Face à la polémique qui enfle sur la non-validation des diplômes de Licence et de Master de certaines universités privées, David Azocli, directeur des Etablissements privés de l’Enseignement supérieur, explique la situation et situe les responsabilités. Si les responsables d’établissements supérieurs privés ne sont pas à jour, ce sont les étudiants eux-mêmes qui se livrent à des pratiques malsaines qui entachent la crédibilité de leur cursus universitaire.
Par Alain ALLABI
Valérie A. est titulaire d’une Licence en journalisme délivrée par une école supérieure privée. Mais elle n’a pu être admise à passer le test de recrutement dans la fonction publique à cause de la non-reconnaissance de son diplôme délivré par son école de formation non-autorisée à dispenser les formations en Licence dans cette filière.
Comme Valérie A., ils sont des milliers d’apprenants grugés par certains promoteurs d’établissements supérieurs privés qui proposent à grands renforts de publicités des formations pour lesquelles ils n’ont pas reçu d’autorisation. Conséquence : les titres ne sont pas valables.
C’est pour mettre fin à cet état de choses et reconnaître les diplômes post-BTS que le gouvernement et le ministère de l’Enseignement supérieur ont pris un décret et des arrêtés. Ces textes portent des réformes pour mettre de l’ordre dans la délivrance des Licences et Masters par les universités privées. Il s’agit du décret n°2010-297 du 11 juin 2010 portant conditions de reconnaissance des diplômes délivrés par les établissements privés d’enseignement supérieur pour lesquels l’Etat n’organise pas d’examen national et de trois autres arrêtés.
Griefs aux établissements privés
A la lumière des textes réglementant la délivrance des diplômes par le secteur de l’enseignement supérieur privé, plusieurs reproches sont faits aux établissements en question et tirent leur origine de la volonté de ne pas se conformer aux réformes entreprises par le ministère d’Etat chargé de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique.
En effet, il existe des établissements qui vont au-delà du niveau pour lequel ils sont autorisés. Ainsi, au lieu de s’arrêter au niveau BTS, ils vont jusqu’à délivrer la Licence et même le Master.
Ce faisant, ils passent outre leur champ d’action et font perdre aux populations qui leur font confiance leurs maigres ressources. Car, les Licences et Masters obtenus dans ces conditions qu’on connaît ne sont pas reconnus comme valables.
En dehors du cas évoqué où l’établissement n’est pas habilité à ouvrir telle ou telle autre filière en Licence et en Master, on note également d’autres pratiques. Ces dernières sont liées au non-respect du principe d’homologation des programmes.
En effet, après la signature du décret n°2010-297 du 11 juin 2010 portant conditions de reconnaissance des diplômes délivrés par les établissements privés d’Enseignement supérieur pour lesquels l’Etat n’organise pas d’examen national, le ministre d’Etat chargé de l’Enseignement supérieur leur a accordé un an de moratoire pour faire homologuer leurs programmes.
Sur les 111 établissements supérieurs privés intervenant au Bénin, on constate que ce sont 70 qui font des formations en Licence et en Master. Mais parmi eux, ce sont seulement 30 qui ont pu déposer leurs programmes de formations pour homologation. Après étude de leurs dossiers, ils ont eu un avis favorable.
La part des apprenants
Selon David Azocli, directeur des Etablissements privés de l’Enseignement supérieur, le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique est prêt à tout faire pour que les diplômes obtenus dans les universités privées soient reconnus. Aussi a-t-il pris l'arrêté n°0289 du 4 avril 2011 portant attributions, organisation et fonctionnement de la Commission de validation des diplômes post-BTS délivrés par les établissements.
Cet arrêté complète le décret n°2010-297 du 11 juin 2010 portant conditions de reconnaissance des diplômes délivrés par les établissements privés d’enseignement supérieur pour lesquels l’Etat n’organise pas d’examen national. Dans la mise en œuvre des dispositions de cet arrêté, chaque requérant, qui veut faire valider sa Licence obtenue antérieurement à ces textes, doit fournir les relevés de notes des 1ère, 2e et 3e années.
Et pour le Master, il est demandé de présenter les relevés de notes des 4e et 5e années. Mais à ce niveau, on remarque beaucoup d’irrégularités. «Selon les textes, l’étudiant doit avoir un cursus régulier», mentionne-t-il en précisant que cela suppose qu’il doit avoir le Baccalauréat comme diplôme de base et faire ses années normales pour conquérir les autres diplômes qui suivent.
Mais ce n’est souvent pas le cas et à David Azocli de dire que dans cette situation de rejet de dossiers de validation de diplômes post-BTS, les apprenants ont aussi une part de responsabilité. Cet aspect de la question prend une ampleur inquiétante. «Sur 900 dossiers de reconnaissance de diplômes de Licences et Masters, nous avons eu au moins 400 déchets», se désole David Azocli. Expliquant ce qui se passe réellement dans ce cas, il fait observer que certains étudiants s’inscrivent dans un établissement A et sans solder les frais de scolarité, ou pour insuffisance de travail, ils se retrouvent dans un établissement B l’année suivante.
Dans le nouvel établissement, au lieu de reprendre l’année, ils s’arrangent pour se faire admettre en année supérieure. On se retrouve en présence de trois ou quatre différents relevés de notes qui ne garantissent aucun sérieux, ni aucune régularité.
Selon David Azocli, dans ces conditions, l’apprenant a beau soutenir même brillamment sa licence et/ou son master, on ne peut pas les lui valider. «Comment peut-on accepter cet état de choses où sur l’un des relevés, il est marqué par exemple la note 8 et il est admis en année supérieure dans un autre établissement ?» se demande le directeur des Etablissements privés supérieurs.
En outre, poursuit-il, l’autre cause de rejet des dossiers de validité, c’est l’incohérence entre les dates d’obtention du Baccalauréat et des diplômes suivants. Lors des travaux d’évaluation des dossiers de validation, on se rend compte que certains requérants sont titulaires d’un Baccalauréat plus récent que leur Licence et parfois leur Master. «Est-il possible d’avoir sa Licence ou son Master avant son Baccalauréat ? Le Baccalauréat n’est-il pas le premier diplôme universitaire ?», s’indigne David Azocli en invitant les apprenants à abandonner cette option qui ne les arrange point. Ces cas, explique-t-il, se rapportent aux étudiants qui ne parviennent pas à obtenir le Baccalauréat à temps.
Dès lors, ils convainquent leurs parents ou tuteurs de les inscrire en première année. Et l’expression pour désigner cette pratique, c’est «l’inscription sous réserve du Bac». C’est dans les établissements supérieurs privés que cela se passe et jamais dans le secteur public, note-t-il. Dans les universités publiques, il n’est pas possible de s’inscrire sans avoir le Bac, se félicite-t-il, en indiquant que le secteur privé de l’enseignement supérieur a vraiment besoin d’être assaini.
Les conditions de la co-signature des diplômes
Les réformes ne se limitent pas à l’assainissement du processus de délivrance des diplômes concernés. Elles touchent également leur signature. Désormais, précise David Azocli, les diplômes de Licence et de Master des établissements ne devront plus être signés seulement par les promoteurs. Ils devront porter les signatures du promoteur et du ministre de l’Enseignement supérieur.
«C’est ce qu’on appelle la co-signature», explique David Azocli. Et les conditions, mentionne-t-il, sont l’autorisation de l’établissement, l’avis favorable de l’inspection, l’autorisation des filières, l’homologation des programmes de formation et la régularité du cursus de l’étudiant. Sans la co-signature, les titres ne seront pas reconnus. Et elle n’est pas une invention du Bénin. C’est une exigence du Conseil africain et malgache pour l’Enseignement supérieur (CAMES).
Les textes portant les réformes
Pour mettre fin au désordre dans l’enseignement supérieur privé, le ministre François Abiola a saisi le gouvernement qui a pris le décret n°2010-297 du 11 juin 2010 portant conditions de reconnaissance des diplômes délivrés par les établissements privés d’enseignement supérieur pour lesquels l’Etat n’organise pas d’examen national.
Pour mieux appliquer ce décret, trois arrêtés ont aussi été pris. Il s’agit, précise David Azocli, des arrêtés n°0289 du 4 avril 2011 portant attributions, organisation et fonctionnement de la Commission de validation des diplômes post-BTS délivrés par les établissements ; n° 270 du 29 mars 2011 portant modalités et critères d’inspection dans les établissements privés d’enseignement supérieur au Bénin; n°145 du 2 avril 2013 portant création, attributions, organisation et fonctionnement de la Commission d’étude des dossiers de demande de co-signature des diplômes délivrés par les établissements privés d’enseignement supérieur (EPES) et pour lesquels l’Etat n’organise pas d’examen national.
Les bons réflexes des parents
Pour éviter le rejet des diplômes, les parents doivent chercher à savoir si :
w l’établissement est autorisé par l’Etat béninois à exercer
w l’établissement est autorisé à donner des formations dans la filière choisie par l’enfant
w les programmes de formation sont homologués par l’Etat avant de l’être par le CAMES
w l’inspection est favorable
w l’enfant suit régulièrement les cours après l’inscription
w le diplôme sera reconnu par l’Etat béninois...