Les Béninois peuvent se faire une idée du contenu de la loi de finances exercice 2020. Le Directeur général des impôts, Nicolas Yénoussi, dans cet entretien télévisé, fait l’inventaire des nouvelles mesures fiscales contenues dans la loi.
La loi de finances 2020 comporte de nouvelles mesures fiscales et des avancées appréciables ainsi que des dispositions qui soulèvent des inquiétudes et moules appréhensions. Comment en est-on arrivé à cela et que faire pour dissiper les malentendus ?
Dg Impôts : Pendant longtemps, la douane est restée première régie financière de l’Etat béninois, mais depuis 3 ans la tendance a changé. La courbe monte au fil des années au profit de l’administration des impôts. En témoigne, le contenu des différents budgets de l’Etat.
Monsieur le Dg, quelles sont les réalisations chiffrées de la régie des impôts qui placent l’administration fiscale en tête de peloton ?
Pour répondre à votre question, il faut dire que depuis 2017 les recettes de fiscalité intérieure dépassent celles de fiscalité de porte et place la direction générale des impôts en tête de peloton. C’est une tendance normale parce que depuis les réformes communautaires et les projets de signature de partenariats économiques, il est tout à fait normal que la recette de fiscalité de porte cède la place aux recettes de fiscalité intérieure.
Au niveau de l’Uemoa, nous avons un indicateur de transition fiscale, c’est-à-dire les recettes de fiscalité intérieure devraient prendre le dessus sur les recettes de fiscalité de porte. L’indicateur recommande que les recettes de fiscalité intérieure soient égales au moins à 55 % des recettes globales. Et c’est à partir de 2017 que nous avons atteint ce critère. En 2016, nous étions autour de 381 milliards et à fin 2019, nous sommes autour de 540 milliards de francs Cfa. Cela signifie effectivement que nous avons fait beaucoup d’efforts pour accroître nos recettes. En un peu plus de 3 ans, nous avons mobilisé plus de 150 milliards de recettes supplémentaires lorsqu’on fait la comparaison depuis 2016. Tout cela a été possible globalement grâce à deux facteurs. Il y a, d’une part, l’impulsion qui a été donnée au plus haut sommet de l’Etat et le management au niveau du Ministère de l’économie et des finances à travers le ministre de l’économie et des finances. Deuxièmement, il s’agit des réformes fiscales d’une manière générale, qui ont permis d’aboutir à ce résultat.
Revenons aux mesures fiscales contenues dans le budget de l’Etat exercice 2020, quel est l’inventaire qu’on peut faire ?
Avant de revenir aux mesures fiscales, permettez-moi de faire une rectification. Lorsqu’on parle de pression fiscale sur les contribuables et les populations, cela dépend du niveau où on se trouve dans la chaîne. Il y a deux catégories de critiques que nous observons.
Il y a, d’une part, des personnes qui ne souhaitent pas que les choses changent. Il y a ces personnes qui ne veulent pas appliquer les règles qui sont édictées alors que dans d’autres pays que nous citons en exemple, que ces mêmes personnes fréquentent, elles sont obligées de respecter les règles.
Deuxièmement, il est vrai que depuis 2016, il y a eu des mesures de politique fiscale qui ont permis de créer certains nouveaux impôts. Il a y eu beaucoup plus de réformes d’administration de l’impôt. Les réformes d’administration de l’impôt sont celles qui n’aboutissent pas à la création de nouveaux impôts, mais au renforcement du dispositif qui existe pour accroître les recettes ou bien les sécuriser. Beaucoup de mesures d’élargissement de l’assiette fiscale, à commencer par ce que nous appelons le suivi des contribuables. Le suivi suppose qu’à la base nous puissions répertorier l’ensemble des contribuables que nous avons. Il fut un moment où on n’était pas capable de dire dans ce pays combien d’assujettis à la Tva il existe. Aujourd’hui, on sait combien de personnes doivent collecter et reverser à la fin de chaque mois la Tva. Au lendemain du délai de paiement, on a la possibilité de relancer ceux qui ne sont pas venus payer. Ce sont des mesures de suivi que nous avons mis en place et qui nous ont permis d’avoir des résultats. Quand on met en œuvre ces mesures et que vous êtes tranquilles par le passé et aujourd’hui, on vient vers vous, je pense que ça doit gêner.
Je suis conscient que depuis 2016, il y a eu quelques créations d’impôts. Il y a eu la taxe de développement du sport, mais qui contrairement à ce qu’on pouvait penser, a connu l’adhésion de tous les acteurs. Nous avons fait pratiquement un résultat de 100 %. On a atteint l’objectif qui était fixé. Donc, c’est un impôt qui a reçu l’adhésion des entreprises. Je ne pense pas que cela soit critiqué. Mais au-delà de tout cela, je crois que les Béninois ne sont pas hostiles au paiement des impôts pour autant. Ils veulent voir la contrepartie. Ils veulent s’assurer que les paiements qu’ils font servent à quelque chose. Et tous les jours, nous en avons la preuve aujourd’hui. C’est pour cela que les recettes augmentent. Il y a beaucoup d’acteurs qui témoignent que, avec les nombreux chantiers d’infrastructures et autres qu’ils voient, on se sent fier et on peut continuer à payer les impôts.
Dans l’inventaire des nouvelles mesures fiscales contenues dans la loi de finances, il y a certaines mesures qui font grincer les dents ?
Je commence par les mesures concernant les micros et petites entreprises. A ce niveau, la loi de finances a prévu deux choses. Premièrement, on a noté que la trésorerie des micros et petites entreprises est assez fragile et qu’il n’était pas opportun d’exiger d’elles de payer tout de suite en début d’activités, des acomptes d’impôts. Donc, désormais, toute nouvelle entreprise créée au Bénin sera dispensée du paiement des acomptes. Et c’est à la fin de l’année, sur la base de son chiffre d’affaires réel que la Taxe professionnelle synthétique sera calculée.
La seconde chose, c’est le plafonnement des acomptes pour celles qui doivent payer les acomptes. Toujours pour protéger la trésorerie de ces entreprises, le législateur fiscal a plafonné le paiement de ces acomptes au montant de l’impôt minimum. Les micros entreprises paient un minimum d’impôt de 10 000 FCfa, ce montant sera le montant de l’acompte à payer au cours de l’année et c’est seulement l’année suivante, lorsque les résultats de l’entreprise seront connus que l’impôt définitif va être calculé et il y aura une régularisation. Les petites entreprises, elles, vont continuer à payer 150 000 FCfa. Elles ne paieront pas plus de 150 000 FCfa l’année. Et c’est lorsque le résultat sera connu qu’on appliquera le taux de 2% au chiffre d’affaires pour avoir le montant réel de l’impôt. C’est une avancée. Cela nous permet de soulager cette catégorie d’entreprises qui continuent de travailler pour grandir et devenir moyennes ou grandes entreprises.
La loi de finances gestion 2020 accorde, à vous entendre, des avantages aux micros et petites entreprises. Pendant ce temps, de nouveaux impôts sont créés ; par exemple la taxe sur le matériel informatique. Pourquoi cette innovation ?
Avant de répondre à cette question, il y a une mesure fondamentale pour les entreprises nouvellement créées. C’est la suppression de ce que nous appelons la déclaration d’existence qui entraînait, à la création, une visite de terrain, une visite de site d’exploitation des entreprises par des agents des impôts. Cela est proscrit désormais. C’est totalement interdit que lorsque vous créez votre entreprise, les informations que vous communiquez au niveau de l’Apiex sont celles qui sont contenus dans votre dossier. Les services fiscaux vont travailler sur cette base.
Je rappelle que ces visites de terrain étaient critiquées par le secteur privé, et pour améliorer le climat des affaires, on a estimé qu’il était opportun de supprimer cela.
Pour revenir au matériel informatique, c’est vrai que depuis plusieurs années, nous avons exonéré d’impôts, de droit de douane et de la Tva, le matériel informatique. Cela était une exonération ad’ hoc, qui était reconduite d’année en année du fait qu’elle n’était pas en phase avec la directive de l’Uemoa sur la Tva. Les évaluateurs de la commission de l’Uemoa ont, à plusieurs reprises, rappelé au Bénin qu’il devait se conformer à la législation communautaire. Ensuite, il s’agissait d’une mesure pertinente, cependant manquait parfois d’efficacité du fait que lorsqu’on fait une comparaison avec les pays de la sous-région, le matériel informatique est vendu pratiquement au même prix dans les Etats où l’exonération n’existe pas. Les études conduites par la direction générale des affaires économiques ont montré que cette manne qui était l’exonération des droits et taxes profitait beaucoup plus aux opérateurs du secteur et ne rejaillissait pas directement sur les utilisateurs du matériel informatique. Et c’est pour cela que l’Etat a souhaité suspendre l’exonération et mettre en application les taxes pour voir les résultats que cela pourrait donner. Bien entendu, il est prévu que les impôts qui seront désormais collectés sur le matériel informatique pourront financer directement les projets de digitalisation dans le secteur de l’économie numérique.
Le Bénin a fait l’option d’être un hub du numérique dans la sous-région. Supprimer l’exonération sur le matériel informatique, c’est augmenter les coûts d’acquisition, de commercialisation du matériel informatique. Il y aura forcément une hausse. Alors, comment est-ce qu’on fait l’option d’une révolution numérique en supprimant une telle exonération ?
Je dirai d’une part, que ce n’est pas contradictoire parce que même sur le terrain, vous verrez que les populations optent beaucoup plus pour l’utilisation des Smartphones au détriment un peu des ordinateurs. C’est dire qu’avec les Smartphones, on continuera à utiliser les services innovants du numérique. J’ai dit tantôt que les recettes issues de cette taxation vont directement financer les activités du secteur numérique. Aujourd’hui, vous n’êtes pas sans savoir qu’il y a des projets déjà mis en œuvre dans ce secteur. L’année dernière, le gouvernement avait débloqué un milliard pour appuyer les start-up. Je crois qu’avec les recettes qui seront collectées cette année sur la taxation du matériel informatique, ce projet sera une réalité. Et ce n’est pas qu’un milliard. C’est plus de 5 milliards attendus. Avec ce montant, le Ministère de l’économie numérique et de la digitalisation ainsi que le Ministère de l’économie et des finances pourront travailler ensemble pour mettre en œuvre ces différents projets.
Je voudrais dire qu’en pratique, il y a eu beaucoup de cas d’évasion. On a noté, par exemple, que des personnes qui vendaient du matériel informatique sont les mêmes qui vendent des matériels électriques ou des téléphones portables. Il y a donc certains acteurs qui s’enrichissent facilement de cette exonération parce qu’ils pouvaient cacher des téléphones portables dans des unités centrales pour les faire passer.
Pour revenir aux entreprises, elles n’ont rien à craindre parce que ces taxes sont en même temps déductibles. Donc, ce n’est pas elles qui supportent directement les impôts en réalité.
La Tva étant un impôt indirect, c’est le consommateur qui la supporte. Quand les entrepreneurs se plaignent, il faut nuancer.
Est-ce qu’il est prévu que l’achat des téléphones soit exonéré ?
Je suis mal placé pour vous répondre directement parce que cela relève des questions de la législation. Les deux Ministères discutent également. On a beaucoup de projets dans le secteur du numérique. Si cela s’imposait, la direction générale des impôts ne marchandera pas son soutien à un tel projet.
Concernant la déclaration unique sur un même formulaire des impôts sur salaire et les cotisations sociales, pourquoi les cotisations sociales vont elles se retrouver dans les caisses de l’Etat ?
Effectivement, il y a eu quelques levées de bouclier, mais en réalité, c’est une très bonne mesure qui a été très bien appréciée par les acteurs : les responsables de la Caisse nationale de sécurité sociale et les patronats d’entreprises. De quoi s’agit-il ? Nous avons constaté aujourd’hui, qu’il est important de faciliter la vie aux entreprises, de leur créer des conditions idoines pour mieux remplir leurs obligations tant fiscales que sociales. Si déjà dans le pays, des entreprises sont en mesure de télé-déclarer et de télé-payer les impôts, il n’y a qu’un pas pour faire la même chose au niveau des cotisations sociales. En le faisant, nous réduisons les tracasseries aux entreprises. Nous unifions nos bases pour mieux communiquer parce que l’assiette des cotisations sociales et l’assiette des impôts sur les salaires sont les mêmes. Ensuite, il ne s’agira pas du tout de reverser ces ressources dans les caisses de l’Etat. Au cours des débats budgétaires, les députés ont soulevé cette question, et la réponse du ministre de l’économie et des finances, donc la position du gouvernement, a été claire : les ressources n’iront même pas au niveau du trésor. Les paiements vont être effectués directement sur les comptes bancaires communiqués par la Cnss. C’est vrai que ce sont les canaux de la direction générale des impôts qui vont être utilisés pour recevoir les déclarations et faire les paiements.
Concrètement, qu’est-ce que cette mesure apporte ?
Ce que cela apporte, c’est la facilité que nous offrons aujourd’hui aux entreprises de remplir leurs obligations. La mesure leur évite de payer les impôts à une échéance donnée, de retourner à un autre endroit (à la Cnss) à une autre date pour faire la queue et perdre beaucoup de temps devant les guichets. Aujourd’hui, les indicateurs Doing business tiennent compte du temps que l’entrepreneur utilise pour déclarer et payer ses impôts. Il y a quelques années, une évaluation a fait état de ce que l’entrepreneur utilise plus de 500 heures à déclarer et payer ses impôts. Donc, il importe de réduire le nombre d’échéances, d’harmoniser les délais de paiement et de rationaliser les formulaires de paiement. A partir du moment où l’assiette de la cotisation sociale et des impôts, c’est le salaire, il est plus simple d’avoir un imprimé unique sur lequel on indique le montant du salaire, le montant de l’impôt sur salaire et en même temps le montant de la cotisation sociale et on paie une seule fois. Et vous verrez dans les années à venir comment le Bénin sera apprécié sur les indicateurs Doing business.
Il faut changer pour améliorer les choses. Tout le monde sait que nous avons besoin d’améliorer nos façons d’encaisser les impôts. Nous avons besoin d’accorder plus de facilité aux entrepreneurs pour payer les impôts. Imaginez un entrepreneur qui doit payer les impôts sur les salaires le 10 du mois au niveau des services fiscaux et le 15, c’est-à-dire 5 jours après, il se pointe encore devant les guichets de la Cnss pour payer les cotisations. Et si aujourd’hui, l’administration des impôts offre la possibilité de faire les paiements en ligne, pourquoi ne pas généraliser la mesure et l’utiliser partout. Ce n’est pas que pour les indicateurs de Doing business. C’est une réforme fondamentale qui a pour but de faciliter la vie aux entreprises. Je voudrais marteler que les recettes provenant de la collecte des cotisations sociales n’ont rien à voir avec les caisses du trésor public. La direction générale de la Cnss et la Direction générale des impôts vont travailler pour mettre en place les outils nécessaires pour éviter cela, parce que cela a été une préoccupation de la Représentation nationale à laquelle le ministre de l’économie et des finances a répondu et a donné toutes les garanties nécessaires. Le trésor public n’a aucun intérêt à domicilier ces ressources sur ses comptes. Cela ne peut d’ailleurs se faire parce que la Cnss a déjà communiqué ses numéros de comptes et le système est déjà paramétré à cet effet. Vous savez également que le Patronat est représenté au niveau de la Cnss. Il veille au grain.
Il y a une question de délai que le secteur privé a posée par rapport aux paiements ?
Il n’y a pas de problème à ce niveau parce qu’en réalité, c’est lorsque l’employeur a fini de payer les salaires que la loi l’oblige à faire la retenue sur salaire. L’entrepreneur fait déjà la retenue, donc le reversement ne devra plus dépendre d’un délai, puisque ce n’est pas l’entreprise qui paie cette cotisation. C’est vrai qu’il y a une contribution de l’employeur, mais dès lors que le salaire est libéré, la retenue doit pouvoir être automatiquement reversée. Et on sait très bien qu’il y a beaucoup d’entreprises qui procèdent à la retenue, mais ne versent pas.
Autre point d’achoppement, c’est la reconduction de la suppression de la caution bancaire, lorsqu’une entreprise entre en contentieux, il est dit dans la loi de finances que cette entreprise verse 25% cash de la somme querellée et cela pose problème.
Depuis 2018, il y a eu cette mesure qui n’a pas été levée. Ce n’est pas par hasard que cette mesure a été introduite dans la loi de finances. C’est justement par rapport au constat fait au niveau de la gestion du contentieux avec certaines entreprises. Nous avons noté que beaucoup d’entreprises utilisent le contentieux fiscal tel qu’il se présentait pour gagner du temps afin de ne pas payer les impôts. Nous avons quelques exemples d’entreprises qui doivent payer des impôts qui sont bien justifiés, et il suffit, au lendemain de la réception de l’avis d’imposition, d’introduire un contentieux pour bloquer tout le processus. Nous avons estimé qu’il fallait mettre un terme à cela en instituant une caution à verser au trésor. Mais au même moment, nous avons travaillé pour accorder suffisamment de garanties aux entreprises. Deux garanties. Depuis 2017, nous avons institué à la direction générale des impôts ce que nous appelons le comité de validation des contrôles fiscaux de sorte que l’inspecteur qui va auprès d’une entreprise pour une vérification n’est plus libre pour prendre des décisions. Il y a un comité qui le suit, qui travaille avec lui, dont le but est d’améliorer la qualité des impositions, des redressements qui seront mis à la charge de l’entreprise. Cela a porté ses fruits et a permis d’éviter beaucoup de cas de contentieux. Deuxièmement, nous avons créé la commission des impôts, qui est une commission ad’ hoc de conciliation, de précontentieux. Elle est tripartite. Sont représentés au niveau de cette commission, le cabinet du ministre de l’économie et des finances, la direction générale des impôts et le secteur privé. Donc, lorsqu’une entreprise a un redressement qu’elle conteste, au lieu d’aller en contentieux et d’avoir à payer 25%, la loi lui donne la possibilité de saisir la commission de conciliation. Cette commission travaille depuis très longtemps avec les représentants du secteur privé et a de très bons résultats.
Cependant, nous n’avons pas fermé la porte, nous continuons de discuter avec le secteur privé sur le sujet. Cette année également, dans le cadre de la vulgarisation des mesures contenues dans la loi de finances, nous avons prévu de discuter avec le secteur privé sur cette question pour voir quelles pourraient être les solutions à envisager pour le futur.
La taxation de la plus-value immobilière, le droit d’enregistrement est passé à 5%. Comment expliquez-vous une telle innovation?
Nous avons décidé en 2016 d’accorder une dispense de droit d’enregistrement pour permettre à ceux qui avaient des transactions qui n’avaient pas été formalisées de le faire. C’était une mesure provisoire et tout le monde le savait. Donc, on a mis fin à cette mesure.
Nous avons également estimé qu’on peut aujourd’hui taxer les plus-values immobilières.
Aujourd’hui, le foncier fait l’objet de spéculation dans notre pays. Lorsque vous achetez un immeuble à une époque donnée à un million de francs Cfa par exemple, et au bout de 5 ans, vous revendez cet immeuble à 5 millions de francs, vous avez peut-être une plus-value de 4 millions. Sur cette plus-value, l’Etat doit pouvoir prendre légitimement sa part parce que les plus-values sont dues aux investissements de l’Etat. Je voudrais prendre l’exemple du quartier les cocotiers qui s’est métamorphosé. Si aujourd’hui, les propriétaires de cette zone devraient revendre leurs immeubles, il y aurait forcément une plus-value importante. Franchement, cette plus-value n’est pas due à l’effort personnel du propriétaire, c’est dû à l’investissement que fait l’Etat. C’est normal que pour poursuivre ces investissements l’Etat puisse prendre une petite part de cette plus-value, laquelle part est fixée à 5%.
Certains ont souhaité que cela soit fixé à 3% ?
C’est possible. Nous venons de commencer. Donc, les discussions auront lieu avec tous les acteurs, le secteur privé pour que cela ne soit pas un problème. Le droit d’enregistrement était de 8% avant, aujourd’hui, on est à 5%. Je crois que tout est possible dans le dialogue. C’est ce que nous faisons aujourd’hui, nous discutons beaucoup avec le secteur privé. On va continuer à le faire.
Parlant des mesures de facilitation pour les entreprises, la loi de finances pour la gestion 2020 a prévu également que pour les impôts qui étaient autrefois payés au niveau des communes, par exemple la patente, soient payés dans un centre unique. C’est ce que nous appelons l’interlocuteur fiscal unique. Lorsque je prends une grande entreprise du Bénin, par exemple une banque qui a des agences un peu partout au Bénin ; elle était amenée par le passé à payer sa Tva, ses impôts sur les sociétés en ligne. Mais au même moment, elle est contrainte de payer sa patente à Bohicon, Natitingou, Parakou, Malanville, Lokossa, etc. L’interlocuteur fiscal unique que nous avons mis en place maintenant permettra à cette entreprise de payer tous ses impôts en ligne en une seule fois. Et il reviendra à la direction générale des impôts et au trésor de faire immédiatement la répartition au niveau de chaque commune. Il s’agit franchement d’une mesure de facilitation que nous avons introduite cette année. Pour le faire, il a fallu procéder à la simplification, dans la loi de finances, des procédures des règles de calcul de la patente.
La patente, depuis 1960, est un impôt qui est calculé par l’agent des impôts et communiqué à l’entreprise. Les impôts modernes ne doivent plus se comporter comme ça. Les impôts modernes doivent être calculés par le contribuable lui-même. Quand il sait le calculer, il y adhère mieux. Et c’est ce que nous avons fait en rendant la patente déclarative. Donc, l’entreprise déclare sa patente et procède au paiement.
La défiscalisation des équipements d’énergie solaire, à quoi est-ce que ça retourne?
Jusque-là, c’était seulement les panneaux photovoltaïques qui étaient exonérés de la Tva. Avec la loi de finances pour la gestion 2020, tous les équipements de production d’énergie solaire sont dispensés des droits de douane et de la Tva, y compris même les batteries.
Vous avez dispensé sur 3 ans les particuliers de la taxe sur les habitations familiales ?
Cette mesure a été introduite depuis plusieurs années et a été améliorée cette année. Lorsque vous venez de construire votre habitation, vous êtes dispensé d’impôt foncier durant 3 ans. La condition, c’était que vous devez produire un certain nombre de documents : le devis estimatif, le devis descriptif, … nous avons estimé que pour faire bénéficier cette mesure aux ménages, il ne fallait pas mettre trop de conditions. Donc, aujourd’hui, dès que vous finissez vos travaux ou avant la fin des travaux, vous informez les services fiscaux et automatiquement vous bénéficiez de l’exonération.
Il en est de même pour le foncier, la nouvelle loi a introduit ce que nous appelons la déclaration foncière. Ce qui signifie que, lorsque vous êtes propriétaire d’un bien foncier, vous puissiez écrire au service des impôts une simple lettre accompagnée de votre titre de propriété pour informer l’administration fiscale que cet immeuble vous appartient afin qu’on puisse vous inscrire dans les répertoires pour calculer simplement les impôts fonciers.
Est-ce que le Bénin respecte encore la norme en matière de pression fiscale ?
Lorsqu’on prend globalement le taux de pression fiscale, le Bénin est encore loin de la norme de 20%. Le taux de pression fiscale, c’est le prélèvement fiscal sur la richesse nationale, sur le Pib. Notre Pib est assez élevé aujourd’hui. Si on n’a pas encore fait 20%, cela veut dire qu’on a beaucoup de marges de progression. Et c’est ce que nous sommes en train de faire. Aujourd’hui, nous sommes encore autour de 11%. Et c’est ce qui justifie les réformes telles que la facturation électronique normalisée.
Le tollé suscité par la Tvm en 2017, quels sont les échos qui vous parviennent ?
Effectivement en 2017, il y avait ce tollé dû principalement, de mon point de vue, au fait qu’on n’avait pas compris. A cette date où les effets sont perceptibles sur le terrain, je crois que la tension a baissé de sorte que le rendement de ces impôts s’améliore d’année en année. Nous avons noté les années antérieures que nous étions submergés à l’échéance de paiement de cet impôt. C’est pour cela que nous avons souhaité qu’on puisse donner, à partir de maintenant, la possibilité aux populations de payer cet impôt par le système de téléphonie mobile.
Quels sont les autres impôts créés après 2017 ?
Après 2017, j’ai parlé tout à l’heure de la taxe de développement de sport. Vous avez vu que la compétition dans laquelle notre pays s’est engagé sur le plan du football a donné des résultats. Les gens sont contents qu’ils ont contribué aux résultats que nos Ecureuils ont présentés. Cette année, le gouvernement a assoupli la mesure en prenant en compte les investissements que certaines entreprises pourraient être amenées à faire au niveau des fédérations sportives. Donc, ces investissements seront également considérés comme la contribution pour le sport, et ces personnes seront dispensées de la taxe de développement sur le sport. Ensuite, il y a eu cette taxe sur la plus-value dont j’ai parlé.
Mais pour la loi de finances 2020, nous avons supprimé beaucoup d’impôts, nous avons fait des suppressions d’impôts dans notre système fiscal. On a regroupé par exemple tous les impôts fonciers sous une seule appellation, la taxe foncière unique. Nous avons rationalisé les impôts spécifiques sur certains produits alimentaires au cordon douanier. Nous avons même supprimé les taxes à l’exportation sur le conditionnement, qui ne rendaient pas nos produits compétitifs à l’étranger.
Qu’en est-il des taxes sur le marbre, le thé et autres ?
Les personnes fortunées qui sont en mesure d’acheter des marbres pour embellir leurs maisons, il faudra leur demander de contribuer un peu plus. Ce n’est que justice.
Opter pour l’élargissement de l’assiette fiscale, explorer d’autres niches fiscales comme le secteur minier ?
Aujourd’hui, pour corriger notre taux de pression fiscale, il faut élargir l’assiette fiscale et sécuriser les recettes que nous avons. Sécuriser les recettes suppose qu’il faut mettre en place des réformes qui évitent que les agents soient en mesure de manipuler des ressources. Paiement en ligne, par téléphonie mobile et autres. Elargir l’assiette fiscale, cela suppose également que nous puissions augmenter le nombre de contributeurs. La réforme de la facture normalisée entre directement dans ce cadre. Si tout le monde pouvait réclamer et obtenir sa facture à l’occasion de n’importe quel achat, vous verrez comment le nombre de contributeurs sera important et l’impôt ne pèsera pas sur une minorité. Donc, cette réforme de facture normalisée est fondamentale, elle est vitale pour notre pays. C’est pour cela que nous avons mis en place plusieurs mesures d’accompagnement dont un jeu de tombola que nous allons lancer d’ici mars. Et lorsque vous achetez, vous réclamez votre facture, vous participerez à une tombola pour gagner des lots. Cela va encourager tout le monde à obtenir les factures.
Le secteur minier ne sera pas du reste. Il y a des taxations sur le secteur. On va travailler pour améliorer cela.
Il y a également d’autres niches. Si nous avons fait cette performance en 2019, je voudrais rappeler une niche. On a constaté qu’il y a beaucoup d’entreprises qui étaient au forfait, qui déclaraient des chiffres d’affaires de moins de 50 millions de francs Cfa ; mais qui obtenaient les autorisations de transfert de devises à l’étranger de plusieurs milliards. On ne communiquait pas avec les services chargés de délivrer ces autorisations. C’est de la fraude fiscale pure. Non seulement nous avons fait les rappels de droits sur ces cas, mais on a saisi également les tribunaux dans certains cas.
Il y a également le phénomène qui consiste à utiliser frauduleusement l’Identifiant fiscal unique (Ifu) d’autres entreprises. En 2019, nous avons mené une lutte farouche contre ces types de fraudes. Nous espérons continuer pour améliorer les choses.
Source Ortb