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Etat de la Nation : Décryptage du discours de Talon

Publié le lundi 30 decembre 2019  |  Matin libre
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© Présidence par DR
Visite de SEM Patrice Talon et de M. Tony Elumelu au siège de Sèmè-City
Lundi 17 juin 2019. Bénin. Le patron du groupe United Bank for Africa (UBA) et SEM Patrice Talon étaient au siège de Sèmè-City.
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Conformément aux dispositions de la l’article 72 de la Constitution, le chef de l’Etat a prononcé, vendredi 27 décembre 2019, devant la représentation nationale, son discours sur l’état de la nation. Occasion solennelle où le président fait le point des réalisations de son gouvernement, Patrice Talon est aussi revenu sur les événements qui ont agité le pays lors des dernières élections législatives. Pour le chef de l’Etat, les violences post-électorales sont la conséquence des incompréhensions nées de la volonté de son gouvernement d’améliorer les pratiques politiques partisanes. Aussi, le dialogue politique qui en a résulté a trouvé des solutions dont la mise en œuvre implique la révision de la Constitution. D’un autre côté, la situation de l’école béninoise caractérisée par un manque criard d’enseignants depuis la rentrée a été abordée. Mais contrairement à ce qui s’observe sur le terrain et rapporté par plusieurs médias, Patrice Talon trouve qu’au primaire, le déficit d’enseignants est résorbé tandis que l’on se rapproche de cet idéal dans le secondaire. Décryptage de ces deux points…


La révision de la Constitution, une suite logique du dialogue politique



Le chef de l’Etat n’est pas de l’avis de ceux qui pensent que comme les élections législatives, le dialogue politique a été tout aussi exclusif. « Cette initiative a permis aux acteurs politiques de tous bords de se parler en toute responsabilité (…) », a-t-il laissé entendre. Quand on sait que ni Boni Yayi, Nicéphore Soglo, Candide Azanaï, encore moins Eric Houndété et les autres leaders de l’Opposition radicale n’ont été conviés à ces échanges, le groupe de mots : « aux acteurs politiques de tous bords », pose problème. Certes, on peut comprendre que le gouvernement reste dans sa logique de ne discuter qu’avec les leaders des partis qui ont accepté de se soumettre aux nouvelles lois électorales. Seulement, les populations qui sont descendues dans les rues le jour du scrutin, puis les 1er et 02 mais à Cotonou et dans d’autres localités du pays l’ont fait pour protester contre l’exclusion des partis politiques traditionnels comme les Fcbe, la Rb, Restaurer l’espoir, Usl qui incarnent aujourd’hui l’Opposition. Dans ces conditions, un dialogue sans ces partis ne saurait être vu comme une assise ayant réuni les acteurs politiques de tous bord, encore moins comme une solution à la crise. La preuve, la crise perdure.

On soupçonnait que le dialogue politique avait comme objectif caché la révision de la Constitution. Le chef de l’Etat l’a confirmé. Se félicitant du rôle joué par son gouvernement et aussi par le Parlement dans la résolution de la crise politique née du vote de lois crisogènes, Patrice Talon a dit : « Il s’agit aussi et surtout de la loi portant révision de la Constitution du 11 décembre 1990, rendue nécessaire par la mise en œuvre de certaines recommandations consensuelles du Dialogue politique, notamment l’alignement des mandats électifs pour favoriser l’organisation des élections générales à échéance régulière, ainsi qu’une meilleure représentation du peuple par les femmes. ». Ainsi donc, la révision de la loi fondamentale intervenue en procédure d’urgence dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre 2019 est devenue la condition à la mise en œuvre de certaines recommandations du dialogue politique. Cela sous-entend qu’elle n’est pas une initiative du chef de l’Etat. Quand on sait qu’un projet de révision de la Loi fondamentale porté par le gouvernement et ses soutiens au Parlement a échoué par deux fois sous la 7e législature, pourquoi attribue-t-on la paternité de celle-ci au dialogue politique ? Un dialogue politique auquel tous les acteurs politiques ne sont pas conviés formule des recommandations qui aboutissent à la révision de la Constitution par un Parlement issu d’élections auxquelles tous les acteurs politiques n’ont pas pris part. Conséquence, comme les législatives et le dialogue politique, la révision est tout aussi exclusive.
Déficit d’enseignants, le satisfécit de Talon contraste avec la réalité



Il était aussi attendu sur la situation de l’école béninoise. Là au moins, on espérait que le chef de l’Etat allait faire un diagnostic exact de ce que vivent écoliers et leurs parents en matière de manque d’enseignants. Malheureusement là encore, comme dans la plupart des secteurs, Patrice Talon s’est lancé dans une autosatisfaction qui laisse penser qu’il n’a pas pris la mesure de la situation. Faisant le point des actions du gouvernement pour venir à bout du phénomène, le chef de l’Etat s’est exprimé en ces termes : « De fait, pour la première fois depuis au moins deux décennies, notre pays a résorbé le déficit d’enseignants dans le primaire, et se rapproche plus que jamais de cet idéal au secondaire. Le tout, afin de donner un sens au concept « une classe, un enseignant ». Si on s’en tient à ces propos, le déficit d’enseignants est résorbé au primaire et le gouvernement tend vers cet idéal dans le secondaire. Un tour dans les écoles primaires sur toute l’étendue du territoire national aujourd’hui, pourrait-on constater qu’il n’y a plus de classes sans enseignants ? Ce n’est certainement pas cette réalité que vivent les parents d’élèves aussi bien au primaire qu’au secondaire. Que fait-on des effectifs pléthoriques dans les classes, conséquences de la suppression de nombreux groupes pédagogiques ? Dans le secondaire, la situation est encore pire. Il y a quelques jours un média de la place a attiré l’attention sur le Ceg Nassoukou à Kouandé qui n’a que deux enseignants depuis la rentrée. Sur quatre groupes pédagogiques, cet établissement n’a qu’un enseignant d’histoire-Géographie et un de Science de la Vie et de la Terre (Svt). Le satisfécit du chef de l’Etat contraste également avec la réalité telle que décrite par l’Union nationale des associations des parents d’élèves et étudiants (Unapeeb) qui a fait un rapport détaillé sur le manque d’enseignants dans les collèges. Quand le gouvernement même décide de faire recours à des enseignants d’histoire-géographie pour enseigner le français, des enseignants de Svt pour les mathématiques, comment peut-on dire qu’on tend vers l’idéal au secondaire ? Que des choses se font pour améliorer la situation est une évidence. Mais on est loin du compte surtout avec la suspension de 192 enseignants contractuels de 2008 dans le secondaire et 113 dans le primaire. Ce qui sans doute va accroitre le déficit déjà criard.



M.M
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