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Le Matinal N° 4232 du 22/11/2013

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La Chronique de Winner : L’accord au goût de Safran
Publié le lundi 25 novembre 2013   |  Le Matinal




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Considéré comme l’épice la plus chère du monde, entre 3 000 et 35 000 euros le kilo, le safran est le produit phare de la Perse antique et de la vieille Iran. Ceux qui ont le privilège d’en consommer vantent sa légère amertume et sa saveur profonde. Cet accord a le goût du safran. Il était inespéré et soulage le monde.

Vous l’avez deviné, bien sûr  : je veux consacrer cette chronique à l’accord « historique » sur le nucléaire iranien signé, aux premières heures de ce dimanche à Genève, entre la République islamique d’Iran et les 5+1 (Etats-Unis, Grande-Bretagne, Russie, Chine, France et Allemagne). Je l’ai appris comme beaucoup au réveil et j’ai d’abord cru à un canular. Blasé que j’étais par les annonces, l’activisme belliciste de l’Etat Hébreu et surtout l’espoir avorté des 3 et 4 novembre dernier.
J’ai tout de suite pensé à Gary Sick. Cet ancien conseiller de la Maison Blanche, aujourd’hui professeur à l’université Columbia défendait, il y a quelques années, un point de vue minoritaire en Occident : « Il faut négocier. Si l’Occident continue d’exiger zéro centrifugeuse et zéro enrichissement d’uranium, alors non, on ne peut pas négocier. [...] En 1995, l’Iran n’avait pas d’uranium enrichi. Aujourd’hui, les Iraniens en sont à plus de 8 000 centrifugeuses et disposent de plusieurs sites nucléaires. Si l’objectif des Euro-Américains est un nombre limité de centrifugeuses, sous étroite surveillance de la communauté internationale, on peut probablement obtenir cela des Iraniens. Mais on doit négocier avec eux en respectant leur fierté nationale. »
Cet accord intérimaire de cinq pages obtenu après quatre jours de négociations, a vocation à réintégrer l’Iran dans la communauté internationale. L’Iran obtient le droit d’accéder au nucléaire civil, avec un enrichissement de l’uranium à 5% et pas au nucléaire militaire. Elle ne se verra pas ajouter de nouvelles sanctions durant les six prochains mois, récupèrera environ 7 milliards de dollars de revenus pétroliers jusque-là bloqués dans des banques essentiellement américaines, sur les 100 milliards bloqués. En échange, elle devra neutraliser son stock d’uranium enrichi à 20%, démanteler la centrale à eau lourde d’Arak… En définitive, cet accord restaure la confiance entre les parties et rend le monde plus sûr. N’en déplaise à Israël dont le premier ministre, vent debout, a parlé d’ « erreur historique ». Et justement, cette attitude belliqueuse ou pessimiste menace de ruiner le bel inattendument espoir.
Israël qui est depuis quatre décennies, une puissance nucléaire, dispose de 300 bombes et menace d’attaquer l’Iran pour se « prémunir », invoquant l’accord signé avec la Corée du Nord qui ne survécut pas aux ambitions nucléaires de Pyongyang. Le problème, c’est que les dirigeants israéliens sont imprévisibles, intenables. Ils ont à leur actif une longue série de raids risqués et à long rayon d’action pour des objectifs petits ou grands : en Argentine (11 mai 1960), à Beyrouth (9-10 avril 1973), à Entebbe (3-4 juillet 1976), à Tunis (1er octobre 1985). Le 7 juin 1981, l’aviation israélienne a bombardé, à 30 km de Bagdad, le réacteur nucléaire irakien Osirak ; plus récemment, une installation militaire syrienne a subi le même sort, sans que personne ne proteste, pas même le gouvernement de Bachar al Assad.
En dehors de l’Etat hébreu, les monarchies sunnites arabes doivent être elles aussi, furieuses face à ce qui est considéré comme une victoire diplomatique majeure pour l’ennemi intime Iranien. La France, elle, n’est pas sortie renforcée de cet accord, en témoigne le départ précipité de Laurent Fabius. Elle paie son intransigeance dans ce dossier. C’est l’histoire de la grenouille qui voulait se faire aussi grosse que le bœuf. En fait, les Etats-Unis ont mené de leur côté, les négociations avec l’Iran, seul, depuis juin dernier.
Et c’est toute la portée historique de l’accord. L’Iran et le « grand satan » parviennent à un accord ! L’Iran a changé. Ce pays n’est plus le royaume des pionniers ou des vétérans. Ni celui des seuls mollahs. Le treillis avait déjà supplanté le turban, au profit des pasdaran, gardiens de la révolution, désormais ce sont des stratèges qui sont au pouvoir. Depuis, le mois d’août 2013, le mollah modéré Hassan Rohani a succédé au laïque à la piété rustique Mahmoud Ahmadinejad. On est loin de l’ambiance qui a prévalu à l’invasion de l’ambassade des Usa et la prise en otage de son personnel, du 4 novembre 1979 au 20 janvier 1980, soit 444 jours et la rupture des relations diplomatiques entre les deux pays décidée par Jimmy Carter. L’Iran a changé. Les Etats-Unis aussi.

Winner Abbecy

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