Cotonou - Les 41 employés de la radio privée Soleil FM qui émettait au Bénin et appartient à l’opposant Sébastien Ajavon, suspendue par les autorités audiovisuelles en décembre, ont été tous licenciés, a appris l’AFP mercredi.
"Nous sommes en cessation d’activités puisque la radio est suspendue
jusqu’à nouvel ordre par la Haute autorité de l’audiovisuel et de la
communication", la HAAC, a confié à l’AFP, Virgile Ahouansè, journaliste
politique et délégué du personnel, qui a reçu sa lettre de licenciement mardi.
Il s’est dit "désolé que l’instance investie par la constitution pour protéger la liberté de presse en arrive à une solution aussi radicale qui ne tient pas compte du droit à l’information des Béninois".
A la mi-décembre, la radio, une des rares d’opposition au Bénin, avait reçu
un courrier du président de la HAAC lui ordonnant de "suspendre les émissions
jusqu’à nouvel ordre".
"Notre convention est arrivée à expiration. Nous avons introduit la demande
de renouvellement dans le délai requis, mais la demande n’a pas abouti", avait
expliqué le rédacteur-en-chef de la station, Saturnin Djossou.
"C’est un véritable recul en matière de liberté d’expression dans notre pays", regrette Franck Oké, juriste habitué des débats politiques sur la radio, interrogé par l’AFP.
"Une voix importante s’est éteinte. Il y a une volonté de ne plus voir Soleil FM exister au Bénin, une des rares voix dissidentes dans l’espace audiovisuel béninois", a-t-il poursuivi.
De nombreux auditeurs sur les réseaux sociaux ont déploré "la fin tragique
d’une radio qui apportait beaucoup de contradictions dans le débat politique".
Pour Zakiath Latoundi, présidente de l’Union des professionnels des médias
du Bénin, c’est "un espace de liberté fermé et un drame social pour le
personnel".
Le 28 novembre 2016, Soleil FM avait déjà été suspendue avant d’être
autorisée à émettre à nouveau trois mois plus tard.
Depuis le mois d’octobre 2017, les fréquences de la radio étaient néanmois
perturbées.
Candidat à la présidentielle de 2016, Sébastien Ajavon était arrivé troisième, avant de se rallier à l’actuel président Patrice Talon. Mais les relations entre les deux hommes se sont vite dégradées, Sébastien Ajavon ayant été visé par la justice dans plusieurs affaires. Il vit actuellement en exil en France.
Plus largement, les médias béninois connaissent une situation difficile sous la présidence de Patrice Talon, élu en avril 2016.
Dix-sept journalistes, blogueurs et opposants ont été poursuivis en moins
de deux ans pour "désinformation" et un journaliste d’investigation a été
récemment condamné à 18 mois de prison ferme pour avoir relayé des propos
critiques contre le gouvernement sur Twitter.
Dans un communiqué publié cette semaine, Amnesty International dénonce le
"climat de censure et de peur qui règne" au sein de la presse béninoise.
L’ONG met en cause la nouvelle loi Code du numérique du 20 avril 2018, qui
"criminalise la publication de fausses informations et les délits de presse en
ligne", mais peut être utilisée en vue de "harceler et menacer ceux qui
expriment des opinions divergentes", met en garde François Patuel, chercheur
sur l’Afrique de l’Ouest à Amnesty International.