Cela fait 30 ans que le Bénin a opté pour le Renouveau démocratique. Un régime politique qui a favorisé des élections et l’alternance démocratiques, après 17 ans d’hégémonie du Parti de la révolution populaire du Bénin (Prpb). Trente ans après, la démocratie a-t-elle engagé le Bénin sur la voie du développement ?
Le Bénin est l’un des premiers pays de l’Afrique de l’Ouest à opter pour le régime démocratique, au terme de sa Conférence nationale de février 1990. Le régime ainsi né, a favorisé la stabilité politique avec différentes institutions de contre-pouvoir et un cadre légal d’expression des acteurs politiques et de la société civile. A l’occasion de la célébration de ces 30 ans, les acteurs de la société civile posent un regard critique sur l’expérience démocratique qui, selon certains, mérite d’être réajustée.
Pour le professeur Roger Gbégnonvi, le chemin a été extrêmement long et plus escarpé qu’on ne le pense puisqu’il détermine cette période démocratique depuis les indépendances.
« Les coups d’Etat de ce vieux temps participaient déjà d’une recherche de la parole à remettre au peuple jusqu’au dernier coup d’Etat de 1972 qui a sifflé la fin de la récréation avec 17 ans d’immobilisme, ouvrant ainsi la voie à la Conférence nationale de 1990», rappelle-t-il. Ainsi, la Conférence nationale fait partie de cette recherche de la démocratie, de la parole à donner au peuple qui avait commencé, selon Roger Gbégnonvi, depuis le 1er août 1960. Pour lui, il n’y a que du bien à dire de cette conférence et de ses résultats malgré les tensions traversées. Gustave Assah, ancien président de Social Watch Bénin, compare la démocratie béninoise à un enfant de 30 ans. De cette comparaison, il ressort que la démocratie béninoise est bien mature en dépit des périodes tumultueuses qu’elle a connues. « Le Bénin a tiré beaucoup de cette démocratie âgée de 30 ans aujourd’hui. Le Bénin ne souffre pas de déficit d’institutions », salue l’acteur de la société civile. Et à Fatoumatou Batoko Zossou de Wanep Bénin d’affirmer: « Quand les institutions qui doivent composer la démocratie fonctionnent, on peut dire qu’il y a une démocratie ».
Cette démocratie, à en croire Gustave Assah, a permis l’animation de la vie politique sous toutes ses formes. Aujourd’hui, les populations ont compris qu’il faille s’impliquer à fond dans l’animation de la vie publique avec les Organisations de la Société civile qui font un travail de qualité dans la préservation de la démocratie, d’un Etat de droit et de la bonne gouvernance. « La liberté d’expression et d’opinion …,
je pense qu’on est mieux loti qu’il y a 30 ans », reconnait-t-il. Aussi faut-il saluer le fait que les acteurs politiques aient compris qu’il faille se fondre désormais dans de grands ensembles politiques pour mieux travailler à faire avancer la gouvernance politique et économique, bref, à cultiver l’esprit du militantisme. C’est un pas important que la démocratie béninoise a franchi et dont se réjouit l’ancien président de Social Watch Bénin.
Couacs !
Ces militants de la société civile relèvent toutefois quelques écarts dans le fonctionnement de la démocratie béninoise.
« Dans la maturité de notre démocratie, il y a non seulement des points forts mais également des points faibles », confie Gustave Assah. Le Bénin a connu des perturbations qui sont selon lui des épreuves de maturité de toute démocratie. Mais certains Béninois ont tendance à croire que la démocratie béninoise ne fonctionne pas bien en raison de ces épreuves qu’elle traverse. Ils assimilent certains évènements à un recul démocratique alors même que les pays dont la démocratie est vieille de plusieurs siècles, connaissent encore des heurts entre différentes composantes de la société. A ceux-là, Fatoumatou Batoko Zossou rétorque que l’environnement d’aujourd’hui ne saurait être comparé à celui d’il y a 30 ans sur lequel les pères fondateurs de la démocratie béninoise se sont basés pour faire le travail. « Certes les pères fondateurs de la démocratie béninoise ne seront pas d’accord avec un certain nombre de choses qui se passent aujourd’hui. Il nous revient de nous convaincre de ce que ce n’est pas le même environnement que celui de 1990 et d’apporter notre pierre à la construction ». Pour elle, aucun président de la République, depuis l’avènement de la démocratie, n’a fonctionné avec la volonté de détruire les acquis démocratiques comme l’insinuent certaines opinions. Elle soutient qu’ils ont travaillé pour le développement du pays tout en trouvant des solutions aux tares qui constituent parfois des obstacles au bon déroulement de leur programme d’action.
« Nous ne pouvons pas tous être convenablement assis avec la démocratie quelque soit le pouvoir en place. Il y aura toujours des mécontents qui, peut-être, ne se retrouvent pas dans les réformes », indique Fatoumatou Batoko Zossou. On ne peut donc faire des omelettes sans casser des œufs, comme le dit l’adage.
Perspectives
Fatoumatou Batoko Zossou fait remarquer que la démocratie béninoise ne peut continuer tel qu’elle a commencé depuis 1990. « La société est dynamique et je crois qu’il faut l’ajuster au fur et à mesure à la démocratie », affirme-t-elle. Tout en estimant que celui qui est au pouvoir n’a pas forcément la vue sur tout ce qui se passe, elle exhorte les acteurs de l’animation de la vie politique à jouer leur partition et faire en sorte que les choses soient réajustées pour la construction du pays. Cette exhortation, Roger
Gbégnonvi l’approuve. Pour lui, la démocratie n’est pas un acquis, contrairement à ce que d’aucuns croient, mais plutôt une discussion permanente. « C’est la recherche permanente d’un équilibre parce que le peuple grandit dans ses connaissances »,
souligne l’ancien ministre. De ce point de vue, il y aura toujours des éléments à réajuster pour parfaire la démocratie. Il revient au peuple de savoir où aller et de définir les bonnes méthodes pour y parvenir. D’ailleurs le Béninois sait prendre de la hauteur face aux situations qui mettent en péril cette démocratie. Pour s’en convaincre, les dernières dispositions légales prises pour améliorer la compétition politique, rassurent de plus en plus de ce que le Bénin sait sortir des sentiers battus.