Alerte de fraudes, ralliements de circonstances et autres tares: Comment les appétits incessants des hommes politiques nuisent à la démocratie depuis 30 ans
Publié le mercredi 19 fevrier 2020 | L`événement Précis
En trente années d’expérience démocratique célébrées en ce mois de février 2020, le Bénin peine toujours à s’échapper des griffes d’une classe politique vorace, dont seuls, les intérêts personnels et immédiats priment sur tout le reste. L’esprit qui avait guidé les acteurs de ces assises nationales historiques de 1990 était pourtant d’instaurer un vrai système de gestion de la cité pour le bien d’un peuple qui venait de sortir d’une période révolutionnaire outrageante. Ils étaient tous décidés à rénover le Bénin de fond en comble, Mgr de Souza, Albert Tévoèdjrè, Robert Dossou et tous ces éminents animateurs de premier rang de cette conférence, non sans la repentance spectaculaire du général Mathieu Kérékou, alors au pouvoir. Ils pensaient semer ainsi les graines d’une nation démocratie prospère et vitale.
Trente années viennent de passer et rien n’a véritablement changé dans la mentalité des acteurs politiques. L’actualité en dit long sur ce qu’ils représentent réellement sur la scène nationale. En cette longue veille des communales et municipales 2020, des faits et actes prouvent déjà à suffisance que la démocratie béninoise a encore du chemin à se faire pour s’enraciner véritablement dans les pratiques quotidiennes. Le cas le plus édifiant qui s’expose aujourd’hui dans la rue est l’affligeante scène au sein de l’un des plus grands partis du pays, ces dix dernières années. Il s’agit du parti Force Cauris pour un Bénin Emergent (FCBE), auparavant alliance, dont les responsables actuels s’entredéchirent via médias et réseaux sociaux autour des questions qui devraient être réglées à l’interne. Les uns réclament, entre autres des copies originales de nouveaux textes récemment adoptés lors d’un congrès express tenu pour se conformer aux nouvelles dispositions de la charte des partis politiques. Les autres s’y opposent, craignant que ces documents pourraient être détournés à d’autres fins. Entre les camps Paul Hounkpè et Eugène Azattassou, la guéguerre et les querelles de personnes ont tellement pris d’ampleur ces derniers jours que d’aucuns parient désormais pour une cassure évidente et imminente du parti FCBE. Alors qu’il y a à peine quelques semaines, tous acclamaient l’initiative de réconciliation entreprise par le président d’honneur Boni Yayi, dont l’aboutissement heureux devrait servir d’une belle leçon de démocratie. Aujourd’hui, tout semble compromis pour la réunification des FCBE, à tel point, que Boni Yayi, le leader charismatique serait tenté de tourner dos non seulement à ce parti mais à l’activité politique.
Il n’y a pas que la cacophonie FCBE pour mettre à rude épreuve l’expérience démocratique béninoise. Les ralliements tous azimuts observés depuis peu du côté de deux grandes formations politiques soutenant le pouvoir, Bloc Républicain et l’Union Progressiste laissent également à réfléchir sur la qualité de la classe politique béninoise de tout temps. A l’ère du système partisan prôné et défendu par Patrice Talon qui a permis de mettre fin à la flopée des partis politiques d’alors – il n’en existe qu’une dizaine aujourd’hui – les acteurs politiques ne s’accommodent par pour autant à toutes ses exigences. D’où les multiples défections et ralliements en défaveur ou au profit de tel ou tel autre parti, observés depuis peu. Tous veulent aller au « bon endroit et à la bonne place » pour assouvir leur désir de décrocher un poste électif. Entre républicains et progressistes, les calculs se font de plus en plus pressants pour fixer tel ou tel candidat dans telle ou telle circonscription électorale, suivant ses atouts et ses chances de remporter le plus grand nombre de suffrages électoraux. Les très prochaines communales et municipales offrent ainsi et déjà, une foire de transhumance politique longtemps décriée au Bénin, non seulement entre ces deux grandes forces politiques, mais aussi au niveau d’autres partis de moindre carapace devant un peuple embarrassé.
En alertant depuis quelques heures sur l’organisation d’une fraude dans les opérations de transfert et d’enregistrement des électeurs lancée par le Conseil d’orientation et de supervision de la Liste électorale permanente informatisée (Cos-Lepi) à Porto-Novo et Avrankou, le Parti pour le renouveau démocratique ( Prd) de Me Adrien Houngbédji, met encore à nu, l’un des sports favoris de certains acteurs politiques, convaincus qu’ils ne gagneront rien sans tricher. Selon le Prd, ils seraient de hauts responsables usant de leur force et de leur influence pour ordonner le retrait de tous les registres des bases de données mis à la disposition des chefs quartiers par le Cos-Lepi dans les zones qui ne leur sont pas favorables. Si le parti des « Tchoco Tchoco » en est arrivé à y consacrer un communiqué de presse pour tirer la sonnette d’alarme, c’est sans doute, parce qu’il en détient les preuves. C’est une triste réalité que vit la démocratie béninoise depuis qu’elle est mise en route, voici trente ans déjà, par le fait d’une classe politique béninoise, peu motivée par son rayonnement, plutôt que pour les profits qu’elle en tire.
Du reste, l’ambiance qui s’observe actuellement en cette veille d’élections ternit plus l’image de la démocratie béninoise qu’elle ne la soigne, en ceci, qu’elle ne permet pas d’apprécier à leur juste valeur les efforts fournis par certains citoyens plus honnêtes et plus patriotiques et les incessants moyens colossaux engrangés par les caisses de l’Etat pour assurer sa pérennité.