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Dr Mama Sambo, Président de l’APESS Bénin sur la transhumance : « Chaque pays doit pouvoir définir la capacité de charge qu’il peut accueillir »

Publié le mercredi 8 janvier 2020  |  Fraternité
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© aCotonou.com par DR
Dr Mama Sambo, Président de l’APESS Bénin sur la transhumance
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La saison 2019-2020 de la transhumance transfrontalière n’aura duré que 11 jours. A travers un arrêté interministériel, le Gouvernement a procédé le 26 décembre 2019 à son interdiction. Les éleveurs sortent de leur silence. Invité sur la télévision BB24 de l’Ortb, le dimanche dernier, Dr Adamou Mama-Sambo, Président de l’Association pour la promotion de l’élevage au Sahel et en Savane pour le Bénin (APESS Bénin) analyse la mesure et parle des défis à relever.
Le Bénin a interdit la transhumance transfrontalière. Quelles sont vos premières impressions ?
Cela a duré 11 jours comme vous le dites parce qu’au prime abord il y a eu l’arrêté interministériel qui comme chaque année organise et règlemente le déroulement de la campagne. Elle est supposée se dérouler du 15 décembre 2019 au 31 mai 2020. Mais le 26 décembre dernier, il y a eu cette décision qui par un autre arrêté interdit le déroulement de la transhumance transfrontalière. Cette précision est de taille. A mon entendement, la transhumance nationale va se dérouler suivant les modalités retenues et qui ont été précisées par une autre décision du Conseil des ministres qui limite le Bénin en deux zones. Une zone part du Nord de Dassa jusqu’à la côte où tous les animaux qui résident dans ce terroir pourront mouvoir dans cet espace. Une deuxième zone part du Nord de Dassa jusqu’au niveau de Malanville, les frontières du Nigéria, du Niger, du Burkina et du Togo. C’est l’entrée des animaux venant de l’extérieur de notre pays qui est interdite, à mon entendement.

Mais pourquoi faut-il interdire l’entrée sur le territoire national ?
Actuellement au niveau de l’Afrique de l’Ouest en général, on est confronté à beaucoup de problèmes d’insécurité, de pressions des fois endogènes. Les gouvernants s’interrogent sur les dispositions à prendre et l’efficacité des mesures. Je me dis que la plupart des gouvernants de nos jours essaient d’abord de se rétracter sur eux-mêmes pour certainement trouver d’autres solutions avant d’ouvrir les frontières comme c’est le cas du Nigéria voisin qui seul sait pourquoi il a pris une mesure pareille. Donc au niveau du Bénin, étant légalistes nous constatons que la décision a été prise et on s’organise au niveau des éleveurs pour voir comment nous comporter et surtout voir comment discuter avec nos frères des pays voisins. Même nous Béninois, nous avons des animaux qui se trouvent actuellement au Togo, au Nigéria et qui doivent revenir. Il faut beaucoup de tacts entre acteurs pour traverser cette période.

C’est quoi en réalité la transhumance ?
C’est un élevage pastoral, le pastoralisme. C’est un élevage extensif dont le fondement est la valorisation des ressources naturelles. Les animaux vont au pâturage et reviennent. La mobilité est un élément fondamental et intrinsèque au pastoralisme. On parle de transhumance quand de façon saisonnière, les animaux se déplacent en quête d’eau et de pâturage pour quitter une zone A pour une zone B. Cette transhumance peut être interne, donc c’est une transhumance nationale comme elle peut-être transfrontalière donc régit par une décision de la Cedeao qui permet la libre circulation des personnes et des animaux sur tout l’espace des pays de la Cedeao.

Il y a donc la transhumance nationale et sous régionale. Est-ce qu’il y a des spécificités qui les différencient ?
La seule spécificité est que les animaux quittent un Etat pour un autre quand on parle de transhumance transfrontalière. Il y a des axes qui ont été définis au niveau de la Cedeao, notamment trois grands axes qui permettent aux pays du Sahel que leurs animaux pendant la pression puissent se déplacer puisqu’ils n’ont plus d’eau et de ressources pendant la période. Il faudrait faire comprendre à ceux qui sont proches du Sud et qui ne sont pas trop proches de l’élevage de prendre l’exemple de l’inondation. Quand il y a l’inondation, on ne demande pas à quelqu’un de rester parce que c’est une question de vie ou de mort. Pendant la période de grande transhumance, c’est ce phénomène qui se déroule. C’est social, économique et c’est un élément fondamental pour l’intégration régional. Mais aujourd’hui, il y a la question de l’insécurité qui est là et entre les Etats aussi, la confiance est un peu rompue.

Intéressons-nous au volet économique. Quels sont les secteurs qui connaissent un boom quand la transhumance démarre ?
D’abord, c’est au niveau des communes que cela se ressent le plus. Quand c’était autorisé, il y avait des taxes à payer. Au prime abord, c’était les communes qui les recevaient. Depuis 2 ans, c’est réglementé de telles sortes que c’est au niveau des recettes perceptions que les taxes doivent être payées. On a toujours des soucis sur comment articuler ce qui est payé par les transhumants, qui ne sont pas récalcitrants par rapports au fait qu’il faut payer ces droits de passage et d’utilisations de ressources. Il y a également les marchés à bétails. Si vous prenez la chaîne de commerce, les pays du sahel sont pourvoyeurs d’animaux pour les pays côtiers. C’est du troc. On n’évalue pas tout ça pour montrer l’apport réel de ces échanges.

Qu’est-ce que les pays d’accueil ont-il à gagner ?
C’est d’abord social. Ensuite, nous sommes dans des pays où nous sommes mieux desservis par la nature. Nous avons des ressources naturelles, de l’eau. Quand ils viennent, ils ne se déplacent pas avec des ressources vivrières. Tout au long de leur parcours, ils consomment et achètent au niveau local. Le deuxième élément, pendant la venue des transhumants, par rapport à la vente des médicaments vétérinaires, pendant la période le chiffre d’affaires augmente. C’est petit par rapport au Mali qui a 10 millions de tête de bovins ou au Nigeria où on parle de la trentaine de millions. Nous sommes un petit pays mais la nature nous a dotés de ressources. Vous prenez la vallée de l’Ouémé, c’est la deuxième la plus riche d’Afrique. Pendant la période de transhumance, alors que tout est sec ailleurs, c’est une zone qui est riche. Le passage des animaux même au niveau national permet de régénérer cet espace. En termes de ressources pastorales, chaque pays doit pouvoir définir la capacité de charge qu’il peut accueillir. C’est le travail à faire normalement et dire que si nous prenons le Zou ou l’Ouémé, ils ne peuvent accueillir que tel nombre d’animaux, même par rapport aux transhumants venants d’autres régions du Bénin. C’est vrai que les chercheurs sont là mais il faut que tout ça soit centralisé pour qu’on puisse dire dans la vallée de l’Ouémé, avec les réformes par rapport au développement de la culture du riz et aux cultures de contre saison qui ne se déroulaient pas avant, il y a des zones de plus en plus occupés mais il faut des aménagements pour permettre à cet élevage pastorale de se dérouler. C’est un bien national.

Qu’est ce qui explique que malgré les dispositions prises, on en arrive à des cas d’insécurité avec les conflits ?
On prend toujours les problèmes du mauvais côté. Ce n’est pas un arrêté, ou la loi qui va permettre à une activité pastorale de se dérouler sans écueils et incidents. Il y a une anticipation, une gestion à faire par rapport à tout ça. Depuis plusieurs années, ça nous manque au niveau des pays côtiers. Au niveau du Sahel, ils ont des zones qui sont dédiés à l’élevage pastoral des zones spécifiques où la première grande activité qui doit y être menée est l’élevage. Il faut pouvoir tenir compte de ça. Nous avons connu une évolution au niveau règlementaire parce qu’il y a le code pastoral qui est une revalorisation de l’activité pastorale et devrait permettre aux décideurs de s’appuyer sur un dispositif réglementaire. Il faut qu’on aille au-delà de cette loi pour qu’à travers des décrets d’application on puisse dire par rapport à telle spécificité voilà ce qu’il faut faire. Ensuite, quand on parle de problèmes entre acteurs transhumants et agriculteurs, il faut reconnaître que ce sont des acteurs qui se côtoient mais sans réellement se connaître ou sans connaître les problèmes auxquels l’autre est confronté. Quand l’éleveur est derrière son troupeau, les animaux broutent et lui-même la tête baissée, il les suit. Pareil pour l’agriculteur qui est concentré sur sa roue et ne s’occupe pas de son voisin l’éleveur. Ces deux systèmes sont appelés à cohabiter et se soutenir. Il y a la possibilité de permettre qu’après les récoltes les animaux puissent entrer pour brouter. En termes d’apport au niveau du sol et autres, les agriculteurs savent la valeur que cela leur rapporte. On a des efforts à faire. Chacun reste dans son coin comme nos Etats restent dans leurs coins pour trouver des solutions pour parer à une situation.

Quels sont vos vœux si le Gouvernement prenait une nouvelle décision pour faire démarrer la campagne ?
Mon vœu est qu’il y ait une transhumance apaisée. Il faudrait qu’on continue à les sensibiliser les acteurs. Nous nous le faisons mais il faut qu’on puisse poursuivre. Il faut que au niveau de l’Etat central, en termes d’investissements pour le pastoralisme, pour l’aménagement des aires de pâturages et des couloirs de passage et les infrastructures en hydrauliques pastorales, il y ait des efforts dans ce sens, des efforts financiers et que les acteurs puissent accompagner en termes de dialogue à travers un changement de mentalités et de comportements pour faire évoluer notre élevage et l’adapter aux réalités actuelles du monde avec le poids démographique et la pression sur le foncier.
Transcription : Fulbert ADJIMEHOSSOU
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