Que cachent réellement les réformes annoncées par le Président OUATTARA au nom de ses pairs sur le F CFA et la naissance de l’ECO à l’occasion de la visite du Président MACRON en Côte-d’Ivoire ?
Pour mieux comprendre le débat actuellement en cours, il est important de connaitre ce qu’est la monnaie, ses mécanismes d’intervention et apprécier la pertinence des réformes annoncées par le Président OUATTARA.
1- La monnaie F CFA
Une monnaie, c’est un mécanisme et que ce soit la France ou pas, le dispositif de gestion d’une monnaie non reconnue à l’international (il n’y en a que 5 monnaies actuellement qui constitue le panier du DTS) reste le même : il faut forcément qu’elle soit adossée (soit par parité fixe ou flottante) à l’une des monnaies internationales pour pouvoir se constituer des réserves internationales.
Alors, aujourd’hui que le F CFA soit arrimé à l’Euro ou à une autre monnaie (rien n’empêche), Le F CFA de l’UMOA est en tout cas bel et bien “pris en main par la BCEAO”. Des choix ont été faits et c’est ainsi dans la conduite de toute politique monétaire. Et qui dit choix, dit avantages et inconvénients.
La question serait plutôt de se demander si le choix fait par la BCEAO sur recommandations des États est toujours opportun. Et pour ça, il faut des études d’impact. Ce qui n’est pas fait par ces auteurs d’attaque contre le F CFA mais seulement des allégations. La question se pose sur l’opportunité du maintien du choix, mais par faire croire que nous sommes toujours sous l’emprise du Colon.
Je pense que nous avons la responsabilité de nous en convaincre personnellement et de faire comprendre à la population qu’il y a deux (2) combats différents :
notre ras-le-bol à l’égard du colon qui est une lutte légitime ;
l’évolution opportune du cadre réglementaire de notre monnaie eu égard à la typologie de nos économies (plus d’importations que d’exportations) et aux réalités économiques à l’échelle mondiale, et ça, ce n’est pas la France qui nous l’a imposé.
2- Réformes annoncées à Abidjan
Le 21 décembre 2019, lors de la visite du Chef de l’Etat Français en Côte-d’Ivoire, le Chef de l’Etat Ivoirien, Alassane OUATTARA, par un accord avec les autres chefs d’Etat de l’UEMOA, annonçait les réformes du franc CFA avec les trois changements majeurs suivants :
tout d’abord, le changement du nom de la monnaie du
franc CFA à l’Eco’’ ;
deuxièmement, l’arrêt de la centralisation de 50% de nos réserves de change au Trésor Français et la fermeture du compte d’opération ;
troisièmement, le retrait des représentants de la France de tous les organes de décision et de gestion de l’UEMOA.
Toutefois, pour le Président ivoirien, l’Eco gardera une parité
fixe avec l’euro, et la France jouera un rôle de garant en cas de
défaut de l’un des Etats membres.
3- Questionnements de fond, analyses et déductions évidentes
Les réformes ainsi annoncées suscitent en moi des préoccupations profondes et des déductions aussi évidentes.
3.1 Du rôle du compte d’opération au Trésor Français
Le compte d’opération a été institué par convention entre les Etats de l’UEMOA (pouvoir donné à la BCEAO) et la France, pour non seulement recevoir les réserves de change mais et surtout pour assurer la convertibilité illimité garantit par rapport à l’Euro en cas de défaillance d’un Etat membre de l’UEMOA.
Mais alors, si ce compte d’opération a été supprimé (signal fort de ce qui est qualifié de rupture avec la France et plus précisément du Trésor Français, mais pourquoi la France continue-t-elle de garantir la convertibilité de notre monnaie F CFA si tant est que le problème de révolte suscité par ce mécanisme est le dépôt de 50% des réserves des Etats de l’UEMOA au compte d’opération au Trésor Français ? que se passera-t-il en cas de défaillance d’un Etat ?
J’en déduis simplement que cette annonce est juste pour faire taire un peu les gens qui font des réseaux sociaux un champ anti-français.
3.2 Des Réserves de changes des Etats de l’UEMOA dans le compte d’opération au Trésor Français
Toutes les Banques Centrales disposent de réserves de changes. Dans le cas de la BCEAO, les 50% de ces réserves de changes sont déposés en compte d’opérations en contrepartie de la convertibilité illimitée que garantit la France par rapport à l’Euro.
Il ne s’agit pas en outre d’avoirs dormants car ce compte fait office de compte de dépôts rémunérés car trimestriellement, des intérêts y sont versés par le Trésor français. Mieux, en dépit des conditions de marché défavorables relevées ces dernières années, la BCEAO a négocié un taux planché en deçà duquel les avoirs déposés en compte d’opérations ne peuvent être rémunérés quelle que soient les conditions sur le marché.
La question qui se pose aujourd’hui avec l’annonce des réformes, est de savoir si lesdites Réserves de change peuvent être rapatriées à la BCEAO ou dans les Etats de l’UEMOA ?
A mon humble avis, les réserves de change ne peuvent jamais être rapatriées dans nos pays et plus précisément à la BCEAO, car leur contrepartie est déjà éjectée dans les billets en circulation dans l’espace monétaire UMOA. Que ce soit la France ou non, on doit les constituer dans les monnaies internationales auprès d’autres institutions internationales (Banques Centrales, la Banque de Règlement International ou le FMI, etc.). Il s’en suit donc que les réserves de change doivent être simplement déplacées juste de la France vers d’autres correspondants. C’est pourquoi dire que les Réserves de change seront rapatriées dans nos pays où à la BCEAO est inexact et ne reflète pas la réalité.
4- Du retrait de la représentativité de la France dans les instances de la BCEAO
Depuis la réforme institutionnelle de 2008 à la BCEAO qui a consacré la suppression des concours directs aux États de l’UEMOA, conformément aux standards internationaux sous l’égide du Fonds Monétaire International (FMI) et la décision de bannir les droits de véto, il est aisé de déduire que la réforme annoncée est simplement symbolique.
Retirer donc la représentativité de la France dans les Instances n’est que de la cosmétique car depuis la réforme institutionnelle de l’UMOA de 2010, la présence de la France dans le Conseil d’Administration de la BCEAO ainsi que dans le Comité de Politique Monétaire étaient sans enjeux, car ces Représentants n’avaient plus de droit de véto.