La dynamique «Alternative citoyenne », dans un document de position, dénonce des faits qu’elle juge anormale mais qui ont lieu actuellement dans différents secteurs. Elle trouve que la justice béninoise vit actuellement une tragédie car constituant un moyen permanent d’intimidation; l’économie qui est dans une situation de désintégration ; une jeunesse sans emploi à qui on propose des ballons. La dynamique «Alternative citoyenne » est très critique sur la situation politique que vit le Bénin. Des tentatives d’empoisonnement au coup d’Etat. Mais elle clarifie : «Parce que les maux dont souffre le Bénin ont d’abord leur source dans la politique, leur solution passe par une réponse politique ». Alors, les auteurs du document proposent des pistes pour sortir le Bénin de cette situation critique.
Trop c’est trop! L’urgence d’une alternative citoyenne
(Document de position de la dynamique ‘’alternative citoyenne’’ sur la situation politique du Bénin)
« Alternative Citoyenne » Mars 2013
L’urgence d’une alternative citoyenne
Trop c’est trop !
C’est trop, lorsque dans un État, la justice, dernier rempart des citoyens, se met au service d’un homme.
C’est trop, lorsque, transformée en instrument de vengeance personnelle, cette justice devient un moyen permanent d’intimidation, d’élimination systématique d’opposants, ou d’exclusion de concurrents.
C’est trop, lorsque dans un État, l’économie est dans une situation de désintégration avancée, que les scandales comme autant d’esclandres de toutes sortes se multiplient à l’infini, mais que le premier responsable n’est jamais responsable de rien et rejette toujours le tort sur celles et ceux qui sont à son service.
C’est trop, lorsque dans un pays, les mœurs entrent dans un état de désagrégation avancée, que la fraude devient un moyen de gouvernement, que le mensonge, les simulations et dissimulations burlesques deviennent une stratégie de gouvernance à la limite de l’abêtissement, que la corruption devient systémique.
C’est trop, lorsque, au quotidien, la «complotionité», une forme de pathologie saisit l’appareil d’Etat, transformé en machine à fabriquer des théories de coups d’État, dont personne ne sait s’ils sont réels ou imaginaires mais qui, à l’évidence, mobilisent et détournent de l’essentiel, l’énergie et la force productrices des paisibles citoyens forcés sinon de marcher pour démontrer leur soutien au prince, du moins d’organiser des célébrations et libations de toutes sortes pour conjurer le mauvais sort.
C’est trop, lorsque le pays vit ainsi au rythme des complots supposés ou réels contre le chef de l’Etat sans que les promoteurs de ces coups d’éclat ni les foules qui les suivent ne se rendent comptent de ce que progressivement et manifestement, ces manœuvres fragilisent l’institution qu’incarne le Chef de l’Etat en même temps qu’elles traduisent, une perte de légitimité profonde et un aveuglément général.
C’est trop, lorsque, aux milliers de jeunes sans emplois, l’on promet, tantôt des ballons de football, tantôt des marches laudatives, alors qu’au même moment l’on obstrue le chemin des entreprises, soit en chassant ceux qui en sont les promoteurs, soit en décourageant toutes les initiatives courageuses de la jeunesse estudiantine ou paysanne.
C’est trop, lorsque, ouvrant son journal, allumant sa télévision ou sa radio, le citoyen est constamment mis en présence, non des investissements nouveaux, des victoires de ses équipes sportives, des activités qui oxygènent sa vie et lui donnent à espérer, mais des plaintes et complaintes de ses dirigeants ; qu’il soit, au quotidien, astreint à expliquer à ses enfants, empoisonnement, assassinats, coups d’état ; que ceux-ci en arrivent à être habituer à la vue des armes et des chars.
Le rubicond a été franchi depuis fort longtemps. L’heure de l’action a sonné !
La tragédie que vit la justice de notre pays en ce moment, qu’elle soit constitutionnelle, judiciaire ou administrative, sous les yeux impuissants de la multitude, ne procède pas seulement d’une incapacité fonctionnelle ou structurelle qui serait congénitale ou consubstantielle à l’institution. Elle est surtout le résultat d’une stratégie de mise à genoux de celle-ci dans un élan totalitaire de confusion et d’accaparement de l’ensemble du pouvoir d’Etat, laquelle stratégie semble bien mûrie et visiblement mue par une boulimie innommable et grossière du pouvoir jamais égalée par aucun régime dans notre pays.
Mais la solution à ce désastre serait-elle dans la pieuse espérance d’une application saine, objective et impartiale de la règle de droit ou dans une profession incantatoire de foi en une justice qui, dans les conditions actuelles, a déjà abdiqué, soit par intérêt, soit par incompétence, soit encore par connivence ?
Il convient d’en douter. De la même manière l’on doit douter que la solution aux problèmes économiques actuels puisse résider dans des analyses économiques infertiles, des séminaires budgétivores, des renforcements incongrus de capacité.
Aujourd’hui, les cris de désespoir, de ras-le-bol, les protestations platoniques et vaines, et la résignation passive face au rouleau compresseur ne constituent plus une réponse suffisante au mal.
Mais la réponse n’est pas, non plus, dans une stérile conjecture et toute spéculation devient inutile.
Le policier, le gendarme ou le magistrat qui prive arbitrairement ou abusivement de liberté est mû par une volonté politique qui lui est étrangère, qui lui est imposée ou à laquelle il adhère. Il n’est pas moins conscient de sa faute, de son erreur, de son égarement. Sa situation appelle plutôt une aide conséquente contre son isolement, son enserrement, son encerclement.
Les ministres ou les fonctionnaires qui, par fraude organisée, sous le prétexte farfelu d’un équilibre régional à réaliser, rompent celui constitutionnel de l’égalité des citoyens devant la loi, exécutent un programme politique bien pensé, mais tout aussi éloigné du développement commun. Mais au fond de leur conscience, ils savent qu’ils sont l’otage du chantage d’un fondamentalisme idéologique, qui prétend corriger une ‘’injustice historique’’ au moyen d’un népotisme avéré et au mépris du mérite et de l’équité.
Si près de 75 % des jeunes actifs sont sans emplois et n’entretiennent le moindre espoir d’en avoir ; si les caisses de l’État sont désespérément exsangues, que les opérateurs économiques sont en fuite ; si le coton a perdu sa superbe blancheur et le port, les navires qui jadis mouillaient ses eaux et revitalisent l’économie tout entière, la cause n’est pas seulement dans l’amateurisme managérial mais dans l’incapacité politique de celles et ceux qui gouvernent ce pays.
Parce que les maux dont souffre le Bénin ont d’abord leur source dans la politique, leur solution passe par une réponse politique.
C’est par la conscience et dans une saine, exigeante et positive action politique que résident les solutions. « Faut-il de votre éclat, voir triompher le comte et mourir sans [réaction] ou vivre dans la honte ! », s’est exclamé Don Diegue devant son fils Rodrigue. Cette exclamation n’est plus cornélienne, elle est aussi une interpellation citoyenne. Chaque citoyen doit en être habité et aller au secours de la Nation rendue si vulnérable par tant de désastres. Atteinte dans sa fondation et dans sa structure elle attend le salut par l’engagement de chaque citoyen.
Le débat ne semble se focaliser que sur le départ de celui qui égrène les jours bien comptés de son « deuxième et dernier » mandat. Au même moment, les paris continuent d’être discutés sur ses intentions et cette éventualité. Les chapelles politiques et les cénacles intellectuels semblent cristalliser le débat sur cet objectif. Et après ? L’enfer ? Le paradis ? Alafia, ou Wahala ? On aurait bien tort de considérer que le salut du Bénin résiderait dans le simple fait du départ de l’actuel locataire du Palais de la Marina en 2016.
Les enjeux sont plus prononcés, les défis, plus exigeants.
I – Des enjeux prononcés. Il est évident que les enjeux sont d’abord le Bénin en tant qu’Etat et le citoyen en tant que personne juridique, l’unité nationale en tant que fondation et l’indignation en tant que manifestation.
1°) L’État est un enjeu certain. L’indifférence à l’égard de la situation de déclin comateux conduit, à terme, à la désagrégation de l’Etat par voie de rupture des liens sociaux qui le protègent, à sa vulnérabilité aux atteintes extérieures. Déjà, la diversion politicienne nous éloigne de la protection de nos frontières et, en conséquence, ouvre la porte à l’incursion et à l’occupation de nos territoires par les Etats limitrophes. Il faut encore rappeler, que progressivement, à l’État formel, se substitue un État mafieux, dans lequel tout s’achète, se négocie. Les parrains de cet État mafieux ont confisqué les rênes démocratiques à leur profit. La décision de quelques-uns devient l’obligation de tous. Le droit lui-même devient l’expression et l’exécution de la volonté d’une personne. Or, qui dit volonté unique, dit opinion inique. C’est de l’existence durable de l’Etat qu’il s’agit, dans son intégrité, dans sa structuration, dans sa composition.
2°) Le citoyen constitue également un enjeu important. Ses droits se volatilisent et se réduisent comme peau de chagrin. Le parquet de Cotonou n’a jamais été, à travers toute son histoire, sollicité avec autant de constance et de fréquence que pendant les périodes de sinistres mémoires de dictature post indépendance. Le vœu de liberté intègre désormais la corbeille des vœux adressés aux Béninois. Or, c’est un citoyen libre qui crée, qui entretient, qui développe. La pression psychologique qui pèse sur les citoyens a des conséquences sociales et économiques certaines. En ce qu’elle conduit à la ruine de la famille et du négoce, elle détruit également la nation et le commerce.
3°) L’unité nationale, la fondation. Au fond, sa survie constitue le véritable enjeu. Elle est complexifiée par la perversité de l’action publique qualifiée par certains, bien à tort, de régionalisme. Ce n’est pas que le régionalisme doive être célébré. Mais à considérer qu’il ait quelque justification sociologique, il faut encore qu’il soit juste.
A l’évidence, le Bénin se porte très mal à cause précisément d’une gestion scandaleuse, scabreuse soutenue par une politique de gesticulations et de clientélisme abêtissant. Au lieu du changement, de l’émergence ou de la refondation, dont on a saoulé la population depuis 2006, on assiste à la démolition effrénée de notre pays pan par pan par une machine répressive et gloutonne animée par une espèce rare mais pas en voie d’extinction de prédateurs, qu’aucun sacrifice expiatoire ne peut dédouaner. Il ne suffit plus de ruminer silencieusement et isolément ses propres chagrins en attendant une hypothétique alternance qui s’est toujours révélée comme une cérémonie festive des corrompus pour continuer la bêtise humaine contre l’intelligence et le bien-être collectif. Avions-nous vraiment vaincu la fatalité ? Il faut aujourd’hui, pour espérer voir fleurir l’espoir et la fierté nationale, travailler ardemment à une alternative porteuse des éléments de satisfaction des besoins fondamentaux, de culture élevée et de progrès social. Il s’agit d’opérer une rupture d’avec les errements et les perditions du présent en nous basant sur les expériences positives des luttes des peuples et de la jeunesse. C’est une question de responsabilité vis-à-vis du Bénin, vis-à-vis des générations auxquelles nous devons préparer et léguer un espace vivable, viable et épanouissant.
Il nous faut construire et mettre en marche une nouvelle vision et un nouveau corps de pratique politique, sociale et culturelle. Or pour élaborer, construire et mettre en marche une telle vision d’avenir meilleur pour le Bénin, il faut d’abord oser refuser l’état actuel des choses, fait de chômage, de pillage, de matraquage médiatique, de harcèlement fiscal, de torture morale, d’arrestations arbitraires, de tripatouillages, de corruption, de népotisme à peine voilé et de théâtralisation de la vie sociopolitique.
4°) Enfin, le devoir de s’indigner. L’indignation contre l’horreur et la pourriture est le premier pas dans la voie du salut. Thomas SANKARA avait absolument raison, lorsqu’il affirmait qu’il n’y a pas de raison à avoir pitié de l’esclave qui ne se révolte pas contre sa condition. Il a fallu que des hommes et des femmes s’indignent contre l’esclavage pour qu’il y ait la proclamation des droits de l’homme ; il a fallu que des hommes et des femmes s’indignent contre la colonisation pour qu’il y ait la décolonisation. Il a fallu que des hommes et des femmes s’indignent conte l’autocratie pour qu’il y ait la démocratie.
Il a fallu que des hommes et des femmes s’indignent contre l’exclusion de Yayi Boni en 2005 pour qu’il soit candidat et élu président de la république en 2006.
En somme, la déliquescence de la situation nationale, exige une clairvoyance de tous les instants pour éviter de tomber dans les amalgames faciles et les pièges savamment posés par les tenants d’un régime pervers.
II – Des défis exigeants. Une bonne lecture de la situation appelle que l’on sonne la mobilisation pour relever un double défi. En premier lieu, il faut éviter de tomber dans le piège de l’exacerbation des passions identitaires et régionalistes. En second lieu, il faut administrer une résistance collective aux manœuvres de diversion en cours pour distraire le peuple et le détourner des préoccupations qui l’assaillent au quotidien du fait de la mal gouvernance ambiante.
1°) En premier lieu : Eviter le piège du régionalisme. Le temps est venu de lever les tabous qui entourent la question du régionalisme au Bénin. Il n’existe en réalité aucune fracture nord sud au Bénin, mais plutôt un plan mis en œuvre par un lobby de profiteurs pour opposer les Béninois d’une région à une autre. La fraude grossièrement organisée dans le dernier concours de recrutement au profit du ministère des finances, révèle moins une manifestation d’un régionalise insidieux que la manifestation d’un népotisme primaire orchestré au profit d’amis, copains et coquins et non au profit du Nord Bénin ni du Sud Bénin. Il faut éviter une mauvaise lecture de ce phénomène à travers des globalisations faciles pour ne pas tomber dans le piège des cerveaux de la manœuvre dont l’objectif principal est de pousser les populations du sud Bénin à la stigmatisation de leurs frères du nord du pays pour les amener à un repli identitaire que l’on utilisera honteusement pour conserver le pouvoir. Le débat télévisé avec le président de la république le 02 août 2012 ; les politiques de nomination ou de sanction à double vitesse où certains cadres sont limogés et informés par bandes défilantes sur les chaines de télévision pour des peccadilles ou même renvoyés devant la haute cour de justice, alors que d’autres sont protégés malgré la flagrance de leurs fautes, participent aussi de cette politique. Surfer sur la fibre ethnique et régionaliste pour sonner la trompette du rassemblement des ‘’frères’’ par l’activation des peurs et des émotions est une stratégie surannée qui a suffisamment fait de mal au pays pour être perpétuée. Il convient donc de lutter contre ce mal qui participe plus d’une stratégie de conservation du pouvoir que d’une volonté de favoriser et de développer sa région d’appartenance.
2°) En second lieu : Résister aux manœuvres de diversion. L’inflation des affaires ces derniers temps, (empoisonnement, offense au chef de l’Etat, tentative de coup d’Etat etc..) et la fameuse lutte contre la corruption qui se caractérise par le vote à l’assemblée nationale de la poursuite d’anciens ministres à la haute cour de justice et tout le tintamarre qui est fait autour, loin de faire croire à une réelle volonté de promouvoir la vertu, relève d’une stratégie bien pensée de diversion pour détourner le peuple des préoccupations essentielles nationales et urgentes que sont la LEPI, la mauvaise gestion économique, l’échec tonitruant de la dernière campagne cotonnière, le chômage accentué des jeunes à qui l’on promet des ballons de football pour apaiser leur faim et leur besoin de travailler. Le Bénin, bon dernier au plan économique dans l’UEMOA en 2012, et dernier dans l’accès à l’Internet (182ème sur 182 pays classement OOKLA 2013), et ce, malgré l’avènement de la fibre optique présentée comme la bouée de sauvetage dans ce domaine, évolue d’échec en échec. La stratégie en cours est de détourner et fixer l’attention des citoyens sur des dossiers fabriqués de toutes pièces pour éviter des réactions certes légitimes, mais incontrôlées. Mais plus que le détournement des attentions, c’est une stratégie qui vise, in fine, à prédisposer les esprits à des grâces et amnisties générales voire aux autoamnisties comme porte de sortie.
Ce qui fonde nos espoirs, c’est l’assurance que les Béninois ne se reconnaissent point dans cette dictature dite du développement qui a fait de nous le dernier de la sous-région.
En conclusion : Il faut encore espérer ! Dans un tel contexte, avec de tels enjeux, face à de tels défis, à relever sans délai, la construction de l’espérance devient une nécessité vitale. Or, il est possible, en dépit des turbulences politiques d’offrir à ce pays la chance de la résurrection. La ruine de l’intelligence et du patriotisme ne saisit pas encore, fort heureusement, tous les citoyens. Ils sont même nombreux à attendre que sonne la cloche du ralliement en vue de la concrétisation de cette espérance. Il faut, dès à présent, transformer les familles en cénacle de construction et de l’avenir et de l’espérance. Les vagues actuelles ne doivent point nous divertir de cet objectif primordial. Il faut bien que les forces positives agissent, certes, en vue de l’endiguement du déclin mais surtout en vue de la préparation de la remontée. Les différentes initiatives doivent se coaliser, discuter sur le sujet, c’est-à-dire le Bénin ; échanger sur la finalité, c’est-à-dire les conditions et les modalités d’une remontée sans jamais régresser. Choisissons de remettre le citoyen, l’éthique et le respect des institutions au cœur de l’action politique. Il faut que se construise, en vue de cette action politique, une alternative citoyenne crédible.
Préparons demain dès aujourd’hui.
Avec tous, partout, pour tous sans discrimination aucune !
Car, demain, c’est déjà aujourd’hui.
Agissons !
Fait à Cotonou, le 6 mars 2013
Pour la dynamique « Alternative citoyenne »,
Ont signé :
Orden Alladatin