections législatives d’avril 2019 a crispé un peu l’atmosphère dans notre région. Ce qui fait qu’il y a eu un peu de grincement de dents. C’est ça qui s’est traduit surtout par certaines manipulations de nos populations qui n’ont pas très bien compris que quand on fait un jeu politique, ou qu’on fait une lutte, on mesure d’abord les intérêts qu’on a dedans. Malheureusement, on les a embarquées dans une lutte qui n’avait aucun sens, parce que la non-participation d’un parti politique à une élection ne signifie pas qu’il faut faire soulever tout le monde. Puisque les fcbe n’étaient pas les seuls partis animant la vie politique du milieu, du coup, leur absence aux élections législatives, pour une fois en passant, ne devrait pas être considérée comme un crime de l’aise majesté ; ceci permet donc de comprendre à quel degré les populations ont été manipulées dans cette situation banale. Le peuple a élu un homme qui dit : « moi je suis venu pour renforcer le système partisan ».Si les Béninois l’ont porté à plus de 60%, il y a des raisons pour que ce programme soit accompli. C’est le respect d’un engagement politique, la mise en œuvre de la réforme politique. C’est l’un des engagements du candidat Patrice Talon, et nous, nous l’avons accompagné pour qu’il renforce ce système partisan qui était devenu déplorable dans notre pays. On peut faire la politique, on peut faire une démocratie libérale. Mais, faire une démocratie à outrance comme nous le faisions dans notre pays où les partis politiques se créaient dans toutes les rues, dans tous les quartiers et dans toutes les familles, je crois que si on ne prenait pas garde, ça risquait d’exploser un jour et ce serait dommage pour nous tous. Donc, voilà ce qui a que ces événements, tout le monde les a déplorés, y compris moi-même. Mais, je crois qu’avec le temps, comme je l’ai toujours dit, tout ce qui est chaud se refroidit.
Vous parlez de non-participation, alors qu’on vous accuse, vous députés de la 7ème législature, de les avoir exclues. Que répondez-vous ?
Vous savez, chacun est libre d’apprécier les choses comme bon lui semble. Nous avons voté des lois,la charte des partis et le code électoral, toutes votées à l’unanimité des députés. Que vous soyez mouvancier, que vous soyez opposant, on a voté ces lois à l’unanimité, sauf une seule voix. La seule voix, c’est celle du collègue Mitokpè qui n’a même pas dit qu’il est contre. Il a juste dit qu’il fait abstention. Donc, dès qu’on a fini de voter la loi, et que cette loi est promulguée, elle devient applicable et rentre en vigueur. Que vous soyez président de la République, ministre ou simple citoyen, la loi oblige tout le monde. Mais, comme dans notre pays, on est habitué à ne pas appliquer les lois. Les gens ont pensé qu’avec la rigueur du président Talon, les choses ne se passeraient pas comme ils l’ont voulu, parce que la loi est là. Ils ont pensé qu’on va encore mettre la loi de côté et faire semblant de la respecter, et c’est ça qui les a pris de court. Donc, personne ne les a exclus mais c’est parce qu’ils ne se sont pas pris à temps. Quand une loi dit que désormais, quand vous allez aux élections, vous devez prendre vos dispositions pour y participer. Mais vous n’avez pas pris les dispositions à temps. Le temps que vous devez prendre pour faire ça, vous faisiez autre chose. Le temps les a pris de court. C’est la situation. Donc, je sais qu’aujourd’hui, si vous demandez à ceux-là, à ces partis politiques, ils doivent se reprocher quelque chose. Ils doivent déjà faire leur autocritique et savoir que dans la vie, il faut se prendre à temps. Quand vous avez quelqu’un en face de vous, il faut mesurer les forces et se prendre à temps pour ne pas être surpris. Ils ont été surpris. Donc, personne ne les a exclus. C’est ça la vérité.
Honorable, vous faites partie des députés qui ont porté le projet de loi portant révision de la constitution. Est-ce pour vous, un sentiment de fierté après le vote de cette loi ?
Même s’il faut faire ça demain, je suis encore prêt à le faire parce que je suis un homme de principe. Quel est le principe ? Je vais vous le dire de façon claire. La constitution béninoise, c’est quoi ? C’est un ensemble de règles fondamentales dont nous les Béninois, nous nous sommes dotés pour dire que c’est sur cette fondation que nous allons régir toutes les lois organiques de notre pays. Ce n’est pas la constitution qui nous a fabriqués. C’est nous qui avons fabriqué la constitution. En aucun cas, cette constitution ne devrait devenir un fétiche. Ce que nous avons fabriqué, ça ne peut pas devenir un fétiche. Moi, je suis foncièrement contre certains Béninois qui pensent que notre constitution devrait être un fétiche, donc, intouchable. Dans ce monde contemporain aujourd’hui où on peut dire qu’on est près d’envier les démocraties modernes que nous citons comme exemples, les gens se lèvent et règlent leurs problèmes en touchant à des points de la constitution pour pouvoir avancer. Mais nous, on a pris ça comme un fétiche sur lequel on va verser de l’huile rouge tous les matins et qu’on ne doit pas toucher, même si on est conscient qu’il y a des problèmes, notamment de développement. On n’a qu’à rester comme ça. C’est pourquoi je dis que je suis fier. S’il faut toucher la constitution béninoise pour que les Béninois puissent avoir en plus le regard vers le développement, je suis prêt. Je le dis parce que les grands défis qui sont là, personne ne viendra les relever si ce n’est pas nous même. Donc, si on doit toucher la constitution, pour que ces défis soient relevés, je serai prêt à le faire encore demain.
Pourquoi avoir opté pour une révision en procédure d’urgence ? Encore plus, une révision nocturne !
Non. Je ne peux pas dire que c’est une révision nocturne. C’est vous qui l’appréciez comme ça. Mais, je vais vous parler. Les activités parlementaires chez nous, ça n’a pas de limite. Nous n’avons pas une heure fixe où c’est de 08h à 12h30 et de 15h à 18h30 qu’il faut adopter des lois ou travailler en commission. Et pourquoi ? Là-bas, tout ce que vous voyez à la télévision-là, ce n’est pas les vrais problèmes. Il faut négocier d’abord dans les couloirs, il faut faire les conciliabules. Quand vous faites les conciliabules, on n’arrête pas l’horloge. Donc, si vous n’êtes pas prêts, si vous n’êtes pas convaincus que les conciliabules que vous avez faits sont suffisamment mûrs pour que vous entriez en salle pour commencer à étudier le dossier, ça prendra le temps qu’il faut. Mais ce temps, on ne dit pas qu’on est en train de faire des conciliabules et qu’on va arrêter le temps. Donc, c’est quand c’est prêt que nous commençons. Ce n’est pas seulement au Bénin que ça se fait comme ça. C’est dans tout le monde entier que, dans un parlement, on peut engager un processus qui peut nous conduire au lendemain. La preuve est que, la dernière fois, pour le vote du code électoral et de la charte des partis, on a commencé à 20h et on a fini le lendemain à 8h 30. Ce n’est pas aujourd’hui que ça se passe comme ça.
Vous voulez nous dire qu’il y a eu de vrais débats autour des textes ?
Bien sûr, il faut débattre. Il faut expliquer parce que ce qui n’a pas été fait et qu’on veut faire, les 83 députés doivent en être convaincus. Vous ne pouvez pas demander aux gens de voter si vous ne leur en montrez pas l’opportunité. Mais là, chaque député pose de questions pour savoir pourquoi telle chose, pourquoi insérer telle chose. Donc, ce n’est pas parce qu’on veut faire des choses qui ne sont pas claires, qu’on est allé voter la nuit.
Vous voulez nous dire que vous n’avez pas révisé la constitution en catimini alors que le peuple ne connaissait pas le contenu de cette révision ?
Moi je suis surpris quand vous dites des choses comme ça. Je suis surpris et je ne comprends pas qu’on nous demande pourquoi on l’a fait en procédure d’urgence. Je vais vous le dire. Nous l’avons fait en procédure d’urgence parce que, en mai 2020, nous avons les élections communales. Cette élection doit avoir lieu en mai 2020. Mais, pour que cette élection ait lieu, nous avons besoin de toucher le code électoral qui va permettre d’organiser ces élections en 2020. Le protocole additionnel de la CEDEAOexige des Etats membres que le mécanisme juridique qu’on doit utiliser pour aller aux élections ne doit pas être touché six mois avant les élections. Alors, si tel est le cas, vous voyez déjà que si après le mois de novembre, on n’a pas touché notre code-là, c’est qu’on ne pourra pas organiser les communales et locales en 2020. Or, notre code électoral doit être le corollaire de la constitution. Elle doit reposer sur les amendements de la constitution. Donc, si on ne le fait pas en procédure d’urgence, finir de voter l’amendement, l’envoyer à la Cour pour qu’elle se prononce et que le Chef de l’Etat promulgue, on ne peut pas passer à l’étape suivante. Il faut que le chef de l’Etat le promulgue pour qu’on ait un support juridique sur lequel on doit se poser pour dire pourquoi on révise le code. Et tout ça ne doit pas dépasser le 15 novembre. C’est pourquoi on était contraint qu’il fallait réviser la constitution et amender les dispositions nécessaires en procédure d’urgence et notre règlement intérieur est clair là-dessus. C’est le règlement intérieur qui fonde notre démarche. Donc, je ne vois pas en quoi il n’est pas opportun de faire ce travail.
Et pourquoi avoir révisé en catimini ?
Le mot catimini dont vous parlez-là, je ne me retrouve pas dedans. Je le dis parce que nous avons traversé une crise au lendemain des élections législatives. Vous savez que le président Talon qui est là, est venu imprimer une rigueur dans la gestion des affaires publiques. Ce n’est pas moi qui vais vous apprendre ça. Depuis trois ans et demi, il a imprimé une marque de rigueur et de méthode. C’est ça qui a conduit au fait que, au lendemain des élections législatives, les partis politiques qui sont régulièrement enregistrés ont été conviés à un dialogue. Je le dis bien, les partis politiques régulièrement enregistrés. Parce que c’est la loi qui le dit. Si vous ne l’êtes pas, alors vous n’êtes pas en règle vis-à-vis de la loi et ça veut dire qu’on ne vous reconnaît pas. Donc, les neuf partis régulièrement enregistrés ont été conviés et huit ont répondu présents. On a fait un dialogue de trois jours. Les recommandations issues de ce dialogue sont les éléments qui ont amené à toucher la constitution. Alors, je voudrais que vous-même vous déduisiez : est-ce que c’est en catimini ? Si c’est à l’issue d’un dialogue politique que nous aboutissons à la mise en œuvre des recommandations de ce dialogue qui oblige qu’on apporte des solutions en touchant à la constitution, je voudrais que vous déduisiez si cela s’est fait en catimini ou bien si c’est un travail de groupe politique qui a constitutionnellement le pouvoir de poser des actes politiques dans le pays. Donc, je crois que ce n’est pas en catimini parce qu’on l’a fait à l’issue des recommandations d’un dialogue politique.
Dans la constitution révisée, vous avez indiqué que le chef de l’État procède à la ratification des financements et doit rendre compte trois mois après, à l’Assemblée nationale. N’est-ce pas une faille dans le contrôle de l’action gouvernementale?
Le contrôle de l’action gouvernementale est le rôle dédié à l’Assemblée nationale. Le contrôle de l’action du gouvernement, c’est que le gouvernement a posé un acte et il revient aux députés de vérifier si cela a été bien fait. Il y a eu plusieurs lois de ratification qui ont été rejetées. Mais si les députés disent qu’ils ne votent pas, je ne pense pas que ce soit un langage qui va dans l’intérêt du peuple. Mais sachez que nous faisons toujours la ratification dans des conditions de stress. Il y a beaucoup de projets et de financements que nous perdons dans les procédures administratives pour que la ratification vienne à l’Assemblée. On perd des milliards pour ça parce qu’il y a des procédures. Si c’est pour avoir l’argent qu’on demande qu’on nous donne notre accord avant qu’on ne l’utilise alors que le pouvoir que nous avons constitutionnellement est de vérifier comment l’argent est utilisé, il n’y a pas de raisons qu’on ne vérifie comment l’argent rentre, et qu’on aille vérifier s’il est bien utilisé. Il faut que le gouvernement vienne nous dire, trois mois après, comment cet argent est en train d’être utilisé. C’est dans ce cas qu’on rentre dans la problématique de contrôle de l’action gouvernementale. Cela n’a rien amputé aux prérogatives du parlement.
Le Président Talon vous a demandé de ne pas toucher à la limitation des mandats et de l’âge des candidats à la présidentielle. Vous avez outrepassé cela. Sur la limitation d’âge par exemple, vous avez mis qu’il faut avoir 40 ans révolus et sur le nombre de mandats, vous avez dit que le nouveau président sera installé dans la deuxième quinzaine du mois de mai. N’avez-vous pas trahi le chef de l’Etat et la nation toute entière ?
On n’a trahi personne. En Afrique, quand les présidents en exercice révisent la constitution, c’est pour s’éterniser au pouvoir. Ce n’est pas le cas. Quand nous avons voulu aborder la question du calendrier électoral, nous nous sommes dit qu’il y a trois élections: législatives, communales et présidentielles. Mais, la plus importante, c’est l’élection présidentielle. Donc il faut tout régler à partir de l’élection présidentielle. Nous nous sommes dit que rien ne doit empêcher l’organisation des élections en 2021 et en 2026. La question qui se pose est : comment cadrer les élections générales à partir de ces deux dates ? Et c’est ce qui a posé problème. C’est indépendant de notre volonté. Pour arriver aux élections générales, nous nous sommes dit qu’il faut regrouper les élections législatives et communales au même jour et décaler de quelques mois, l’élection présidentielle. Il y a ensuite eu des débats sur l’élection qu’il fallait organiser en premier, comme il y aura un système de parrainage. Si nous faisons l’élection présidentielle, c’est ceux qui sont en fin de mandat qui vont donner le nouveau mandat au président. Le président qui sera élu doit avoir la latitude de faire la liste des élections législatives et communales pour embarquer tout le monde. En ce temps, on rendra plus fort le système présidentiel que nous sommes en train de dénoncer.
Ce n’est donc pas une ruse ?
Ce n’est pas du tout une ruse. C’est pour qu’on organise désormais l’élection législative et communale avant l’élection présidentielle pour que le président qui sera élu soit un président qui sera coaché par des gens qui ont été choisis par le peuple. Ce n’est pas parce que les élections générales vont commencer en 2026 qu’il faut attendre. La réforme a déjà démarré et suit des étapes. Il y aura l’élection communale en 2020 et les maires qui seront élus auront un mandat transitoire de 6 ans. Ce qui veut dire que ça a déjà démarré, et ce sera le cas en 2021. S’il n’y a pas de duo en 2021, que ferons-nous s’il y a vacance de pouvoir ?
Que cache le poste de vice-président ?
Nous ne faisons pas la loi pour un individu. La constitution du 11 décembre 1990 a été conçue pour des générations. Le Président Talon, qu’il le veuille ou pas, doit partir en 2026. On ne peut pas faire une loi fondamentale de notre pays à cause du président Talon. On a dit qu’il faut aligner désormais les élections, chaque 5 ans. Si on ne met pas en place un mécanisme pour qu’il y ait rupture, qu’il y ait quelqu’un qui finisse le mandat en cas de vacance de pouvoir, le calendrier retenu va balancer. C’est pourquoi le mécanisme de vice-présidence a été instauré pour que si on commence et on remarque la vacance du pouvoir, c’est le vice-président qui termine le mandat et on n’aura plus à organiser une élection présidentielle à mi-chemin. Ceci va aussi désorganiser les élections communales et législatives.
Le Président et le vice-président peuvent mourir simultanément…
La loi a prévu les cas. Si le président meurt, c’est le vice-président qui prend le pouvoir. Si le vice-président meurt, le président de la république propose quelqu’un et il envoie à l’Assemblée nationale qui valide en tant que représentant du peuple, parce qu’on ne peut pas organiser les élections en ce moment-là.
La Constitution, ce sont des normes. Est-ce qu’après 2026, il faut enlever ces dispositions qui encadrent l’organisation des élections ?
Ça n’aura aucun effet. Dans toute loi, il y a ce qu’on appelle les dispositions transitoires et finales. Dans cette loi, c’est ça qu’on appelle dispositions transitoires et finales. C’est des dispositions qu’on prend pour régler de façon ponctuelle une situation. Donc c’est pour régler la situation ponctuelle. Après 2026, ça ne va plus être enlevé, donc en vigueur. Donc on appelle ça des dispositions transitoires.
Que gagne le Bénin à constitutionaliser la Cour des comptes ?
En 1990, le Bénin était le premier pays à organiser la Conférence nationale et ça a débouché sur la démocratie en Afrique. Les gens nous ont copiés. Le Bénin est devenu le phare de cette histoire de démocratie, et il y a des organisations sous régionales qui sont là comme l’Uemoa, la Cedeao où le Bénin était devenu le pays qui vend l’image de la démocratie partout, la bonne gouvernance, etc. Les outils qui caractérisent la bonne gouvernance en démocratie, ces outils-là qui manquent chez nous. Quand nous prenons l’Uemoa où on est 8 pays, le Bénin est le seul pays qui n’a pas la Cour des comptes et on doit mettre ça dans la Constitution. Est-ce que vous pensez que c’est une bonne image pour nous ? Comment on va dire que tout ce que nous faisons dans le pays pendant un an, c’est les 4 ou 5 personnes qui sont à la Chambre des comptes de la Cour suprême, c’est eux qui doivent valider ? C’est la Cour des comptes qui doit être l’institution constitutionalisée qui peut, chaque année, dire voilà la situation des comptes dans notre pays. C’est ça la bonne gouvernance. Ce sont des indicateurs qui font penser que nous sommes dans le concert des nations qui font de la démocratie. En quoi c’est mauvais pour notre pays ? En quoi est-ce mauvais qu’on rattrape ce qu’on devrait faire depuis ? Donc je crois que depuis des années, au temps du Président Yayi Boni, la constitutionnalisation de la Cour des comptes, était devenue la chanson de tous les Béninois. Si aujourd’hui, le Président Talon dit qu’on va faire ça, en quoi ça devrait déranger ? Ce qu’on n’a pas pu faire hier, si on le fait aujourd’hui, n’est-ce pas une bonne chose ?
Avec le nouveau texte, les députés ne peuvent plus faire plus de 3 mandats. Quelles sont les implications pour la 8ème législature ?
D’abord, je voudrais attirer votre attention sur le fait que quand vous soutenez quelqu’un, vous devez le soutenir de façon franche. La vision du Président Talon, c’est que de façon progressive, on puisse renouveler la classe politique. Ce qui est normal. Le Président Talon a dit : « moi je voudrais qu’il y ait un renouvellement de la classe politique. Moi je veux que désormais on ne s’éternise pas et qu’il y ait alternance. » Pourquoi il y a alternance au sommet de l’Etat et pas à l’Assemblée ? C’est de l’injustice.
Pourquoi vous n’avez pas mis l’alternance à deux mandats ?
La fonction de député est un peu complexe. C’est plus tu restes là-bas, plus on acquiert des expériences et on devient efficace. Deuxième chose, c’est que le député ne gère pas un budget là-bas. Le député a une mission de représentant du peuple.
Vous avez d’abord augmenté le mandat d’un an, puis vous mettez le nombre de mandats à 3. N’est-ce pas de la ruse ?
On n’a pas rusé. On devrait normalement applaudir. Si on est dans la logique d’élections générales, c’est dans l’intérêt supérieur de la nation. Même si vous ne dépensez pas d’argent et on organise les élections tous les ans, vous êtes dans le stress. Le peu d’argent que notre pays a pour faire face aux défis réels vis-à-vis des populations, on le prend pour organiser des élections. Il faut harmoniser ces élections. Or pour les trois catégories d’élections, il y a la présidentielle qui est de 5 ans, communales 5 ans, législatives 4 ans. Si on doit les harmoniser, soit on revient à 4 ans, soit on passe à 5 ans. Donc c’est l’harmonisation qui a fait qu’on a augmenté le mandat des députés. Ce n’est pas qu’on se l’est donné volontairement. C’est l’harmonisation pour que désormais on ne gaspille plus d’argent pour les élections.
La prochaine législature sera élue pour trois ans. Est-ce un vrai mandat alors que les Fcbe demandent qu’on écourte le mandat de la 8ème législature ?
Un mandat n’est pas caractérisé par le nombre d’années. Il y a le mandat court et le mandat long. Un mandat, c’est le pouvoir qu’on vous donne de représenter quelqu’un. Vous pouvez avoir un mandat d’un jour. C’est que constitutionnellement on a dit que c’est 4 ans. Mais pour aller aux élections regroupées, on ne peut pas faire 4 ans. On a dit qu’au lieu d’aller à 4 ans pour les élections législatives, c’est mieux d’écourter. C’est mieux de se sacrifier que de dire qu’il faut attendre pour avoir le mandat plein. Ce n’est même pas trois ans, ça va être 2 ans et quelques mois parce que c’est le 16 mai 2023 que la 9ème législature va commencer et le 2ème dimanche du mois de janvier, c’est fini. Donc c’est pour dire qu’il n’y a pas de problème, parce que c’est pour l’intérêt supérieur de la nation.
Qu’est-ce qui a déterminé le choix des 9 membres du comité des experts installé après le dialogue politique ?
D’abord, il faut reconnaître qu’il y avait 4 membres du présidium pour diriger les travaux pendant les trois jours du dialogue politique qui s’est achevé par des recommandations. Pour traduire ces recommandations en des faits, le Chef de l’Etat qui a convoqué le dialogue a dit que les gens qui ont dirigé le dialogue doivent être membres du comité d’experts. Donc c’est comme ça qu’on a eu les 4. Maintenant les 5 se sont ajoutés. Le Chef de l’Etat a regardé et a vu que la plupart des recommandations peuvent trouver leur solution à l’Assemblée nationale. Il a donc demandé à recevoir la Conférence des Présidents. Quand il nous a reçus et on a étalé la situation, c’est au cours de cette concertation que la décision a été prise de compléter à ces 4 personnes, 5 autres membres qui seront des députés qui ont un certain nombre d’expertise à répondre à des questions précises de ce genre.
Vous précisément, vous avez quelle expertise à être un constitutionnaliste ?
(Rire ) J’ai l’expertise en la manière d’écrire des lois, en la manière de les faire adopter, en la manière de négocier. L’expertise, ce n’est pas qu’il faut être un homme de droit. Quand on parle d’expertise, peut-être que c’est une expérience que j’ai et que je peux partager. Mais les Béninois ont pris ça pour dire : « les experts de la nation ». Moi je suis conscient qu’aujourd’hui à l’Assemblée nationale, j’ai une certaine expertise par rapport aux lois. Et ça, c’est clair. On ne peut pas me refuser ça. Je suis fier de ça. Si j’ai ça et que je ne peux pas le mettre au service de ma nation, ça veut dire que j’aurais fait des législatures inutilement.
Quelles sont les questions de développement que cette révision va résoudre ?
Si vous le prenez comme ça de façon cartésienne, ce n’est pas bon. Je viens de vous parler de ça. Si on ne révise pas la Constitution pour harmoniser les élections et dire que désormais, on ne peut plus continuer à faire des élections chaque année, c’est déjà un atout, un indicateur sérieux. Le fait qu’on ait révisé la Constitution et que désormais, on a la possibilité d’organiser des élections une fois en 5 ans, c’est déjà un indicateur pour dire qu’il faut se concentrer sur le développement. Deuxième chose, tout ce que nous mettons dans l’organisation des élections chaque année-là, c’est des milliards. Est-ce que ces milliards-là désormais, on ne peut pas orienter ça au développement ? C’est la question. Regardez en 2019, il y a eu élections, en 2020 et en 2021 il y a aura élections, en 2023 on en fera aussi. C’est des milliards que nous gaspillons. Alors qu’aujourd’hui, nos enfants ont besoin de bien manger à l’école, on a besoin de leur construire des classes bien adéquates pour aller à l’école…
Vous avez laissé le chef de l’Etat organiser son programme d’action, sans être stressé par les élections.
Pourquoi pas? Normalement si le peuple confie un pouvoir à quelqu’un pour cinq ans, laissez-le gérer et après ces cinq ans vous allez pouvoir trancher. S’il est bon ou pas, c’est comme cela. Nous sommes en démocratie. Il vient avec un programme d’action et c’est pour cinq ans. Le peuple dit : « nous te croyons. » Si après les cinq ans tout ce qu’il a dit là n’est pas fait, le pouvoir sera donné encore au peuple de le sanctionner.
Est-ce que la révision que vous avez opérée induit une incidence financière surtout avec la création d’un vice-président qui doit au moins être rémunéré à la fin du mois.
Pensez-vous qu’on puisse faire des omelettes sans casser les œufs ? Mais cela dépend déjà de quel poids va se révéler cette incidence financière et par rapport à ce qu’on va gagner. Si on fait le tout, combien le vice-président doit gagner à la fin du mois par rapport à l’organisation des élections de 20 milliards chaque année ?
Quels sont les points dans la révision qui créent des incidences financières ?
Il y a la Cour des comptes et la vice-présidence, c’est tout. Et la vice-présidence c’est symbolique. Il est le patron donc de la chancellerie, c’est tout. Il n’y a rien de particulier là. Il aura un cabinet civil léger et il est là.
A vous entendre, c’est que le Président Talon ne veut pas s’éterniser au pouvoir…
Le Président Talon m’a confié qu’il ne veut pas s’éterniser au pouvoir.
Et vous croyez à cela ?
Oui, pourquoi je ne croirais pas à cela ? Quand on est allé discuter en catimini avec le président Talon, ce qu’il a révélé au peuple là, c’est cela qu’il nous a dit. Il a dit : « chers amis, si c’est pour moi, moi je ne veux pas qu’on touche aux fondamentaux. Si vous touchez aux fondamentaux, d’abord je ne vais pas promulguer et je serai le premier à créer le lobby pour vous combattre ». Il nous a dit ça. S’il voulait s’éterniser, c’est le moment opportun pour lui pour discuter et pour dire : « vraiment, moi je veux rester comment on fait ? » C’est cela. Donc c’est pourquoi moi je crois qu’à voir l’allure que le Président Talon prend et ce qu’il fait, c’est qu’il a le plaisir de marquer l’histoire de son pays pour dire que lors de son passage à la tête du pays, il a pu faire ci, il a pu faire cela. Il a étudié, il a côtoyé les anciens ministres et il s’est préparé en conséquence. Donc c’est pourquoi je crois qu’on ne peut que le croire sur parole.
Honorable pour être désormais Président, il faut avoir le parrainage. Expliquez-nous un peu, le parrainage, c’est quoi ? Ils ont créé un cadre des grands électeurs…
Si c’est comme cela que vous le comprenez, je vous le concède. Mais si on veut comprendre, on ne fait rien sans analyse. Depuis trente ans, c’est notre pays qui a été le premier à organiser cette fameuse conférence nationale. Après l’exercice du pouvoir pendant 29 ans où on a dit « désormais nous allons laisser le choix au peuple de sortir ses dirigeants », le constat amer est qu’aucun parti politique n’a pu désigner un seul président. C’est normal cela ? C’est normal qu’après 29 ans aucun parti politique ne puisse dire que voilà un président de la république ? C’est pourquoi nous voulons renforcer le système partisan pour que désormais les chefs d’Etats soient issus des partis ou bien pour que les partis politiques aient une prépondérance dans les élections dans notre pays. Comme dans notre pays on ne peut pas interdire à un citoyen d’être candidat aux élections présidentielles, nous avons réfléchi : « Si on continue comme cela, à la veille des élections les gens vont débarquer de nulle part et se feront élire. Il faut qu’on fasse attention. » Il faut chercher à faire en sorte que les partis politiques aient de prépondérance dans leurs choix-là. Et désormais, pour que vous soyez conseiller communal, pour que vous soyez député, vous devez passer par un parti. Donc si on ne peut pas exiger à ces citoyens d’être membres d’un parti politique avant d’être président, on a contourné pour dire : « désormais, si tu veux être président de la république il faut que ce soit les députés ou bien les élus-là qui vous parrainent. En cherchant à être parrainés comme ça, on donnera le pouvoir aux partis politiques. Je ne sais pas si je me suis fait comprendre. C’est pourquoi on a fait comme cela.
C’est une ruse pour tuer les candidatures individuelles?
Ce n’est pas une ruse, c’est cela qu’on appelle la politique. C’est de renforcer les partis politiques. Maintenant, on n’a pas encore le même système démocratique. Ce n’est pas le même.
Mais je suis citoyen et j’interviens dans le développement de ma région, suis-je obligé de passer par un parti politique ?
Oui ! si non, pourquoi dit-on: « ça c’est société civile et ça c’est parti politique » ? Ce sont les partis politiques qui animent la vie politique d’un pays. Si vous voulez animer la vie politique rentrez dans un parti politique. Qui vous interdit cela ? Personne ne vous l’interdit. Et maintenant si vous faites bien comme cela, et vous êtes un développeur, qu’est-ce qui vous empêche de trouver sept maires pour vous parrainer ? Trouver sept maires pour vous parrainer, c’est un problème ? Dans tout pays, il y a des lois.
Est-ce que le parrainage sera libre au niveau des députés ? Parce que nous venons d’avoir un parlement monocolore. Est-ce que les députés seront vraiment libres de parrainer tel ou tel candidat ?
D’abord, nous ne sommes pas dans un parlement monocolore. On est dans un parlement de l’exécutif et de l’opposition. Moi je vous réponds puisque vous avez le droit de relayer ce que je peux dire, je vous réponds et vous relayez ce que j’ai dit aux opposants. Ce n’est pas une assemblée monocolore. Moi je suis de la minorité parlementaire, je suis du Bloc républicain. Les autres, ils sont de la majorité et du parti UP. Mais la seule nuance, et pourquoi le peuple ne se tait pas c’est parce qu’on soutient aujourd’hui ensemble le président Talon. C’est la différence.
Mais est-ce que cela ne gêne pas ?
Cela ne va pas gêner. Pourquoi cela gênerait il ? Si cela gêne cela veut dire que vous avez oublié l’histoire. Pendant la sixième législature, nous avons soutenu le président Yayi qui n’avait que 8 non-inscrits. C’est après qu’ils se sont constitués. Pourquoi en son temps ça-là n’a pas gêné ? A l’assemblée c’est une variable. Il faut connaître cela. Et ce que vous ne comprenez pas et je vous le dis, est ce que vous connaissez ce qui peut se passer dans un mois, dans deux mois, dans un an ? C’est pour vous dire que le parrainage est une responsabilité de l’élu du peuple. Et comme nous avons les élections communales en 2020, il faut que je vous réponde en même temps. Les élections communales c’est en 2020. Et on a dit que pour en arriver là, il faut 10% du collège des députés et des maires. L’opposition ne peut pas se mettre ensemble et avoir seize maires ? Qu’est ce qui empêche que l’opposition se mette ensemble en 2020 pour décrocher tous les maires de notre pays ?
Parlez-nous de la particularité des élections communales
La particularité des élections communales, c’est qu’il n’aura pas d’élections locales. Il y aura seulement les conseillers communaux et municipaux. En ce qui concerne les locales, une spécifique loi sera votée à propos. Or aujourd’hui, nous avons opté pour la décentralisation. On ne peut pas créer le vide à la base. Le pouvoir à la base aujourd’hui est exercé par les conseillers. Donc en fin de mandat on est obligé. Déjà on a amendé la constitution de telle manière qu’on a annulé leur mandat au niveau de la constitution. On ne peut plus dire qu’on prend une seule loi pour proroger. On donc contraint d’organiser ces élections là en 2020.
Malgré la loi sur l’amnistie, nous avons encore des compatriotes qui sont en exil. Est-ce que vous ne craignez pas de trouble électoral à l’occasion des communales de 2020 ?
Il ne faut pas souhaiter les événements malheureux que nous avons connus, parce qu’on sait quand cela commence mais on ne sait pas quand ça va finir. C’est Dieu qui nous a sauvés. Parce que nul n’était à l’abri des débordements. On a eu des pertes en vies humaines. Il faut souhaiter que cela s’arrête. Ceux-là qui sont en exil, en politique il y a toujours ce qu’on appelle un début. Mais si on poursuit quelqu’un par rapport à quelque chose on ne peut pas dire que c’est la politique.
Est-ce qu’on ne pouvait pas pardonner à tout le monde et laisser les gens rentrer chez eux ?
L’Etat ou le gouvernement a la responsabilité d’instaurer la paix et la sécurité dans le pays. On ne peut pas laisser qu’on menace les citoyens et que le désordre s’installe dans le pays. Si vous êtes président, vous allez croiser les bras quand votre peuple est menacé ? Vous pensez que c’est en brûlant Les Bagnoles, en brûlant les stations, c’est en saccageant tout que l’élection législative sera annulée ? C’est cela ? Et vous voulez que l’Etat croise les bras ? L’Etat doit rétablir l’ordre.
A quoi Les Bagnoles doit s’attendre ?
Ce qui est sûr, si on a un gouvernement responsable, ce dont je ne doute pas, ils seront dédommagés.
Le comité des experts en a décidé quoi ?
Ce n’est pas le comité des experts. Le comité des experts a reconnu un certain nombre de mesures d’apaisement prises au cours du dialogue. Mais le gouvernement est en train de prendre les dispositions pour une évaluation. Puisque l’assurance doit intervenir dedans. Donc le gouvernement est en train de prendre les mesures et bientôt le gouvernement dira quel est le point des dommages.
Qu’est-ce que vos mandants ont gagné depuis l’arrivée du Président Talon au pouvoir en 2016 ?
Je dirai premièrement que le gouvernement de la Rupture est venu instaurer la rigueur. La deuxième chose, c’est que le gouvernement de la Rupture est venu montrer à la face du monde que les Béninois sont capables de faire mieux. Le gouvernement de la Rupture est venu montrer que nous devons avoir du respect pour la chose publique. Le gouvernement de la Rupture est venu montrer que chacun doit vivre en fonction de ses efforts. Le gouvernement de la Rupture est venu montrer que je ne peux pas gagner cinquante mille et prétendre faire deux ans à trois ans et construire une maison. C’est des valeurs. Et vous ne pensez pas que tout doit être facile. Non, tout ne peut pas être facile. Vous voyez mes cinq doigts, ou bien ce n’est pas les cinq doigts ? Le plus long, on l’appelle doigt non ? Le plus petit, on appelle ça doigt. La société est ainsi construite. On ne peut pas être les mêmes. C’est de façon pyramidale. Il y a la base et il y a toujours un sommet. Tout le monde veut aller au sommet mais tout le monde ne fait pas l’effort qu’il faut. Aujourd’hui, le gouvernement de la Rupture est en train de construire les vrais piliers de développement économique.
Le Bloc républicain vient d’effectuer sa rentrée politique. Comment prépare-t-il les prochaines joutes électorales ?
Nous les préparons comme tout grand parti politique. L’ambition d’un parti politique c’est de conquérir le pouvoir, surtout le pouvoir local. On la prépare et on sera au rendez-vous, il n’y a pas de demi-mesure. Nous avons commencé et on sera tous sur le terrain.
Certains disent que votre appartenance à la Rupture est liée à certaines affaires comme l’affaire des machines agricoles. Que leur répondez-vous ?
Chacun n’a qu’à dire ce qu’il pense. Mais ceux-là, quand le président Yayi était là, il leur avait remis le pouvoir d’acquérir ces équipements. Ceux-là sont puissants aujourd’hui. Donc, si c’était le cas, je vais craindre quoi ? Si ceux qui ont exécuté tout ce qui s’est passé sont tout-puissants aujourd’hui, que vais-je craindre ? Je ne sais qu’une chose, j’ai été le coordonnateur du projet. Mais il y a une manière de passer les marchés ; c’est le Conseil des ministres qui a passé les marchés et celui qui a passé les marchés l’a fait sous l’autorité directe du chef de l’Etat Yayi Boni. Ce n’est pas moi, un simple citoyen, qui peut aller contre. Dès que le Conseil des ministres a décidé de passer le marché, moi je me plie et j’exécute. Moi, j’assume ce que j’ai fait, mais je vous dis que c’est fait dans la transparence, parce que le code des marchés publics a prévu les conditions dans lesquelles on peut faire le gré à gré, et c’est le gouvernement qui a donné ça à des gens. Je n’ai participé à rien. Vous ne me verrez nulle part. L’autorisation a été donnée par le gouvernement, le ministre des Finances de l’époque a donné l’autorisation ; le directeur des marchés publics a donné l’autorisation de prix, c’est validé et moi je n’ai été qu’un exécutant, on m’a amené les tracteurs. Je les répartissais à l’intérieur du pays sur la base du relevé du Conseil des ministres. C’est la seule chose que je faisais. Moi je suis serein et j’attends que les gens viennent me dire ce que j’ai fait.
Comment êtes-vous passé d’ardent défenseur du régime Yayi à ardent défenseur du régime Talon ?
Le président Yayi au début avait l’ambition de transformer le pays. Et nous, en tant qu’homme du peuple on est conscient qu’effectivement il y a beaucoup de défis à relever. Je ne regrette pas un instant d’avoir accompagné le régime Yayi. Mais au même moment, le président Yayi a fini ses deux mandats à la tête du pays. Ça, c’est clair. C’est l’article 42 de la Constitution qui le dit, ce n’est pas moi.
Diriez-vous comme certains que Yayi est fini ?
On ne peut pas dire qu’un homme est fini. Tant que tu n’es pas sous terre, tu n’es pas fini. On ne peut pas dire que Yayi est fini, mais on peut dire que Yayi a fini ses deux mandats à la tête du pays. Ce sont deux choses différentes. Ça veut dire que si on ne corrige pas la loi fondamentale qui est là, Yayi ne pourra plus s’asseoir dans le fauteuil de président de la République du Bénin. Cela ne veut pas dire que le président Yayi est fini. Comment est-il fini ? Le président Yayi peut être encore utile. On ne peut pas dire qu’il est fini. Quand il a fini ses deux mandats, nous qui l’avons suivi, nous qui l’avons soutenu, on devait préparer la relève mais le président Yayi n’a pas permis qu’on prépare la relève parce qu’il est allé nous choisir Lionel Zinsou et les résultats sont là. Mais je suis convaincu d’une chose : si le choix qui avait été fait n’était pas Lionel Zinsou, mais un tartempion parmi nous qui avions soutenu Yayi pendant les dix ans, la personne gagnerait. Le président Yayi nous a conduits et on est tombés. Et le président Talon est venu. Ce que les gens ne comprennent pas, c’est que sur les dix ans du président Yayi, on a collaboré pendant huit ans avec le président Talon qu’on connaît très bien, pris individuellement. Il n’est pas tombé du ciel. Il a été l’un des acteurs principaux des dix ans que nous avons faits avec le président Yayi. Il vient au pouvoir, moi je suis député à l’Assemblée nationale. Je conduisais la délégation des Collines et on est allés rencontrer notre leader, le président Yayi pour lui dire qu’aujourd’hui le président Talon est là et qu’il y a quelques mois, personne ne présageait cela ; nous lui avons dit qu’étant donné qu’il a fini ses deux mandats, nous devons nous organiser pour choisir un leader et conduire la barque jusqu’à ce qu’en 2021 on puisse chercher à reprendre le pouvoir. On était plus de trente. Le président Yayi a répondu qu’en politique il n’y a pas de relève et que si c’est deux personnes qui restent, que lui, il va continuer le combat. Ça, je le dis haut et fort. Le président Talon discute avec nous et dit qu’il est prêt à collaborer avec nous mais qu’il veut qu’on lui dise les conditions de la coopération. Et on est restés dans mon bureau pour voir ce dont chacun des collègues a besoin. Nous avions besoin que la route Savè-Kétou devienne réalité, que la route Savè-Oké Owo devienne réalité, dans les Collines, on n’a pas d’eau, que l’hôpital de zone de Savè-Ouèssè que les Arabes ont financé à 70% depuis cinq ans devienne réalité. Si je ne soutiens pas le président Talon, quand est-ce qu’on va pouvoir réaliser l’hôpital de zone chez moi? Je suis allé rencontrer mes populations pour leur présenter la situation. C’est pour répondre que ce n’est pas qu’on retourne de veste. Il faut comprendre aujourd’hui que l’état de développement de notre pays est catastrophique, surtout dans nos régions. La répartition n’est pas faite de façon équitable. A la sortie du président Yayi, nous avions beaucoup de choses à relever comme défis dans ma région et c’est avec le pouvoir en place que je peux gagner tout ça. Et là, je rends hommage au président Soglo car en 1994 c’est lui qui nous a donné l’électricité qui s’allume à Savè aujourd’hui. Si le ministre Alexandre Ladikpone l’avait pas soutenu, on aurait eu ça ? Aujourd’hui, Talon est en train de construire l’hôpital de zone. Est-ce lui ou ses enfants qui vont se faire soigner là? La route Kétou-Savè est devenue une réalité. On est en train de faire des forages à Ayédjokpo. Voilà pourquoi je soutiens ce gouvernement.
Quelle est la différence entre la révision de la constitution que vous souteniez sous Yayi et celle que vous avez adoptée sous Talon?
D’abord, vous devez me féliciter parce qu’il y a une logique dans mes prises de positions concernant la révision de la constitution. Hier, nous avions dit qu’il faut nécessairement réviser. Parce qu’il y a des insuffisances comme je vous l’ai dit. Parce que pendant 10 ans, la Cour des comptes, l’imprescriptibilité des crimes économiques et autres étaient devenues des versets bibliques qu’on récitait tous les jours. Cela veut dire qu’on savait que dans notre constitution, il y a des lacunes à corriger. Si hier, ces lacunes existaient, ce n’est pas aujourd’hui qu’elles disparaitront. C’est pourquoi je suis resté dans la logique qu’on doit réviser cette constitution en soutenant cela. Mais d’autres ne veulent plus soutenir cela aujourd’hui, parce que l’article 42 n’a pas été touché. C’est cet article qui dit dans son 2ème alinéa «qu’en aucun cas, nul ne peut exercer plus de deux mandats».
De sa vie…
C’est nous qui avions ajouté cela. Mais quand le Président Talon voulait réviser la constitution premièrement en 2017 là, on nous a demandé d’accepter la révision de la constitution s’il accepte sauter le 2ème alinéa.
Ah bon?
Je vous dis la vérité.
Qui vous a demandé cela?
Notre leader que vous connaissez bien.
C’est vous qui le dites hein?
En toute responsabilité. Et je n’étais pas le seul à qui on a dit cela.
Voulez-vous dire que votre leader dont vous parlez avait encore l’intention d’un 3ème mandat?
Je n’ai pas dit cela. Mais c’est ce que j’ai entendu en son temps que je vous ai dit.
Donc, c’était la condition pour que le Président Yayi soutienne la première tentative de révision…
De toutes les façons, c’est ce qu’on nous a dit de faire. Et nous avons dit non. Qu’on ne peut pas.
C’est pour cela que vous êtes parti…
Ce n’est pas pour cela seul qu’on est parti. C’est parce que le Président Yayi a été un chef qui, à un moment donné, n’a pas su protéger ses collaborateurs. C’est ce qui a fait écrouler le système. Parce qu’il faut toujours assumer jusqu’au sommet. Un système politique c’est comme ça.
Vous pensez que c’était difficile pour nous vers la fin du mandat que des initiatives soient prises pour faire savoir que notre pays n’est pas en mesure d’organiser les élections pour qu’on puisse trouver les moyens de prolonger le pouvoir de deux ans? Mais on ne l’a pas fait pour le Président Yayi. Parce que si vous prenez cette initiative, le peuple va réagir. Et lui vous dira, je ne suis pas au courant. Et comme ça, vous serez lynché.
Carte d’identité: De l’ingénieur et du politicien
A 58 ans, André Okounlola est député élu dans la 10ème circonscription électorale (Savè, Ouèssè, Glazoué). Ingénieur spécialisé en équipement agricole, il a été formé dans l’ex-URSS après avoir obtenu une bourse d’étude obtenu en 1985. C’était un an après son Bac scientifique décroché au Lycée Toffa de Porto-Novo, au moment même où il commençait des études de maths-physiques à l’Université nationale du Bénin (UNB). Revenu au pays, il commence en 1993 l’enseignement technique à Porto Novo, puis à Ina. Il est ensuite recruté à l’Institut national de recherche agricole du Bénin (Inrab), affecté à la station de recherche sur le palmier à huile situé à Pobèet qui est aujourd’hui le Centre de recherche sur les plantes pérennes. Après dix ans, il est affecté au Carder Ouémé, puis au ministère de l’agriculture où il a été coordonnateur d’infrastructure et d’équipements sous le ministre Akplogan. C’est au Carder Atlantique où il a été affecté qu’il a été nommé coordonnateur national du Programme pour la Promotion de la Mécanisation Agricole (PPMA). On était en 2006. En 2011, il est élu député pour la 6ème législature sur sa propre liste, AFU (Alliance des Forces Unies) , puis en 2015 pour la 7ème législature pour le compte de l’alliance FCBE. C’est que André Okounlola est entré très jeune en politique à travers les mouvements de jeunes. Responsable de classe pendant son cursus scolaire, il est aussi l’un des responsables des étudiants ressortissants du Bénin à Moscou. Président des étudiants africains de son institut pendant 5ans, quand il rentre au pays en 1993, il s’aperçoit qu’il fallait nécessairement réunir les jeunes et prendre des initiatives afin de se faire entendre. Membre fondateur du mouvement Olatèdjou créé par SéfouFagbohoun en 1993 à Ifangni, il participe à la création du Madep. Aux législatives de 2003, son élection est invalidée. Mais il ne perd pas courage puisqu’en 2011, il est finalement à l’Assemblée nationale. Quand on lui demande pourquoi il fait de la politique, André Okounlola avoue qu’il a découvert son amour du service aux autres.
Intimité: Amoureux d’igname pilée
Marié, père de trois enfants (une fille et deux garçons), notre invité est amoureux de l’igname pilée agrémentée de la sauce d’arachide au poisson ou à la volaille. De temps en temps, un bon vin fait son affaire. Pour être son ami, il faut être franc, aimer dire les choses comme elles sont. Comme sport, il fait la marche.