Le Président sénégalais Macky Sall devait se moquer secrètement de son homologue béninois le week-end dernier. Lors de sa visite au Business Promotion Center de Porto-Novo, une visite censée représenter une phase importante de son périple sur nos terres, il a eu droit à un auditoire pour le moins squelettique. Alors qu’on s’attendait à voir des chefs d’entreprises ou de futurs capitaines d’industrie venus accueillir un chef d’Etat étranger susceptible de leur ouvrir d’autres horizons, c’est à un auditoire pour le moins particulier que les invités ont eu droit. Quelques femmes du marché, beaucoup de petits enfants en divagation, et de rares curieux. Il est loin le temps où les microcrédits aux plus pauvres pouvaient faire mobiliser en un éclair des milliers de femmes. Comme est loin le temps où des promesses d’argent faisaient bouger les femmes de la capitale désireuses d’acquérir ou de renouveler leurs microcrédits. Elles accouraient dès qu’elles avaient entendu le nom du Chef de l’Etat. Ce temps est bien fini.
On se rappelle Sofiath Onifadé ou encore Reckya Madougou qui faisaient déplacer des foules pour venir accueillir les chefs d’Etat étrangers ou le président de la république lui-même. Maintenant par contre…
Cette difficulté de mobilisation se remarque également au sein de la famille politique du Chef de l’Etat. La mouvance présidentielle n’a plus sa force de mobilisation de 2011>
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Et le ramollissement de ce vaste mouvement qui contrôle les trois quart de nos mairies s’est fait remarquer ce week-end avec une grave acuité. Lors de la tournée de sensibilisation des ministres Martial Sounton, Aké Natondé et Christian Sossouhounto dans le Zou, tout œil avisé eût vu que les « foules » que « déplaçaient » les trois hommes n’était pas grand-chose. Ce que j’ai vu, ce sont des salles clairsemées aux antipodes des foules hurlantes qu’il nous a été habitué de voir. Qu’est-ce qui donc peut expliquer cette situation ?
L’explication la plus immédiate est celle du tarissement des ressources servant à acheter la participation d’hommes et de femmes qui, bien qu’ayant leurs affaires à gérer, les délaissent pourtant pour s’occuper de la personne présidentielle. S’il y a de l’argent, on peut acheter au Bénin tout type de mobilisation destiné à faire foule. Depuis 2006, la participation des populations à la vie politique s’est muée en une marchandise vendue sur les étals de Dantokpa. Tout le monde a vu comment s’est opérée cette mutation réellement hallucinante de notre vie politique. On peut se tromper facilement en voyant les foules qui viennent acclamer un leader ou qui s’alignent pour marcher pour les causes plus ou moins farfelues qu’il soutient. L’essentiel est de payer. Dieu seul peut savoir quand les Béninois sortiront un jour de cette aliénation dangereuse.
Derrière cette difficulté à mobiliser subsistent certainement les signes d’un déclin de la mouvance présidentielle elle-même. Boni Yayi entame lentement et définitivement la dernière phase de son dernier mandat. Ceux qui, il y a encore quelques mois, espéraient autour de lui qu’il maintienne l’ambigüité nécessaire à son maintien au-delà de 2016 ont compris. Ils ont compris que même s’il jouait de toutes les fourberies imaginables et inimaginables pour se maintenir en 2016, son échec est garanti. Et que surtout, chacun a le devoir, à partir de cette base fondamentale, de penser à son propre avenir. Le manque d’imagination est l’autre nom du suicide en politique. La recherche d’un point de chute anime les grands ténors de la mouvance qui savent pertinemment que le yayisme prendra fin avec Yayi. Ceci explique donc cela. Même si un certain engouement s’observe encore dans certains cas, ce sont ceux qui demandent à « manger ». Ils veulent une place ou consolider ce qu’ils ont avant le grand soir qui s’annonce.
C’est le danger des systèmes politiques qui ont été bâtis sur le vide idéologique : ils ne durent que le temps d’un feu de paille. Le yayisme qui a survécu comme un bric-à-brac tombé des nuages en 2006 ne laissera pas un impact positif durable sur les mœurs et les idées, même s’il est resté une redoutable machine à gagner les élections.
Enfin, et c’est ce qu’il faut craindre de tous les déboires, la faiblesse de la mobilisation au sein de la mouvance trahit une certaine débandade. Déjà, certaines mauvaises langues disent que quinze députés de la mouvance seraient sur le départ. A ce train, la majorité parlementaire pourrait voler en éclats avant la fin du mandat.