Le moins qu’on puisse dire est que ce régime est prolifique en réformes. Depuis le 6 avril 2016, ses têtes de pont ne manquent pas d’annoncer des bouleversements dans les habitudes. C’est ainsi que des idées, des plus évidentes aux plus renversantes, ont mûri à telle enseigne qu’elles sont devenues des décisions. La dernière en date remonte au recrutement d’une partie des enseignants devant servir dans les écoles publiques par des agences de placement relevant du secteur privé. Il faut dire que depuis le démarrage de cette année scolaire, les ministères sectoriels ont du mal à doter les établissements d’enseignants qualifiés. Les responsables au plus haut niveau et leurs collaborateurs n’ont pas pris la mesure de la situation avant la rentrée. Pourtant, ils ne se sont pas gênés pour affirmer à plusieurs reprises que toutes les dispositions ont été prises pour une année scolaire apaisée. Il est aisé de constater que la réalité les a confondus.
Le gouvernement avait cru trouver le remède lié à l’insuffisance d’enseignants dans les écoles primaires et collèges publics. Les aspirants au métier, titulaires d’une qualification dans leurs spécialités respectives, ont subi un test d’aptitude. Ce procédé a permis d’inscrire des milliers de jeunes dans la base. C’est de cette pépinière que des enseignants ont été envoyés par vagues dans les 12 départements pour combler le vide. Malgré cela, le manque se fait persistant. Mieux, dans le but de jauger le niveau d’une catégorie d’enseignants dont le mode de recrutement était sujet à polémique, la décision de procéder à une évaluation diagnostique a été prise. De gré ou de force, sur fond de menaces de radiation, les concernés se sont pliés à une large majorité à cette mesure. Malgré tout ceci, la pénurie d’enseignants se fait toujours ressentir. Trois mois après la rentrée, des milliers d’écoliers et élèves ne savent toujours pas à quel saint se vouer.
Dos au mur, le gouvernement a sorti la solution miracle. Puisque le constat de la faillite du secteur public est patent, le privé est appelé à la rescousse. L’opinion qui attendait que les décideurs assument leurs responsabilités est servie. D’ici le 31 janvier 2020, les agences privées de placement intéressées par l’offre du gouvernement sont appelées à se manifester. Les plus chanceux auront donc à recruter et à gérer une partie du personnel enseignant. Même si cela va de soi, il faut néanmoins souligner que les agents permanents de l’Etat ne sont pas concernés par cette énième décision qui participe de la réforme du système éducatif. De manière spécifique, lesdites agences auront la charge de mettre à disposition le personnel suivant les critères définis par l’Etat, de garantir à ce dernier la disponibilité des agents ainsi que l’amélioration de l’efficacité interne du système. Enfin, elles auront à mettre en place un système d’évaluation périodique.
L’administration ayant montré ses limites dans le recrutement et la gestion du personnel enseignant, le privé est appelé à sauver les meubles. La mode consiste maintenant à contourner les tares du public par les prouesses du privé. C’est à croire qu’il n’existe aucun remède, aucune possibilité pour amener les agents publics pourtant qualifiés à être performants. A ce rythme, l’administration risque de ne plus avoir sa place au sein de l’appareil d’État. Le gouvernement qui veut avoir des résultats a fait l’option d’une solution jamais expérimentée auparavant. A l’aune des résultats, sa pertinence sera évaluée. Que des agences en viennent à jouer le rôle des ministères dont les travailleurs sont régulièrement payés pour des tâches qu’ils accomplissent a minima interpelle les décideurs appelés à sévir sans état d’âme. Tout comme le recours au privé, l‘expérimentation des contrats de performance dans le public est une piste à exploiter.