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Zénab Konkobo Kouanda, Spécialiste Santé à la Banque mondiale sur le coronavirus: « Le Bénin est mieux armé pour surveiller son territoire et réagir à une éventuelle menace»

Publié le jeudi 13 fevrier 2020  |  La Nation
Zénab
© aCotonou.com par DR
Zénab Konkobo Kouanda, Spécialiste Santé à la Banque mondiale sur le coronavirus
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Par Anselme Pascal AGUEHOUNDE,
Il est encore loin du Bénin, mais la porosité des frontières et la simplification des procédures dans la circulation des personnes nécessitent de prendre ses dispositions : le coronavirus étend peu à peu son spectre de contamination sur le monde. Spécialiste Santé à la Banque mondiale, Zénab Konkobo Kouanda explique, dans cette interview, la particularité et les modes de transmission du coronavirus et aborde les efforts de résilience du système sanitaire du Bénin face aux risques d’épidémies.


La Nation : En Chine, le coronavirus frappe en masse. Qu’est-ce qui rend si redoutable cette épidémie à l’allure pandémique ?

Zénab Konkobo Kouanda : Le coronavirus est le mal d’actualité, et comme son nom l’indique, c’est un virus. Mais le coronavirus n’est pas nouveau. En ce sens qu’il y a eu déjà des épidémies passées avec des souches notamment le ras (syndrome respiratoire aigu sévère) en 2002. Il y a également eu le coronavirus avec le syndrome respiratoire du Moyen-Orient en 2012. C’est quand le mal apparait, qu’on l’étudie pour découvrir la souche, voir ce qui la caractérise et comment y faire face. La particularité de cette crise est due à une souche qui est nouvelle pour les scientifiques. C’est une souche qui n’est pas encore découverte. Et c’est ce qui fait la crainte des scientifiques. L’autre crainte est que l’on n’a pas encore isolé véritablement l’hôte c’est-à-dire la source, principale. En fait, ce sont des maladies qui en général naissent au niveau des animaux, évoluent et mutent, et qui se transmettent par contact de l’homme avec les animaux. Quand vous prenez le Sras, la source c’était la civette qui a contaminé l’homme. Quand on prend le cas du coronavirus à syndrome respiratoire du Moyen-Orient, c’étaient plutôt les dromadaires et les chameaux.

Que dire des modes de contamination et des manifestations de ce virus ?

Quand la maladie se transmet à l’homme, celui-ci devient un vecteur de transmission. C’est ainsi que commence la transmission d’un homme à un autre. Le coronavirus est un virus qui se transmet par les sécrétions rhinopharyngites, c’est-à-dire le nez et la gorge. C’est cela qui fait qu’à l’instant où le porteur tousse ou éternue, les sécrétions sont contagieuses pour toute personne en contact avec lui. Le virus se transmet également par la manipulation de tout ce qui a été en contact avec les sécrétions. Donc si le porteur tousse puis utilise ses mains et ne les lave pas avant de toucher quelqu’un qui est sain, il lui transmet aussitôt le virus.
En termes de manifestations de ce virus, elles vont de signes banals, légers à des signes suffisamment graves. C’est pour cela qu’il y a autant de personnes contaminées. On a des signes simples de rhume, de rhinopharyngite et ça peut aller à des signes plus graves en fonction de l’hôte notamment l’état de santé de la personne affectée par le virus. L’état de santé de l’hôte est un facteur d’aggravation de la maladie. La capacité de résistance d’un vieillard ou d’une personne déjà malade est naturellement faible par rapport à celle d’une personne en bonne santé. Dans les cas les plus graves, les effets de ce virus peuvent aller à une dyscinésie respiratoire, c’est-à-dire une difficulté à respirer ou un essoufflement et malheureusement à la mort.

Comment faire face à ce virus dont la souche reste inconnue ?

Pour lutter contre les épidémies, il faut commencer à lutter contre la manière dont elles se transmettent par la prévention. Pour lutter contre le coronavirus, il faut lutter contre son mode de transmission. C’est la prévention qui va permettre aux personnes qui sont saines de ne pas contracter la maladie. C’est pour ça qu’on insiste beaucoup sur les mesures de prévention. Les gouvernements mettent beaucoup l’accent sur la prévention dans les points d’entrée notamment les aéroports, les frontières, les ports, les zones où il peut avoir les premiers brassages de personnes contaminées avec des personnes saines… Les mesures de prévention sont d’abord collectives, c’est ce que l’Etat fait pour protéger la population ; mais elles sont également individuelles car chacun doit pouvoir adopter les comportements indiqués pour se prémunir contre toute contamination. Pour le cas d’espèce, le coronavirus, il faut éviter d’être en contact avec les sécrétions. C’est pour ça que l’on conseille de mettre les masques, les gants, de pratiquer le lavage des mains après toute sécrétion… Tout ça, c’est pour rompre le cycle de transmission.
Outre la prévention, c’est le traitement au cas où la personne est déjà contaminée. Pour le moment, les scientifiques sont à pied d’œuvre pour trouver un vaccin spécifique. Mais il y a les traitements symptomatiques, c’est-à-dire les traitements contre les symptômes que sont la toux, la fièvre, l’éternuement… Donc, on soigne ces symptômes et on suit les personnes infectées jusqu’à ce qu’elles recouvrent la santé et ne soient plus un facteur de transmission. Les traitements symptomatiques se révèlent tout aussi efficaces. On parle de milliers de personnes contaminées avec plus de 900 personnes décédées. Mais on ne parle pas souvent des personnes qui ont recouvré la santé après avoir été traitées. Il y a plus de 900 personnes qui ont été guéries. Toutefois, partout au monde, la prévention reste le moyen le plus sûr pour circonscrire le mal.


Le coronavirus se fait incisif et a dépassé les frontières chinoises. Le Bénin doit-il se faire des soucis ? Que fait la Banque mondiale dans l’appui à la résilience du système sanitaire béninois ?

La Banque mondiale a capitalisé l’expérience du virus Ebola. Si vous vous en souvenez, Ebola virus a malheureusement sévi en Afrique. C’est le continent qui a été le plus touché avec des pays qui l’ont été plus que d’autres. Face à la crise de Ebola, la Banque mondiale et les pays d’Afrique ont compris qu’il fallait avoir des systèmes de santé plus résilients ; des systèmes qui permettent d’avoir une surveillance efficace et de faire face aux cas d’épidémies. Car ce sont les mouvements de personnes qui ont permis la dissémination rapide du virus. Après l’expérience de Ebola, la Banque mondiale a mis en place un vaste projet régional intitulé Projet de renforcement des systèmes de surveillance sanitaire, lancé en 2015. Dix-sept pays d’Afrique sont concernés par ce projet qui est mis en œuvre par vagues successives.

Le Bénin fait partie de la troisième vague et a bénéficié d’un financement de 30 millions de dollars Us dont la moitié est exclusivement un don de la Banque mondiale pour aider le pays à renforcer son système de surveillance sanitaire. La troisième phase qui concerne le Bénin est en vigueur depuis plus d’un an. Ce projet vise à appuyer les pays à respecter leurs engagements relatifs au Règlement sanitaire international qui est défini pour permettre aux pays de lutter contre les épidémies. Ce projet entend préparer les pays bénéficiaires à la veille minutieuse mais aussi à la riposte nationale en cas d’épidémie. Il va également favoriser la collaboration régionale, voire internationale pour un partage d’information et d’expérience. Ce projet utilise l’approche One health qui encadre sainement l’interaction entre les hommes, les animaux et l’environnement.
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En effet, la majorité des épidémies naissent des animaux ou de l’environnement et c’est l’interaction des hommes avec les animaux qui permet le passage de la maladie aux hommes. C’est pourquoi le projet tient compte de cet aspect pour mieux surveiller l’homme, les animaux et l’environnement. Il y a essentiellement cinq axes que le projet appuie pour rendre résilient le système sanitaire du Bénin. Il s’agit notamment du renforcement des systèmes de surveillance pour les rendre alertes et à temps réel ; le soutien aux laboratoires de recherches pour qu’ils soient à même d’identifier le mal, sa source et son remède ; l’appui à la préparation et à la capacité de riposte en cas d’épidémie ; le renforcement des capacités des spécialistes sur la santé humaine, animale et environnementale et enfin le renforcement institutionnel pour une bonne coordination des actions par le gouvernement. Je pense que la mise en œuvre de ce projet va soutenir le pays dans la riposte contre le coronavirus en cas de menaces.

Le projet a déjà aidé à acquérir du matériel pour renforcer la surveillance aux points d’entrée au Bénin et à mettre les ressources humaines nécessaires là où il faut pour une surveillance efficace. Pour cette année et les années à venir, le projet va financer les exercices de simulation, l’acquisition des équipements médico-techniques, les intrants pour les laboratoires, les médicaments pour la riposte… Tout ce qu’il faut pour que le Bénin puisse mettre en œuvre le Règlement sanitaire international. Il n’y a pas encore de cas de coronavirus au Bénin, mais grâce à ce projet, le Bénin est à même de répondre à la menace. A l’instar de la riposte que le projet donne à l’épidémie de méningite à Banikoara à travers l’acquisition de vaccins.

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