Juriste de formation, passionnée de la culture et de l’écriture, Micheline Adjovi est un défenseur du Vodoun. Elle y a consacré son dernier ouvrage et ne rate la moindre occasion pour dire tout le bien dont regorge le Vodoun.
La Nation : Vous avez à votre actif plusieurs titres dont le plus récent est ‘Vodoun, la forteresse d’espérance’’, paru aux éditions Dagan l’année dernière. A quoi renvoie un tel titre ?
Micheline Adjovi : Vodoun, la forteresse d’espérance tire sa substance des résultats de recherches que j’ai volontairement entreprises en vue de mieux comprendre la spiritualité africaine et celle du groupe communautaire auquel j’appartiens. De mes investigations, je suis arrivée à la conclusion toute simple que l’Africain, le Béninois en particulier, a de profondes raisons de garder espoir en l’avenir s’il s’approprie et assume sa spiritualité originelle, vaste territoire illimité de sciences et de connaissances.
Quel sens donnez-vous au Vodoun ?
Le Vodou est Esprit. Il est l’unique source de vie. Par son omniprésence, il remplit tout l’univers invisible et visible et se manifeste sous différentes formes. D’où la pléiade de Vodoun dont la reconnaissance, l’invocation et l’adoration ont engendré des us et coutumes, la religion ancestrale, une civilisation. Selon la culture, un nom est attribué à chacune des manifestations du Vodoun primordial.
On dirait que pour vous, tout est beau dans l’univers Vodoun. Pourtant, dans la réalité, il est redouté par certains !
Pour celui qui ne voit que la beauté, seule la beauté existe. Le Vodoun est lumière. C’est pourquoi il est Yêhwé, c’est-à-dire pur et saint. Tout ce que l’esprit a créé est bon, très bon même. Vodoun est une force au service de l’homme. Seulement face aux enjeux existentiels, c’est le cœur de l’homme qu’il faut questionner. En la matière, il n’y a pas meilleurs patriotes que les adeptes Vodoun. Il est rare de voir un adepte ou un prêtre Vodoun, digne de ce nom, se compromettre jusqu’à tuer son prochain, image du Vodoun, ou comploter contre son pays. Le monde Vodoun est une forteresse d’espérance où des solutions existent pour toutes situations, aussi délicates qu’elles puissent paraître. La cosmogonie Vodoun est entièrement au service de l’homme pour sa liberté, son épanouissement et son progrès.
De l’identification d’un néophyte étudiant jusqu’à sa consécration en passant par son enlèvement et les conditions de son initiation au couvent, n’êtes-vous pas allée trop loin dans la trame de votre roman ? Ou bien est-ce de votre propre histoire qu’il est question à travers l’héroïne, Doudédji ?
Profonde serait ma joie si c’était moi Doudédji. En fait, la trame du roman Vodoun, la forteresse d’espérance est une fiction inspirée d’un cas réel dont j’ai été témoin dans ma ville natale, Ouidah.
Etre adepte Vodoun ne constitue-t-il pas un frein pour les études ?
Je pense qu’il n’y a aucune incompatibilité entre la scolarité et la spiritualité. D’ailleurs, la meilleure combinaison, c’est lorsque le savoir s’allie harmonieusement avec la connaissance. En réalité, les chercheurs découvrent des lois et principes qui existent déjà dans le monde spirituel et dont l’élaboration scientifique permet à la technique de l’appliquer pour l’évolution de l’humanité. C’est pourquoi les inventeurs sont souvent de nouveaux ou d’anciens initiés qui reviennent réaliser dans la matière tout ce qu’ils ont déjà connu dans le plan spirituel. Si ces phénomènes n’existaient pas déjà dans le monde spirituel, il n’y aurait aucun moyen de découvrir quoi que ce soit dans le plan physique. Ce qui veut dire qu’il y a encore beaucoup à découvrir et à expérimenter. Les pays africains dont le Bénin ne pourront être au rendez-vous de la marche de l’humanité que s’ils se décident à financer eux-mêmes l’éducation en y apportant de profondes réformes et cesser de tendre la main à l’étranger. Selon un adage: «qui apporte la farine de maïs a le pouvoir de décision sur la pâte. »
A l’heure de la modernité, pourrait-on dire que le Vodou est à l’abri de menaces ?
Pas du tout. Savez-vous que l’algèbre de Boole dont est issue la science informatique a été inspirée du système binaire Ifa ?
Si c’est la science et la technique qui font bouger le monde il est indéniable que là où se trouve le progrès, il y a absolument Vodou en avant-garde. En fait, l’Africain a perdu la boussole pour avoir été contraint de lâcher le fil de l’histoire. Vodoun est la puissance de l’Afrique. Le Pape Benoît XVI disait ici au Bénin en novembre 2011, je cite : « J’ai l’intime conviction que l’Afrique est une terre d’espérance. J’en ai parlé d’ailleurs plusieurs fois déjà. D’authentiques valeurs capables d’instruire le monde, se trouvent ici et ne demandent qu’à s’épanouir avec l’aide de Dieu et la détermination des Africains. Afrique, lève-toi ! »
Face à la profondeur et à la densité de cette exhortation, depuis lors, qu’attendent les Etats africains pour créer de cadres novateurs d’investigations aux enfants passionnés de recherche et de science ? La créativité, la proactivité et l’efficacité ne viennent pas du néant. Il faut la motivation pour stimuler l’engouement de la jeunesse engagée.
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Au-delà de la motivation, il faut de l’audace pour écrire un roman de ce genre surtout que vous êtes une femme !
Qui d’autre que la femme est investie de recevoir, de couver et de transmettre la vie ? La mission primordiale de la mère n’est-elle pas la transmission des valeurs? C’est son domaine de prédilection. Elle s’y plait comme le poisson dans l’eau. La femme est la mère de l’humanité qu’elle est appelée à éduquer. C’est entre autres pourquoi, et avec raison, la femme a une propension naturelle de se diriger vers l’éducation dans toute sa plénitude.
Quel impact le Vodoun peut-il avoir sur le développement du Bénin et de l’Afrique en général ?
Le pouvoir réel de chaque peuple se trouve dans sa spiritualité originelle. Avez-vous jamais vu un arbre grandir, résister aux intempéries et porter de fruits sans ses racines ? Continuer d’ignorer nos authentiques racines spirituelles, c’est choisir de se maintenir dans la fragilité et la précarité. Alors que le Vodoun constitue une source inépuisable de richesses. Il suffira de revendiquer et d’assumer l’héritage spirituel en créant des évènements attractifs et des manifestations culturelles d’envergure en des périodes régulières de l’année. C’est une question de souveraineté.
Il suffira de revendiquer et d’assumer l’héritage spirituel en créant des évènements attractifs et des manifestations culturelles d’envergure en des périodes régulières de l’année. Il s’agit là de l’économie culturelle ou du tourisme religieux.
Quant au domaine de l’éducation, faire des réformes appropriées et créer des centres de recherches et d’expérimentations aux étudiants et professeurs chercheurs.
C’est une question de souveraineté.