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Opérations de lotissement et recasement à Abomey-Calavi: Bientôt la fin des manoeuvres frauduleuses

Publié le mardi 18 fevrier 2020  |  La Nation
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© Autre presse par DR
A l’occasion de la fête de l’indépendance 2019: Le maire Georges Bada invite ses administrés à cultiver la paix et la sincérité
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Par Babylas ATINKPAHOUN (Stag)

Les opérations de lotissement et de recasement au Bénin sont souvent sujettes à polémique. Les contestations qui en résultent dans la majorité des cas se conjugueront bientôt au passé, avec la mise en vigueur du nouveau Code foncier.


Détournements et vols de parcelles dans les opérations de lotissement et de recasement…Les affaires foncières au Bénin donnent souvent lieu à des maneouvres frauduleuses. Des pratiques qui enrichissent certains sous le regard impuissant des communautés. Une réalité face à laquelle Patrice Hounyèva, chef d’arrondissement (Ca) de Hèvié et président de la Commission des Affaires domaniales et environnementales d’Abomey-Calavi n’est pas dupe. Sans langue de bois, il décrit le processus de lotissement et de recasement tel que cela se passe sous nos cieux avec son lot de soulèvements et de troubles à l’ordre public. Il explique que le lotissement est une opération qui consiste à prendre la parcelle de quelqu’un, à la travailler et à la lui retourner à la fin. Dans cette manœuvre, un fait se produit très souvent et est la principale cause des contestations. Le Ca révèle qu’il arrive que des gens recensés à l’état des lieux ne retrouvent plus leurs parcelles à la fin des recasements. «Lorsqu’au départ vous prenez la parcelle et qu’à la fin le propriétaire ne la retrouve pas, il est obligé de crier pour que sa parcelle lui soit retournée », clarifie-t-il. A chaque fois qu’il y a des situations du genre, cela débouche sur des soulèvements, des troubles à l’ordre public. Ce qui a amené des autorités à suspendre des lotissements. Et puisque les concernés sont parfois nombreux dans le cas, ils s’associent et usent de toutes les voies légales, voire illégales pour se faire entendre. D’où le tollé général observé la plupart du temps dans ces genres de situation.
Face à ces problèmes récurrents liés au foncier, le conseil communal d’Abomey-Calavi a pris deux décisions majeures lors de sa première session de l’année 2019 tenue le mercredi 27 mars. Il s’agit de la suspension des opérations de lotissement et de recasement des arrondissements de Hêvié et de Ouèdo et de la suspension d’un chef quartier qui n’a pas facilité le déroulement des opérations dans sa localité. Selon le maire Georges Bada, ces décisions se justifient d’autant qu’il s’agit d’irrégularités graves inacceptables constatées dans le processus. Dans ce méli-mélo, les responsabilités sont partagées et le chef d’arrondissement de Hêvié en situe quelques-unes. Les populations elles-mêmes, relève-t-il, sont à la base de nombreux problèmes en ce sens qu’elles ne suivent pas rigoureusement les procédures en la matière pour le bon déroulement des opérations. Aussi, que certains responsables font preuve de légèreté et compromettent les opérations par des actes peu orthodoxes. « La responsabilité principale peut être imputée à celui qui exécute et la responsabilité accessoire aux autres acteurs », précise-t-il. En amont et en aval des opérations, se retrouve le cabinet de géomètres.
Judicaël Tognimassou, technicien géomètre, reconnaît la part de responsabilité des cabinets de géomètres dans les situations conflictuelles, puisque, à l’en croire, ce sont eux qui exécutent les opérations sur le terrain. Toutefois, nuance-t-il, que les dérapages observés dans l’exécution des opérations ne sont pas forcément l’œuvre de la personne morale des cabinets mais plutôt de certains employés véreux qui, parfois, manipulent les données à l’insu des responsables de cabinets qui se retrouvent devant le fait accompli. La commune d’Abomey-Calavi en a fait les frais mais aujourd’hui, l’Ordre des experts géomètres a récupéré la situation et désigné des cabinets pour corriger le tir.


Politique foncière

Le lotissement, selon le président de la Commission des affaires domaniales et environnementales de la commune d’Abomey-Calavi, se présente comme un projet. Et pour un bon projet, il faut des études préalables. Il faut dans un premier temps voir le cadre général; si la zone est prédestinée à l’habitation. Patrice Hounyèva déplore que le Bénin ait tellement forcé le lotissement par le passé au point où certaines communes ne disposent plus aujourd’hui de terres cultivables. Il estime qu’avec l’avènement du nouveau Code foncier, il faut dissocier les zones agricoles des zones à urbaniser. Ce qui signifie que si c’est 20 hectares au départ, il faut préciser la superficie à urbaniser et celle à réserver à l’agriculture, du moment où le lotissement permet de morceler une zone et de la rendre habitable. « Les zones qui bénéficient aujourd’hui de lotissement sont celles dont le plan de développement communal décide d’en faire une zone urbanisée ».
Les règles ont considérablement changé aujourd’hui dans les opérations de lotissement et de recasement «Nous avons connu divers dispositifs légaux au fil des années. Il y a d’anciennes lois qui régissaient les travaux de lotissement, mais depuis 2013, il y a une nouvelle loi, le nouveau Code foncier domanial», rappelle le conseiller Patrice Hounyèva. Du coup, on note plusieurs catégories de lotissement. Des lotissements vieux d’au moins 10 ans dont les travaux ne sont jamais terminés. Ils ont été régis pendant longtemps par l’ancien texte et sont aujourd’hui à la phase de clôture, et la mise en conformité se fait seulement sur les éléments qui sont encore susceptibles d’être mis en conformité. Par contre, il y a des lotissements qui sont encore à l’étape embryonnaire et les collectivités locales travaillent pour que les différentes procédures soient effectivement et entièrement mises en conformité avec les nouveaux textes, atteste Patrice Hounyèva.
Beaucoup de réformes dans le domaine du foncier ont permis aujourd’hui d’assainir les opérations de lotissement. C’est le cas dans la commune d’Abomey-Calavi où les faux frais n’ont plus droit de cité, selon le maire Georges Bada. « Les faux frais disparaissent aujourd’hui dans les arrondissements qui connaissent le lotissement parce que nous avons pris des mesures et nous avons sensibilisé », confie-t-il. Les acquéreurs savent donc avec précision le montant à payer et il s’agit de frais uniques institués par le gouvernement à travers la loi de finances.


Goulot d’étranglement

A en croire le président de la commission des Affaires domaniales et environnementales de la mairie d’Abomey-Calavi, beaucoup de raisons expliquent la lenteur observée très souvent dans les opérations de lotissements qui durent cinq ans, dix ans, voire des décennies sans que le bout du tunnel ne soit trouvé. Primo, il évoque les anciens textes qui régissaient ces lotissements dépourvus de délais impératifs. La loi n’encadrait pas convenablement les lotissements dans une durée donnée contrairement au nouveau code qui fait obligation aujourd’hui de terminer les travaux dans un délai de dix-huit mois lorsque l’ensemble des éléments d’entrée est disponible. Cette loi prévoit toutefois que, pour des raisons qui ne sont pas liées à la lenteur administrative ou pour des problèmes de gouvernance, le délai soit renouvelé une fois que les travaux ne sont pas terminés. Donc, le lotisseur dispose en tout et pour tout d’un délai de 36 mois pour boucler le lotissement et recaser le dernier acquéreur. Selon, le conseiller Patrice
Hounyèva, les anciens lotissements couvraient généralement de grandes étendues, voire des centaines d’hectares de sorte les cabinets de géomètres sont submergés par les travaux. Aujourd’hui, avec le nouveau code, le périmètre est réduit à cinquante hectares. L’organisation et le contrôle sont donc plus faciles, la fiabilité est perceptible ; démontrant que ce délai maximum de 36 mois est bien raisonnable. Ces anciens lotissements étaient donc confrontés à des problèmes de maîtrise du périmètre.
Patrice Hounyèva fait savoir que la transparence dans une opération du genre est également liée à une bonne gestion du temps. « Lorsqu’il n’y a pas transparence, cela amène l’autorité à prendre des décisions de suspension afin d’y voir clair », précise-t-il. Tout cela rallonge le délai d’exécution.
Pour lui, les anciens lotissements ont, pour la plupart, souffert de beaucoup de suspensions liées au fait que les gens n’ont pas retrouvé leurs parcelles, certains ont occupé des parcelles qui ne leur appartiennent pas, d’autres sont sortis de nulle part avec des numéros d’état des lieux et sont appelés au recasement. Autant d’irrégularités qui compliquent les opérations et créent des tensions.
Le taux d’exécution à atteindre avant la clôture des lotissements est également un élément qui engendre la lenteur observée dans les opérations. Ces lotissements ne sont pas clôturés parce que, pendant longtemps, des gens n’ont pas été recasés pour les raisons invoquées plus haut. Selon les propos du conseiller, ces taux de recasement sont donc inférieurs à 70 %. Aujourd’hui, les choses ont changé, le secteur est beaucoup plus encadré surtout avec l’avènement du régime du président Patrice Talon qui a fait du respect du nouveau code et des textes en matière foncière une priorité pour la sécurité foncière. Ce qui permet d’avoir
Choix des cabinets

Sur le choix des cabinets de géomètres à qui ces travaux de lotissement sont confiés, Patrice Hounyèva indique que cela varie suivant les époques; le Bénin ayant connu plusieurs époques avec divers cabinets de géomètres. Il explique que, par le passé, les cabinets n’étaient pas si nombreux comme aujourd’hui, rendant le choix facile à faire. On pouvait noter des droits associés, des choix basés sur le monopole. Le maitre d’ouvrage s’entend donc avec le cabinet sur les modalités puis le contrat du marché est signé. « Mais aujourd’hui, les méthodes de sélection ont évolué puisque le nombre d’experts a augmenté. La sélection est faite sur la base des procédures du Code des marchés publics en vigueur depuis 2009 », explique-t-il. Il s’agit donc du cabinet ayant présenté une offre jugée meilleure pour la commune, un délai et des organisations techniques appréciables. Pendant longtemps, les collectivités locales ont fait aussi recours à l’Institut géographique national (Ign) qui est une structure d’Etat spécialisée dans les opérations de lotissement. Mais, le président des Affaires domaniales et environnementales de la commune d’Abomey-Calavi indique que c’est une erreur qui a même créé des problèmes dans certaines zones puisque l’Ign est en réalité une structure de contrôle. Et donc, il ne saurait être un acteur d’exécution du lotissement mais plutôt un acteur de contrôle. Cette équivoque a été levée lors de l’étude du nouveau Code foncier par les députés. Ils ont clarifié les rôles en précisant que l’Ign doit être confiné dans son rôle de contrôleur technique des opérations. Logiquement, l’Ign n’exécute plus des travaux de lotissement et selon Patrice Hounyèva, les collectivités locales travaillent pour qu’une formule soit trouvée afin que les travaux de lotissement qui lui avaient été confiés soient attribués aux cabinets privés comme le code le recommande, lui permettant d’entrer dans son manteau de contrôleur. Aujourd’hui, la majorité des Béninois est satisfaite des réformes foncières en cours. Certains par contre, font la moue parce que ne tirant plus grand profit du secteur comme au bon vieux temps où la gestion foncière était peu orthodoxe.
La sécurité foncière doit préoccuper au plus haut niveau les pouvoirs publics d’autant plus que les citoyens n’aspirent qu’à jouir de leurs droits de propriété, à l’abri des litiges aux lendemains incertains.
L’implication de l’Etat pourrait contribuer à recadrer le secteur autrefois victimes de diverses manœuvres frauduleuses.

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