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Le chef de l’Etat à propos des acquis de la Conférence nationale: « Il faut un contenu concret pour développer le pays »

Publié le jeudi 20 fevrier 2020  |  La Nation
Cérémonie
© Présidence par DR
Cérémonie de clôture du dialogue politique
Samedi 12 octobre 2019. Palais des congrès de Cotonou. Après trois jours d’échanges, le dialogue politique réunissant huit partis, a pris fin sur un ensemble de recommandations que le président Patrice Talon a pris l`engagement de respecter
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Par La Redaction,
Les tares qui ont conduit au chaos à la fin des années 80, ont demeuré sous une forme ou une autre, après l’historique Conférence nationale des forces vives de la nation béninoise, à travers la corruption restée impunie jusqu’il y a peu encore, avec son corollaire de mauvaise gestion du bien public. De même, le multipartisme intégral consacré par la Conférence nationale, a subi une transformation loin de mener le pays de l’avant. Le chantre du Nouveau départ, tout en s’appropriant les acquis de ladite conférence, estime pour sa part que le développement qu’elle est censée impulser doit prendre le pas sur toute autre considération. Du moins, c’est la substance de sa réponse aux questions de ses intervieweurs relativement aux acquis de la Conférence nationale et le sens des réformes impulsées par son gouvernement. C’est au cours d’un entretien diffusé sur la télévision nationale ce mercredi 19 février et portant sur le thème évocateur « La conférence nationale, 30 ans après »… Toutes actions gouvernementales, marquées par un sens élevé de responsabilité, de la rigueur et du sérieux au service du pays, qui préfigurent d’une nouvelle ère pour le Bénin, en application de la vision dans laquelle la conférence s’est inscrite, à savoir le développement. Voici in extenso l’entretien conduite par André Marie Johnson, journaliste ayant vécu la conférence, reporter de l’Ortb et Gaston Yamaro de la radio communautaire Deeman émettant au nord du Bénin.

Monsieur le président, vous n’étiez pas parmi les 493 délégués à cette conférence, mais comment l’avez-vous vécue en son temps en tant que citoyen béninois ?

C’est vrai, je n’avais pas eu le privilège d’être un acteur direct de cet événement majeur, historique pour ma génération. J’avais 32 ans, j’étais opérateur économique très concerné par la vie politique, sociale et économique de mon pays. Ce qui conditionne bien évidemment mes ambitions mais je me souviens très bien que j’étais rempli d’enthousiasme, euphorique même en suivant en direct sur les ondes de la Radio béninoise le déroulement de cette conférence qui, pour moi, constitue le fait majeur, fondateur de la nation béninoise, après notre indépendance. C’était un événement important pour nous, fondateur de tous les espoirs. Je peux vous dire qu’en ce moment, il n’y a pas eu un seul Béninois qui ait été indifférent à la portée de l’événement. Qui d’entre nous à l’époque n’a pas été envahi par une fierté de vivre une mutation dans une telle ambiance, sans effusion de sang, en bonne convivialité ? Qui n’a pas été envahi par l’espérance, l’espérance de démocratie, de liberté, de développement ? C’était pour nous le nouveau départ, la renaissance du Bénin, le point zéro.

Monsieur le président, vous avez annoncé pendant votre campagne en 2016 que le Bénin
devait être réformé. Et vous avez d’ailleurs annoncé les grands axes sur lesquels vous feriez ces réformes. Une fois arrivé au pouvoir, vous avez commencé les réformes. L’une d’elles, nous allons en parler, il s’agit des réformes sur les libertés individuelles et collectives. Et là, nous nous focalisons sur les lois qui ont été prises pour encadrer le droit de grève au Bénin. Ça a suscité un tollé dans l’opinion. Certains n’ont pas hésité à dire que c’était un reniement ni plus ni moins des grands acquis de la Conférence nationale. Qu’est-ce que vous répondez à ceux qui ont pensé ça ?
Vous savez, la Conférence des Forces vives de la nation béninoise a été pour la plupart d’entre nous la renaissance de notre espérance de développement dans un environnement de liberté et de démocratie. Pour certains, tout cela devait suffire pour nous développer, pour nous épanouir. Comme je l’ai dit tantôt, en fait, c’était le point de départ, le point zéro. On ne peut pas penser, espérer comme certains de nos citoyens que la Conférence nationale, les textes fondateurs de notre nouvelle dynamique, suffiraient à eux seuls pour créer le développement, créer la richesse, créer les emplois. Jusqu’aujourd’hui d’ailleurs, beaucoup d’entre nous continuent de penser que les acquis de la Conférence suffisent. Et en termes d’acquis, c’est notre choix politique fondamental de démocratie et d’économie libérale. Mais 30 ans sont passés et quand on fait le bilan de notre évolution, de ce que nous avons fait de notre pays, de ce que ce nouvel environnement nous a permis de construire, est-ce qu’on peut être fier du parcours, des résultats ? Tout le monde reconnaît que nous manquons de tout, même les choses les plus caractéristiques de ce que nous avons été : l’école s’est dégradée, la santé, n’en parlons plus ; les infrastructures minima ;
le confort de vie, l’eau, l’électricité, manquent à la plupart de nos concitoyens. Alors, est-ce que nous restons sur cette lancée de fierté des textes qui fondent à nouveau le Bénin depuis ce temps-là ? Nous nous refusons de diagnostiquer notre environnement pour voir qu’est-ce qui fait que le développement n’est pas au rendez-vous 30 ans après. Le rôle des dirigeants, le rôle des gouvernants de la cité, c’est bien celui-là. Faire le diagnostic et procéder aux ajustements nécessaires, susceptibles d’impulser enfin le développement. C’est ce que j’ai essayé de faire avec mon équipe et cela peut être diversement apprécié. Est-ce qu’il n’était pas temps de réformer nos habitudes, de nous mettre au travail plus sérieusement ? Les réformes, ce n’est que ça. Je peux vous dire que pour nous développer, et d’ailleurs comme la plupart des communautés humaines, quelle que soit l’époque, quelle que soit la région, il n’est pas nécessaire d’avoir du pétrole, d’avoir du diamant, d’avoir du bois, d’avoir des richesses du sous-sol. Ce n’est pas nécessaire, ce n’est pas indispensable. Toutes les communautés humaines, quelle que soit l’époque, ont su affronter les conditions de vie, les obstacles à leur développement et avec leurs mains et leurs têtes, elles ont su transformer leur environnement, apporter une réponse à leurs préoccupations, leur besoin de se développer. Le pétrole en soi, brut, n’est pas une richesse. Il a fallu le transformer pour en faire une richesse à la dimension de ce que nous connaissons aujourd’hui.
Or, ce qui caractérise cette capacité de l’homme à avancer, à transformer son environnement, c’est son sérieux, sa rigueur, son abnégation à faire ce qu’il convient de faire. Et cela seul peut suffire. D’ailleurs, pas peut suffire. Cela seul suffit. Au Bénin, on peut noter que dans la plupart des secteurs de vie, nous avons manqué et nous manquons de sérieux, de rigueur, de détermination, de volonté. Si nous l’avions eu, nous serions développés à coup sûr. Combien de nations ne nous ont pas donné l’exemple dans le monde ? Elles se sont développées parce qu’elles se sont mises au travail. Combien d’entre nous, pris individuellement, issus de familles pauvres, dans un environnement défavorisé, ne sont pas parvenus au sommet de la hiérarchie sociale parce qu’ils ont été déterminés, laborieux, sérieux, volontaristes ?
C’est la seule chose que j’ai demandée, que je prie chaque fois mes concitoyens de faire ; ce en quoi je demande qu’il y ait une foi, une vraie adhésion : corriger nos tares, nos insuffisances humaines pour travailler de manière plus sérieuse, plus laborieuse. Et c’est cela, les réformes. Ce n’est pas plus que ça.

Si nous venons sur le terrain des libertés individuelles, on peut faire référence à une publication d’Amnesty international en date du 20 janvier qui parle d’un climat de peur et de censure ; d’ailleurs, en évoquant 17 activistes et journalistes en prison à la lumière du code du numérique. Est-ce qu’on peut dire que les libertés ont reculé, que la liberté d’expression a reculé au Bénin ?

Je n’ai pas évoqué la notion de liberté spécifiquement en parlant de réformes. Je vous ai dit que les réformes, pour moi, constituent la solution à nos problèmes qui sont caractérisés par nos insuffisances. Plus particulièrement en ce qui concerne les libertés, je n’ai pas l’impression, je ne vois pas que les réformes nous ont fait perdre notre liberté, la démocratie ou la liberté tout court. Ces choix que nous avons opérés il y a 30 ans à la satisfaction de tous les Béninois, de la nation entière sont à préserver. D’ailleurs, notre pays reste un pays de démocratie moderne. Les libertés ne sont pas compromises. Pour moi, quand j’observe mon pays, j’observe la manière dont les choses évoluent, le pays change tout doucement à nos yeux, je n’ai pas l’impression que nous avons perdu la liberté de faire ce qui est permis et compatible avec l’intérêt général. On a peut-être perdu la liberté de faire impunément ce qui n’est pas compatible ou est préjudiciable à l’intérêt général. On a perdu cette liberté de faire les choses impunément.

Donc, vous n’observez pas ce sentiment de peur au niveau de vos compatriotes ?

Mais, avoir la crainte de la reddition de comptes, pour moi, n’est pas quelque chose de contraire à une nation moderne, organisée, de démocratie et de liberté. Que les gens aujourd’hui soient convaincus et aient peur de devoir rendre compte de ce qu’ils font, pour moi, c’est une bonne chose. On peut choisir d’enfreindre les lois de la République mais il faut être disposé à en répondre. Alors, les gens ont peur de quoi ? Les gens ont peur de faire quelque chose qui est permis et qui est compatible avec l’intérêt général ou ils ont peur de faire des choses interdites, les choses non compatibles avec l’intérêt général ? Je veux comprendre.

Non. Nous parlons principalement de la liberté d’expression. Nous parlons des journalistes en prison. On a aussi les classements de Reporters Sans frontières qui ne sont pas en faveur du Bénin.

Moi, je n’ai jamais porté plainte, poursuivi un journaliste qui ait critiqué l’action gouvernementale, m’ait critiqué ou m’ait proféré des injures. Pourtant, on le voit. Ce genre de préjudice, en tout cas, en ce qui me concerne, n’est pas déterminant. Mais, est-ce qu’un journaliste qui est poursuivi par un autre concitoyen pour atteinte grave à ses intérêts moraux, même matériels et que la justice se prononce sur ce fait là constitue un recul des libertés ?
Vous savez, nous demandons à tout le monde de respecter l’intérêt général, de préserver l’intérêt individuel, la liberté d’aller et de venir de chacun, mais est-ce que quand l’agent de police commet des choses reprochables, il ne rend pas compte de cela ?
Est-ce que l’instituteur qui a pris un sac de riz dans le stock de la cantine de ses enfants aujourd’hui ne répond pas de ce qu’il fait ?
Pourquoi voulez-vous que parce que quelqu’un serait un journaliste, quand il porte préjudice à quelqu’un, que la personne ne porte pas plainte ? Je vais vous poser une question à vous personnellement. Un journaliste est-il un activiste de la toile ? Parce qu’aujourd’hui nous confondons tout. On confond les activistes de la toile avec les journalistes, c’est devenu aujourd’hui notre réalité. Quelqu’un prend votre image, manipule l’image et vous présente dans une position compromettante, en train de donner la preuve que vous avez une relation extraconjugale, fait vraiment de la manipulation d’image, la diffuse. Cela peut faire exploser votre ménage. Cela peut vous porter des préjudices irréparables. Si vous portez plainte et que la justice sanctionne ce fait là, est-ce un recul de la liberté de presse ?


On pourrait peut-être ne pas le dire. Mais on fait peut-être un parallèle. Avant vous, il y avait le code de l’information et de la communication qui dépénalisait le délit de presse. Aujourd’hui, on a l’impression que le code du numérique a repris cette pénalisation autrement.

Est-ce que vous n’avez pas l’impression que cette ambition que le monde entier, y compris le Bénin, a eue en disant que la critique des médias, quels que soient ses travers, doit être préservée et c’est pour cela que partout, à travers le monde on a dit : il faut dépénaliser les délits de presse et qu’il n’y ait que des condamnations financières, civiles. Mais aujourd’hui, nous sommes confrontés à la cohabitation de l’internet qui a fait une irruption spectaculaire dans ce domaine, de sorte qu’on ne sait plus exactement qu’est-ce qui relève des médias, qu’est-ce qui relève de la presse professionnelle et qu’est-ce qui relève simplement de l’intox et de l’activisme. Donc nous sommes dans un environnement aujourd’hui qui remet tout en cause, qui exige que nous ayons une lecture plus sérieuse de cet environnement-là. Je pense que dire qu’en aucun cas, nul ne devrait répondre pénalement de ses agissements quand bien même cela porterait gravement atteinte, préjudice à quelqu’un, je viens de vous donner un exemple, quelle peut être la réparation financière compatible avec les moyens de celui qui est concerné ? Quand un journaliste commet un tel délit et qu’on le condamne à payer un million d’amende pour réparation, il ne peut pas le payer, qu’est-ce qui va se passer ? On l’a observé. Les gens n’ont rien à faire des condamnations financières. Et ce genre de situation, aujourd’hui, pour moi, je ne peux pas dire que c’est une vérité absolue, il est important que chacun puisse répondre, les uns autant que les autres, de ce qu’ils font devant la loi.

On l’aura compris, monsieur le président de la République, les Béninois peuvent compter sur vous pour défendre et renforcer notre démocratie.

Absolument ! Ah oui ! J’y tiens.

Alors, ceci nous emmène au deuxième volet de notre entretien qui est consacré aux réformes sur le multipartisme, les réformes institutionnelles et politiques également. Je vais aborder immédiatement la question de la réforme du système partisan. Nous étions partis d’à peu près 300 formations politiques à 12 aujourd’hui. Une de vos réformes a permis d’arriver à ce résultat. Naturellement, ce n’est pas du goût de tout le monde. Il y a ceux qui applaudissent et ceux qui trouvent simplement que c’est un reniement de notre démocratie, que c’est un reniement d’un des acquis fondamentaux de la conférence nationale parce que tout le monde avait applaudi à la fin de la conférence l’avènement du multipartisme intégral. Alors, partir de 300 pour arriver à 12, pour certains, c’est tout simplement un scandale.

Mais la réforme du système partisan n’a pas remis en cause le multipartisme intégral. Nous avons simplement dit que du fait que la Constitution ait réservé aux partis politiques l’animation de la vie politique, la génération des gouvernants… Parce que pour siéger en tant que député, il faut être présenté par un parti politique et l’Assemblée nationale est le lieu consacré du débat politique, nous avons dit que pour être un élu local, communal, il faut être présenté par des partis politiques. C’est ce choix politique que nous avons fait, consacré par la Constitution depuis 30 ans, qui donne donc aux partis politiques le privilège voire la responsabilité de produire les gouvernants et de diriger la cité. Le Bénin est un pays unique du nord au sud, de l’est à l’ouest. Est-ce qu’un parti politique qui a vocation à conquérir le pouvoir et l’exécuter peut être sans gêne un parti de quartier, de région, d’une ethnie ?
Normalement, non. L’idéal pour nous, c’est que les partis aient l’envergure nationale compatible avec la responsabilité nationale qui va avec l’exercice du pouvoir. Nous avons pu constater que depuis que nous avons proclamé le multipartisme intégral, il n’y a pas eu au Bénin un seul parti politique d’envergure nationale. Alors, on croise les bras, on laisse faire ou on tente quelque chose pour inciter, pour susciter la création de grands partis politiques d’envergure nationale ? C’est ce que nous avons fait. C’est ce qui a été fait, c’est ce que les acteurs politiques eux-mêmes ont souhaité. Et la réforme actuelle exige que les partis politiques qui ont la responsabilité même exclusive d’animer la vie politique, de produire les dirigeants politiques, que les partis politiques doivent avoir une envergure nationale, ils doivent être représentés partout dans le pays, ils doivent être en mesure tout au moins de présenter des candidats aux élections législatives dans toutes les circonscriptions du Bénin. Pareil pour les élus communaux. Ce sont ces règles souhaitées de tous qui conduisent à la fusion de plusieurs partis politiques et qui font qu’aujourd’hui nous avons 12 partis politiques. Ce n’est pas parce que nous avons décrété qu’il n’y ait que 12, 4, 5 ou 20 partis politiques. Nous avons dit simplement que pour exercer le pouvoir politique au Bénin, il faut avoir l’envergure nécessaire compatible avec la responsabilité nationale. Et si les gens se sont regroupés, ont fusionné, et aujourd’hui nous avons 12 partis politiques, c’est à saluer. C’est formidable.

Cette réforme est-elle censée aussi régler la question de la transhumance politique ? Ces derniers temps, on a remarqué ce jeu de chaises musicales entre le Br et l’Up qui se réclament de votre majorité, qu’est-ce que vous en dites ?

La transhumance est un travers de notre système. Cela n’existe pas qu’au Bénin. Je voudrais vous dire que ce comportement est regrettable. On peut dire que c’est le côté éthique, moral de l’activité politique. Nous n’avons nulle part pris comme élément majeur des réformes, la transhumance politique. En fait, à mon avis, la transhumance politique n’est pas si préjudiciable à la responsabilité politique des acteurs au sens de ce que je viens de décrire, c’est-à-dire avoir l’envergure nationale qu’il faut pour exercer le pouvoir. Que quelqu’un ne se sente plus bien dans un parti politique et aille dans un autre, pourvu qu’il soit dans un parti politique d’envergure. Mais ce comportement qui parfois est lié à la recherche de positionnement et d’intérêt individuel est un travers moral des acteurs politiques, pour moi. Ces choses seront corrigées progressivement car ce n’est pas évident que ce soit par la loi que nous parviendrons à les corriger. Je n’ai pas l’illusion que nous ferons des Béninois, du jour au lendemain, des saints. Ce n’est pas qu’en politique seule qu’il y a des travers du genre. Au fil du temps, nous allons parvenir à faire notre modèle et corriger nos travers. Mais on ne peut pas vouloir que la loi, instantanément, règle tout et vise à contraindre les gens à rester dans un parti qui ne leur conviendrait plus. Vous serez les premiers à dénoncer. Il faut que nos lois soient compatibles avec les exigences du respect de la liberté individuelle.
Monsieur le président, sans vouloir personnaliser le débat, il y a tout de même un de nos enseignants du supérieur qui est professeur de sciences politiques et de droit constitutionnel qui estime que s’agissant de la réduction du nombre des partis politiques, cela devrait se faire de façon naturelle. Et qu’on n’a pas besoin de le faire au forceps.

Pourquoi vous insistez sur élimination ou réduction des partis politiques ? Personne n’a réduit le nombre de partis politiques au Bénin. Nous avons dit avec la classe politique tout entière que pour aller à la compétition des législatives, il faut présenter des candidats dans tout le Bénin. Pour exercer le pouvoir législatif, il faut avoir une représentativité minimum de 10 % de l’électorat au plan national. Tout cela pour parvenir à une cohésion dans l’exercice du pouvoir par les groupes politiques. Comment voulez-vous qu’un conglomérat d’une dizaine, vingtaine ou trentaine de groupes politiques, se mette ensemble pour exercer le pouvoir de manière efficace. Il faut aussi que les groupes politiques qui ont vocation à exercer le pouvoir, aient une taille minimum critique et cohérente dans l’action de la gouvernance. Ce sont ces éléments-là qui ont incité les acteurs politiques à se regrouper pour nous donner aujourd’hui, une douzaine de partis politiques. Je ne vois pas ce qui est trop forcé, même si les uns et les autres ont fait des efforts sur eux. Il faut reconnaitre que ce sont des mesures de compétition et on a relevé des mesures d’exigence pour l’intérêt national. Mais ce qu’il faut est de voir si ces exigences sont compatibles ou non avec la bonne gouvernance et le développement. Ces exigences sont superflues ou pertinentes. D’ailleurs, quand ce qui est bien doit être obtenu par tous les moyens, est-ce que c’est critiquable ? Quand il faut mettre au monde un enfant et il y a des difficultés, on y va quand même. Ce qui est bien et utile, nécessaire pour l’intérêt général ou l’intérêt individuel, même quand c’est pénible, ça demande des efforts et des sacrifices, il faut le faire. C’est ma façon de comprendre mon action, mon rôle, ma mission.

Même au moment où nous parlons de près de 300 partis en 2015 par exemple, aux législatives, sur près de 300, vous en avez au plus une vingtaine en alliance qui avaient participé aux législatives, n’y avait-il pas déjà cette loi de sélection naturelle ?

C’est plus que cela, ce n’est pas une vingtaine. La question que je vous pose …

Là, les rôles sont inversés monsieur le président.

Nous avons dit au début que c’est une causerie.
Nous vous le concédons.

Ma question est celle-ci : est-ce qu’il est convenable qu’un parti politique qui a vocation à exercer le pouvoir politique soit d’une taille minimum, soit d’une représentativité minimum ? Cela a du sens ?
Est-ce que c’est favorable à la bonne gouvernance ? Favorable à la cohésion de l’action gouvernementale ? Vous suivez dans le monde, les pays dans lesquels nous avons de grosses coalitions, c’est toujours difficile. Personne ne souhaite que cela soit des coalitions hétéroclites qui gouvernent. Cela n’est jamais bon. Je vais vous dire, prenez les gouvernements précédents, vous n’allez pas trouver 2 ou 3 ministres provenant d’un même groupe politique. On est obligé de faire de fréquents remaniements pour satisfaire la multitude de partis politiques en attente. Dans ce cas, comment avoir une vision de développement cohérente pour le pays quand les portefeuilles doivent changer de main tous les ans. Et ça, ce sont les conséquences de notre modèle existant.


Qui vient d’être réformé de toutes les façons.

Et je pense utilement !

Aujourd’hui plus qu’au départ, on peut voir que beaucoup de partis ont eu cette facilité de se formaliser. Est-ce qu’il n’y a pas aussi cette crainte de retomber dans le multipartisme pléthorique qu’on était censé régler ?

J’espère bien que non. S’il y a 30, 40 partis politiques qui sont d’envergure nationale parce que nous sommes quand même 11 millions d’habitants, si tous les adultes s’inscrivent dans les partis politiques, on peut avoir une centaine, c’est bien possible. Mais une chose est certaine, il ne peut pas avoir plus de 10 partis politiques représentés au Parlement à cause du seuil de la représentativité exigé pour les partis politiques, c’est-à-dire recueillir 10 % des suffrages exprimés pour avoir droit au partage des sièges à l’Assemblée nationale. Ce qui veut dire qu’au maximum, c’est 10 partis politiques qui peuvent être représentés au Parlement. C’est déjà beaucoup d’avoir 10 partis politiques au Parlement.

Monsieur le président, toujours au chapitre des réformes institutionnelles, après 2 tentatives infructueuses, on peut dire que le toilettage de la Constitution a eu lieu à la 3e tentative et la faveur du dialogue politique que vous avez instauré. Au nombre des réformes, on peut citer l’intégration de la Cour des comptes dans notre Constitution. La Haute cour de justice a été réformée un tout petit peu. Considérez-vous ces amendements comme des avancées notoires ?

Je ne pense pas que nous ayons pu tout faire. Vous avez dit que c’est une 3e tentative de toilettage et il en aura d’autres. Une Constitution n’est pas un texte inscrit dans le marbre et ne peut subir aucune modification, quelles que soient l’époque, la génération et les réalités. Je n’ai pas non plus l’illusion qu’en mon temps, nous serons capables de faire tout ce qu’il convient de faire. Un pays est une dynamique et chacun fait sa part. C’est pour cela que je n’ai pas fait de l’échec de la révision de la Constitution que j’ai introduite la première fois, un problème majeur. Je veux seulement noter que ce qui vient d’être fait, relève davantage de la volonté de la classe politique que de la mienne. Je veux qu’on se le dise. La plupart des éléments qui ont été retouchés, proviennent d’un consensus obtenu entre les acteurs politiques ayant siégé au Dialogue politique. Cela pour moi est une leçon. J’ai voulu au début du mandat aller à la réforme constitutionnelle parce que cela faisait partie de mon diagnostic et de mes propositions pour améliorer notre environnement et pouvoir nous développer. Mais c’était quelque chose qui provenait de ma vision et de celle de mon gouvernement. Cette fois-ci que la vision est venue d’un ensemble plus large d’acteurs politiques, cela a prospéré. Moi, je tire leçon de ce succès et à l’avenir, c’est ainsi qu’il faut voir les choses pour trouver les voies et moyens d’avoir plus d’adhésions à une idée pour la faire prospérer et la faire aboutir. Pour moi, ce n’est déjà pas mal, le reste viendra. La Haute Cour de justice, les textes n’ont pas été toilettés pour la rendre plus efficace de sorte que les dirigeants puissent répondre systématiquement de leurs faits, de leurs agissements, de la manière dont ils ont géré les affaires publiques. Dans le premier projet de révision, nous avions voulu toucher mais au Dialogue politique, cet élément n’a pas été révélé indispensable. Je ne suis pas revenu sur mes propositions du début, ce n’était pas mon ambition, cela viendra un jour.

Nous allons aborder le volet consacré à la lutte contre l’impunité et la mauvaise gestion. C’est un sujet qui fâche mais on va essayer de l’aborder avec tact. Le dernier rapport de Transparency International a classé le Bénin au 80e rang sur une liste de 180 pays pour l’indice de perception de la lutte contre la corruption. Il faut dire qu’en 2016 quand vous arriviez aux affaires, le Bénin occupait la 95e place et puis il a progressé de 5 points en 5 points, finalement nous sommes à la 85e place en 2018. Et voici que pour l’indice de 2019, le Bénin se retrouve à la 80e place. C’est dire que même Transparency International a su apprécier la qualité du travail qui est fait au niveau du Bénin, il y a une nette progression. C’est la perception, vue de l’extérieur. Il y a maintenant ce que pensent les Béninois à l’intérieur. Pour bon nombre de Béninois, cette lutte qui devrait être contre l’impunité, on vous reproche de s’en servir pour régler des comptes à des personnes qui ne penseraient pas comme vous.

Je l’ai entendu maintes fois. Ma réponse est simple. D’abord, pour revenir sur l’appréciation internationale de la lutte contre l’impunité, nous avons progressé de quelques rangs mais mon ambition est d’être 1er. Je voudrais que dans le monde entier, le Bénin soit cité comme le pays où la lutte contre l’impunité est la plus appréciable. Je voudrais être premier, je voudrais que le Bénin soit premier. Mais c’est une dynamique donc cela ne peut pas se décréter ni se réaliser du jour au lendemain. Nous faisons des petits pas dans ce domaine et si à l’international ça se perçoit, à l’intérieur du pays, je ne pense pas que le plus grand nombre ne voie pas que les choses changent. Alors, est-ce que la lutte est sélective ? Je ne pense pas. Ce n’est pas ma nature intrinsèque ou personnelle. Politiquement, je n’ai pas l’impression qu’aucun de ceux qui sont mes proches ou qui ont été mes partisans les plus actifs, même pour l’arrivée dans la fonction, aucun n’a été inquiété. Cela n’est pas vrai. Je ne vais pas citer de noms mais vous savez très bien que des gens qui ont été très actifs pour l’arrivée dans ma fonction, que certains ont dû répondre de leurs actes. D’ailleurs, c’est l’occasion pour moi de saluer leur courage car ils n’ont pas fui quand ils ont été interpellés. Ils ont accepté d’aller devant la justice pour répondre de leurs actes et d’exécuter les peines de prison pour répondre à cette exigence qu’ils ont prônée. Mais de manière générale, quels sont les hommes qui ont gouverné, qui ont exercé des fonctions, qui ont géré les ressources publiques ? C’est davantage ceux qui l’ont fait avant notre arrivée qui sont concernés. Donc, qu’il y ait des audits sur l’action des gouvernants passés, cela s’interprète comme des audits sélectifs. Mais voulez-vous que nous laissions ce qui a été fait pour ne regarder que ce qui est en cours ?
D’ailleurs, techniquement, c’est compliqué. Ce qui est sûr, même si nous demandons à ceux qui ont exercé des fonctions d’intérêt public, ceux qui ont géré la chose publique, on leur demande de rendre compte et que cela est instauré, il est évident que quand nous partirons, ceux qui ont géré, devront à leur tour répondre de ce qu’ils ont fait avec les prochains gouvernants. Dans tous les cas, il faut commencer un jour. Jusque-là, jamais personne ne répond de ses actes, notamment les dirigeants de la cité. Jamais ! Cette appréciation est subjective. Je ne veux pas systématiquement dénier à mes compatriotes le bien-fondé de leur jugement. Certains le disent de bonne foi. Certains le disent parce qu’ils sont des opposants. Mais je reconnais que mes compatriotes qui font des critiques à propos de l’action gouvernementale, ne sont pas tous de mauvaise foi. Et cela pour l’amélioration de ce que je fais. Ce faisant, il est bien de faire attention aux critiques mais de ne pas s’arrêter à cause des critiques. Essayer de s’améliorer et de faire mieux les choses. Et je peux vous dire que j’ai la volonté de faire attention à tout ce qui se fait en mon temps, de prévenir mes collaborateurs et de sanctionner systématiquement quand j’ai la conviction que quelque chose est fait en mon temps et est contraire à l’intérêt général.
Monsieur le président, les Béninois veulent savoir quelle est votre approche du développement, quelle est l’idéologie dont vous êtes le plus proche. Nous allons vous faire deux projections. D’abord il y a une citation de l’Abbé Pierre qui dit : « L’histoire de peuple est faite de longues disciplines et de soudaines indisciplines. Il arrive un moment où quelqu’un sort du lot et dit Non ». Une manière de rebattre les cartes. C’est cela qu’on a voulu interpréter en parlant au niveau africain de la méthode attribuée à l’ancien président ghanéen Rawlings et à l’ancien président burkinabé, feu Thomas Sankara. C’est-à-dire cette méthode révolutionnaire qui consiste à mettre le pied dans le plat, mettre fin à la récréation. Il y a une autre conception qui veut que, que vous le vouliez ou non, on vous fera le développement, la dictature du développement. Votre prédécesseur l’a d’ailleurs promis aux Béninois. En regardant les deux approches que nous venons de vous présenter, de quelle tendance vous êtes le plus proche en matière de développement ?

Moi, je n’ai pas d’idéologie. Je suis pragmatique. Je note que mon pays a besoin de satisfaire ses besoins les plus essentiels à savoir l’eau, l’électricité, les pistes rurales, la route, l’école, la santé, bref tout nous manque. Je pense que c’est quand on a des biens à partager, qu’on peut avoir une idéologie. L’idéologie du partage :
qui fait quoi ? qui prend quoi ? qui prend plus que qui ?
Mais quand vous n’avez rien, tout vous manque, votre seule idéologie, c’est de tout faire pour qu’il y ait le minimum. C’est la situation du Bénin. C’est pourquoi, je pense qu’à l’étape où nous sommes, il n’y a pas véritablement d’idéologie pour conduire l’action gouvernementale. Il faut parer au plus pressé. Il faut satisfaire les besoins les plus indispensables au développement. Alors, est-ce que faire ce qui est bien par tous les moyens est une dictature ? Alors, pour utiliser l’expression la dictature du développement, le développement est indispensable au peuple et à la Nation donc aux individus, le bien-être moral, physique, matériel est indispensable. C’est la quête de tout le monde. C’est ce à quoi tout le monde aspire. Trouver les moyens de satisfaire ses besoins, les satisfaire par tous les moyens, même si on peut ne pas être compris, et qu’on est de bonne foi, et qu’en plus l’action porte ses fruits, est-ce que cela doit s’appeler dictature du développement ? Moi je ne sais pas. Le mot dictature me paraît trop fort, très péjoratif, pour que l’on l’utilise pour la satisfaction des besoins essentiels. Je pense qu’en toutes choses, surtout en ce qui concerne les communautés humaines, leur évolution, leur vie, quelle que soit leur époque, il faut qu’il y ait parfois des gens pour faire le diagnostic, le point de ce qui ne va pas et de ce qui se passe. C’est le rôle d’un gouvernant de faire le diagnostic et de proposer des solutions aux problèmes du jour, de l’heure. Est-ce que c’est mettre les pieds dans le plat ou bien c’est dire aux siens : « ça suffit. On peut faire les choses autrement. On peut bien faire les choses. On peut résoudre les problèmes par tel ou tel moyen ». Si c’est cela
« Mettre les pieds dans le plat », moi, je veux bien !
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Donc, on vous sent proche de cette théorie-là.

Mais pourquoi se contenter tout le temps de ce qui ne va pas, parce que c’est nos habitudes ?
On dit : « C’est bon. Nous sommes faits comme ça. Nous agissons comme ça. C’est notre façon de vivre » même si cela est incompatible avec le bien-être de tous. Mais si quelqu’un peut, par moments, dire : « Mais non !
Ce n’est pas bien ! On peut faire autrement, c’est faux que la pauvreté est une fatalité » parce qu’en ce qui me concerne, que quelqu’un ne puisse jamais venir dire : « Non, la pauvreté n’est pas une fatalité, nous pouvons nous développer », ce serait malheureux. Si dans une génération, il y a un seul ou plusieurs et que c’est cela « Mettre les pieds dans le plat », je veux bien !

À la différence que vous, vous n’êtes pas un militaire, vous êtes un civil. Les autres qu’on a cités pour illustrer les propos de l’Abbé Pierre, c’étaient des militaires, Rawlings, Sankara. Mais vous, vous êtes le civil qui met les pieds dans le plat… si on peut résumer ainsi !

Oui, il y a plusieurs façons d’interpeller la conscience des siens. Je pense qu’en ce qui concerne le Bénin, les Béninois ont donné la preuve qu’ils sont capables de changer leur destin, de subir des mutations. Nous l’avons fait en 1990 par la Conférence nationale. C’est ce que nous célébrons d’ailleurs. Nous disons: « ça fait 30 ans qu’on l’a fait ». Nous avons cette faculté. C’est pour ça que je dis « Le Bénin est un grand peuple ». Nous sommes capables à un moment donné de faire le bilan de notre parcours et de dire Stop !
On l’a fait il y a 30 ans. Nous sommes en train de le faire à nouveau, de dire 30 ans après, nous avons instauré la démocratie, les libertés, le modèle de l’économie libérale. Nous avons vu que nous n’avons pas été en mesure d’exploiter tout cela pour le développement, qu’on ne s’est pas mis scrupuleusement au travail. On a pensé que la Conférence nationale suffirait à elle seule pour créer la richesse, le développement, les emplois. On vient de constater que ça n’a pas suffi. Voilà ce qui nous a manqué. Et, nous avons dit :
« Nos habitudes, nous allons les corriger, nous allons faire plus d’efforts, nous allons faire des sacrifices. Nous allons perdre des choses, des libertés qu’on avait et qui devenaient incompatibles avec l’intérêt général. Nous étions pratiquement dans l’anarchie qui est une forme de démocratie, vous le savez très bien ! L’anarchie est la forme de démocratie la plus avancée. Mais si l’anarchie ne sert pas le développement, on peut mettre fin à ça et dire « Non, que chacun reste dans le droit chemin ». Le peuple béninois l’a montré dans son histoire, dans son parcours, et ce qui se passe actuellement est l’illustration de cette capacité que nous avons à faire de la mutation pacifiquement.

Aujourd’hui, ça fait 30 ans que la Conférence des Forces vives de la nation a démarré. On remarque que la jeune génération ne connaît presque rien de cette Conférence. Est-ce que le gouvernement, à l’occasion de cet anniversaire, compte peut-être éditer des documents à l’usage des élèves et étudiants par exemple ?

Oui, avec le gouvernement, nous avons prévu de célébrer nos 60 années d’indépendance avec les 30 ans de la Conférence nationale. Ce sont deux étapes majeures dans notre vie. Les Indépendances et ce nouveau départ d’il y a 30 ans. Puis, ce 3e évènement est à nouveau un autre départ. C’est vrai que les nations feront toujours de nouveaux départs, en fonction des exigences du temps. Donc, nous allons avoir un vaste programme de célébration de ces valeurs du Bénin : l’Indépendance, la Conférence nationale. L’expérience qui est en cours, d’abord pour rappeler aux uns et aux autres le parcours qui a été le nôtre, celui de notre génération parce que 60 ans, ce n’est pas si loin que ça. Je venais de naître, c’est vrai, il n’y a pas longtemps ! Mais la Conférence nationale, je l’ai vécue, comme je vous l’ai dit, avec euphorie, avec enthousiasme. J’étais déjà un acteur de la place. Aujourd’hui, je suis quelque part où je voudrais montrer aux Béninois que nous avons les capacités qu’il faut, nous avons même la grâce de pouvoir agir par nous-mêmes pacifiquement pour changer notre destin. Nous allons donc célébrer, nous allons avoir un programme important de rappel, d’appréciation, de critique et même de célébration par des activités festives pour marquer cette conjonction de l’Indépendance nationale il y a 60 ans et des 30 ans de notre Conférence nationale.

Monsieur le président de la République, les Béninois nous en voudront si nous ne portons pas à votre attention une question qui revient comme une rengaine dans tous les débats que nous avons suivis depuis le début de ce mois de février à propos de la Conférence nationale. Unanimement, les Béninois veulent que quelque chose reste sur les lieux où se sont déroulés les travaux de cette Conférence. Quand on regarde le bâtiment aujourd’hui, qui a abrité les travaux de la Conférence nationale, on est un peu écœuré. On se demande: « Mais où sommes-nous, et où allons-nous ? Qu’est-ce que nous faisons de ce patrimoine-là ? » Alors, est-ce que pour la célébration des 30 ans, vous avez une annonce à faire aux Béninois sur le devenir de cette salle de conférence, ce lieu mythique de notre démocratie.

La salle de conférence de l’hôtel Plm Alédjo a été le cadre où s’est tenue cette conférence ; et cela, pour ceux qui l’ont vécu, constitue un endroit mythique. Mais le mythe réel, et le patrimoine qu’il faut préserver, c’est le contenu de ce qui s’est passé lors de cette Conférence nationale. D’ailleurs, quand nous évoquons la Conférence, nous ne voyons pas la place où les débats ont eu lieu véritablement. Je dois vous dire que le symbole que constituerait la salle de conférence de l’hôtel Plm Alédjo, ne me paraît pas être vu par tous les Béninois comme véritablement le symbole de cette mutation. Notre Constitution, les textes qui sont issus de la Conférence nationale, constituent pour moi le symbole le plus fort, le souvenir le plus fort de ce que nous avons fait en 1990. Le Plm Alédjo, malheureusement, est tombé en ruine. Nous n’avons pas su faire les investissements qu’il faut pour l’entretenir. Mais nous venons de faire un investissement important à Akpakpa dans la zone, en faisant les aménagements de protection de notre côte, de sorte à faire également de ce lieu un espace balnéaire. Nous avons près de 30 hectares d’eau maîtrisée qui constituent pratiquement un lac marin. C’est un patrimoine économique, touristique important. L’idéal serait que cette zone, avec l’esprit de la Conférence nationale, devienne pour nous un facteur de création de richesse, d’emploi, de développement. Si ce lieu Plm Alédjo peut être le symbole de notre développement touristique, avec un complexe hôtelier extraordinaire qui va drainer des centaines, des milliers de personnes tous les ans, créer de l’emploi, créer de la richesse, nous rendrons davantage service à notre nation que de garder quelque chose en ruine. Ma volonté, mon souhait, c’est que le Plm Alédjo et le lac marin qui le jouxte, constituent un complexe balnéaire de développement touristique.

Donc, d’une manière ou d’une autre, ça va être réhabilité.

Tout à fait ! Mais je ne pense pas qu’il serait pertinent de vouloir garder les lieux tels quels, un symbole de ce que la Conférence nationale a été. L’idéal serait que ce lieu soit également porteur de ce qu’a été la Conférence parce que c’était pour notre développement que nous avons fait cette Conférence. C’était l’espoir de développement. Alors, ce lieu sera effectivement, pour demain, la preuve que le développement qui a été évoqué, à l’occasion de la Conférence, est une réalité au Bénin.

Est-ce que le nom restera Plm ?

Entre le mot Plm, le mot Alédjo ou le tout, demain, quel nom il faut donner. Mais moi, si c’est mon expérience personnelle, mon émotion personnelle, je voudrais bien que tout ce qui se fera sur ces lieux immortalise le nom Plm Alédjo. Je voudrais bien !

Merci monsieur le président de nous avoir accordé cet entretien qui a été consacré aux réformes du gouvernement en lien avec les acquis de la Conférence des Forces vives de la Nation 30 ans après. Nous retenons en tout cas que vous maintenez le cap des réformes et que d’ailleurs, certaines de ces réformes commencent à produire des résultats. Il reste à souhaiter qu’elles soient désormais bien perçues et surtout moins douloureuses pour nos concitoyens.

C’est ma prière, c’est mon souhait, et je pense que les réformes sont, il est vrai, dans leur mise en œuvre, difficiles pour les uns et les autres, parfois un peu pénibles, parfois exigent des sacrifices. Et c’est pour cela que je voudrais à nouveau inviter mes concitoyens, les uns et les autres, à croire à notre destin commun, à croire à notre capacité de mutation, à notre capacité à vaincre nos démons, à corriger nos travers pour enfin trouver le développement. Il n’y a pas à être pessimistes parce que, on peut dire « Depuis 30 ans après la Conférence, nous n’avons pas fait grand-chose. Est-ce que dans les 30 années à venir, nous serons capables de faire mieux ? ». On peut observer que des choses qui paraissaient inimaginables sont en cours et que c’est ça l’histoire des nations. Parfois, les choses peuvent mettre du temps à se faire. Puis, il peut y avoir aussi une accélération dans le développement. Nous l’observons. C’est ma volonté. Nous y travaillons, et chacun de mes concitoyens contribue à cela. C’est fort appréciable, et c’est ainsi que nous allons davantage donner du sens à notre idéal exprimé, matérialisé, consigné à l’occasion de la Conférence des Forces vives de la Nation il y a 30 ans. Nous allons jouer notre partition pour donner à la Conférence nationale un contenu concret.


Les tares qui ont conduit au chaos à la fin des années 80, ont demeuré sous une forme ou une autre, après l’historique Conférence nationale des forces vives de la nation béninoise, à travers la corruption restée impunie jusqu’il y a peu encore, avec son corollaire de mauvaise gestion du bien public. De même, le multipartisme intégral consacré par la Conférence nationale, a subi une transformation loin de mener le pays de l’avant. Le chantre du Nouveau départ, tout en s’appropriant les acquis de ladite conférence, estime pour sa part que le développement qu’elle est censée impulser doit prendre le pas sur toute autre considération. Du moins, c’est la substance de sa réponse aux questions de ses intervieweurs relativement aux acquis de la Conférence nationale et le sens des réformes impulsées par son gouvernement. C’est au cours d’un entretien diffusé sur la télévision nationale ce mercredi 19 février et portant sur le thème évocateur « La conférence nationale, 30 ans après »… Toutes actions gouvernementales, marquées par un sens élevé de responsabilité, de la rigueur et du sérieux au service du pays, qui préfigurent d’une nouvelle ère pour le Bénin, en application de la vision dans laquelle la conférence s’est inscrite, à savoir le développement. Voici in extenso l’entretien conduite par André Marie Johnson, journaliste ayant vécu la conférence, reporter de l’Ortb et Gaston Yamaro de la radio communautaire Deeman émettant au nord du Bénin.

Monsieur le président, vous n’étiez pas parmi les 493 délégués à cette conférence, mais comment l’avez-vous vécue en son temps en tant que citoyen béninois ?

C’est vrai, je n’avais pas eu le privilège d’être un acteur direct de cet événement majeur, historique pour ma génération. J’avais 32 ans, j’étais opérateur économique très concerné par la vie politique, sociale et économique de mon pays. Ce qui conditionne bien évidemment mes ambitions mais je me souviens très bien que j’étais rempli d’enthousiasme, euphorique même en suivant en direct sur les ondes de la Radio béninoise le déroulement de cette conférence qui, pour moi, constitue le fait majeur, fondateur de la nation béninoise, après notre indépendance. C’était un événement important pour nous, fondateur de tous les espoirs. Je peux vous dire qu’en ce moment, il n’y a pas eu un seul Béninois qui ait été indifférent à la portée de l’événement. Qui d’entre nous à l’époque n’a pas été envahi par une fierté de vivre une mutation dans une telle ambiance, sans effusion de sang, en bonne convivialité ? Qui n’a pas été envahi par l’espérance, l’espérance de démocratie, de liberté, de développement ? C’était pour nous le nouveau départ, la renaissance du Bénin, le point zéro.

Monsieur le président, vous avez annoncé pendant votre campagne en 2016 que le Bénin
devait être réformé. Et vous avez d’ailleurs annoncé les grands axes sur lesquels vous feriez ces réformes. Une fois arrivé au pouvoir, vous avez commencé les réformes. L’une d’elles, nous allons en parler, il s’agit des réformes sur les libertés individuelles et collectives. Et là, nous nous focalisons sur les lois qui ont été prises pour encadrer le droit de grève au Bénin. Ça a suscité un tollé dans l’opinion. Certains n’ont pas hésité à dire que c’était un reniement ni plus ni moins des grands acquis de la Conférence nationale. Qu’est-ce que vous répondez à ceux qui ont pensé ça ?
Vous savez, la Conférence des Forces vives de la nation béninoise a été pour la plupart d’entre nous la renaissance de notre espérance de développement dans un environnement de liberté et de démocratie. Pour certains, tout cela devait suffire pour nous développer, pour nous épanouir. Comme je l’ai dit tantôt, en fait, c’était le point de départ, le point zéro. On ne peut pas penser, espérer comme certains de nos citoyens que la Conférence nationale, les textes fondateurs de notre nouvelle dynamique, suffiraient à eux seuls pour créer le développement, créer la richesse, créer les emplois. Jusqu’aujourd’hui d’ailleurs, beaucoup d’entre nous continuent de penser que les acquis de la Conférence suffisent. Et en termes d’acquis, c’est notre choix politique fondamental de démocratie et d’économie libérale. Mais 30 ans sont passés et quand on fait le bilan de notre évolution, de ce que nous avons fait de notre pays, de ce que ce nouvel environnement nous a permis de construire, est-ce qu’on peut être fier du parcours, des résultats ? Tout le monde reconnaît que nous manquons de tout, même les choses les plus caractéristiques de ce que nous avons été : l’école s’est dégradée, la santé, n’en parlons plus ; les infrastructures minima ;
le confort de vie, l’eau, l’électricité, manquent à la plupart de nos concitoyens. Alors, est-ce que nous restons sur cette lancée de fierté des textes qui fondent à nouveau le Bénin depuis ce temps-là ? Nous nous refusons de diagnostiquer notre environnement pour voir qu’est-ce qui fait que le développement n’est pas au rendez-vous 30 ans après. Le rôle des dirigeants, le rôle des gouvernants de la cité, c’est bien celui-là. Faire le diagnostic et procéder aux ajustements nécessaires, susceptibles d’impulser enfin le développement. C’est ce que j’ai essayé de faire avec mon équipe et cela peut être diversement apprécié. Est-ce qu’il n’était pas temps de réformer nos habitudes, de nous mettre au travail plus sérieusement ? Les réformes, ce n’est que ça. Je peux vous dire que pour nous développer, et d’ailleurs comme la plupart des communautés humaines, quelle que soit l’époque, quelle que soit la région, il n’est pas nécessaire d’avoir du pétrole, d’avoir du diamant, d’avoir du bois, d’avoir des richesses du sous-sol. Ce n’est pas nécessaire, ce n’est pas indispensable. Toutes les communautés humaines, quelle que soit l’époque, ont su affronter les conditions de vie, les obstacles à leur développement et avec leurs mains et leurs têtes, elles ont su transformer leur environnement, apporter une réponse à leurs préoccupations, leur besoin de se développer. Le pétrole en soi, brut, n’est pas une richesse. Il a fallu le transformer pour en faire une richesse à la dimension de ce que nous connaissons aujourd’hui.
Or, ce qui caractérise cette capacité de l’homme à avancer, à transformer son environnement, c’est son sérieux, sa rigueur, son abnégation à faire ce qu’il convient de faire. Et cela seul peut suffire. D’ailleurs, pas peut suffire. Cela seul suffit. Au Bénin, on peut noter que dans la plupart des secteurs de vie, nous avons manqué et nous manquons de sérieux, de rigueur, de détermination, de volonté. Si nous l’avions eu, nous serions développés à coup sûr. Combien de nations ne nous ont pas donné l’exemple dans le monde ? Elles se sont développées parce qu’elles se sont mises au travail. Combien d’entre nous, pris individuellement, issus de familles pauvres, dans un environnement défavorisé, ne sont pas parvenus au sommet de la hiérarchie sociale parce qu’ils ont été déterminés, laborieux, sérieux, volontaristes ?
C’est la seule chose que j’ai demandée, que je prie chaque fois mes concitoyens de faire ; ce en quoi je demande qu’il y ait une foi, une vraie adhésion : corriger nos tares, nos insuffisances humaines pour travailler de manière plus sérieuse, plus laborieuse. Et c’est cela, les réformes. Ce n’est pas plus que ça.

Si nous venons sur le terrain des libertés individuelles, on peut faire référence à une publication d’Amnesty international en date du 20 janvier qui parle d’un climat de peur et de censure ; d’ailleurs, en évoquant 17 activistes et journalistes en prison à la lumière du code du numérique. Est-ce qu’on peut dire que les libertés ont reculé, que la liberté d’expression a reculé au Bénin ?

Je n’ai pas évoqué la notion de liberté spécifiquement en parlant de réformes. Je vous ai dit que les réformes, pour moi, constituent la solution à nos problèmes qui sont caractérisés par nos insuffisances. Plus particulièrement en ce qui concerne les libertés, je n’ai pas l’impression, je ne vois pas que les réformes nous ont fait perdre notre liberté, la démocratie ou la liberté tout court. Ces choix que nous avons opérés il y a 30 ans à la satisfaction de tous les Béninois, de la nation entière sont à préserver. D’ailleurs, notre pays reste un pays de démocratie moderne. Les libertés ne sont pas compromises. Pour moi, quand j’observe mon pays, j’observe la manière dont les choses évoluent, le pays change tout doucement à nos yeux, je n’ai pas l’impression que nous avons perdu la liberté de faire ce qui est permis et compatible avec l’intérêt général. On a peut-être perdu la liberté de faire impunément ce qui n’est pas compatible ou est préjudiciable à l’intérêt général. On a perdu cette liberté de faire les choses impunément.

Donc, vous n’observez pas ce sentiment de peur au niveau de vos compatriotes ?

Mais, avoir la crainte de la reddition de comptes, pour moi, n’est pas quelque chose de contraire à une nation moderne, organisée, de démocratie et de liberté. Que les gens aujourd’hui soient convaincus et aient peur de devoir rendre compte de ce qu’ils font, pour moi, c’est une bonne chose. On peut choisir d’enfreindre les lois de la République mais il faut être disposé à en répondre. Alors, les gens ont peur de quoi ? Les gens ont peur de faire quelque chose qui est permis et qui est compatible avec l’intérêt général ou ils ont peur de faire des choses interdites, les choses non compatibles avec l’intérêt général ? Je veux comprendre.

Non. Nous parlons principalement de la liberté d’expression. Nous parlons des journalistes en prison. On a aussi les classements de Reporters Sans frontières qui ne sont pas en faveur du Bénin.

Moi, je n’ai jamais porté plainte, poursuivi un journaliste qui ait critiqué l’action gouvernementale, m’ait critiqué ou m’ait proféré des injures. Pourtant, on le voit. Ce genre de préjudice, en tout cas, en ce qui me concerne, n’est pas déterminant. Mais, est-ce qu’un journaliste qui est poursuivi par un autre concitoyen pour atteinte grave à ses intérêts moraux, même matériels et que la justice se prononce sur ce fait là constitue un recul des libertés ?
Vous savez, nous demandons à tout le monde de respecter l’intérêt général, de préserver l’intérêt individuel, la liberté d’aller et de venir de chacun, mais est-ce que quand l’agent de police commet des choses reprochables, il ne rend pas compte de cela ?
Est-ce que l’instituteur qui a pris un sac de riz dans le stock de la cantine de ses enfants aujourd’hui ne répond pas de ce qu’il fait ?
Pourquoi voulez-vous que parce que quelqu’un serait un journaliste, quand il porte préjudice à quelqu’un, que la personne ne porte pas plainte ? Je vais vous poser une question à vous personnellement. Un journaliste est-il un activiste de la toile ? Parce qu’aujourd’hui nous confondons tout. On confond les activistes de la toile avec les journalistes, c’est devenu aujourd’hui notre réalité. Quelqu’un prend votre image, manipule l’image et vous présente dans une position compromettante, en train de donner la preuve que vous avez une relation extraconjugale, fait vraiment de la manipulation d’image, la diffuse. Cela peut faire exploser votre ménage. Cela peut vous porter des préjudices irréparables. Si vous portez plainte et que la justice sanctionne ce fait là, est-ce un recul de la liberté de presse ?


On pourrait peut-être ne pas le dire. Mais on fait peut-être un parallèle. Avant vous, il y avait le code de l’information et de la communication qui dépénalisait le délit de presse. Aujourd’hui, on a l’impression que le code du numérique a repris cette pénalisation autrement.

Est-ce que vous n’avez pas l’impression que cette ambition que le monde entier, y compris le Bénin, a eue en disant que la critique des médias, quels que soient ses travers, doit être préservée et c’est pour cela que partout, à travers le monde on a dit : il faut dépénaliser les délits de presse et qu’il n’y ait que des condamnations financières, civiles. Mais aujourd’hui, nous sommes confrontés à la cohabitation de l’internet qui a fait une irruption spectaculaire dans ce domaine, de sorte qu’on ne sait plus exactement qu’est-ce qui relève des médias, qu’est-ce qui relève de la presse professionnelle et qu’est-ce qui relève simplement de l’intox et de l’activisme. Donc nous sommes dans un environnement aujourd’hui qui remet tout en cause, qui exige que nous ayons une lecture plus sérieuse de cet environnement-là. Je pense que dire qu’en aucun cas, nul ne devrait répondre pénalement de ses agissements quand bien même cela porterait gravement atteinte, préjudice à quelqu’un, je viens de vous donner un exemple, quelle peut être la réparation financière compatible avec les moyens de celui qui est concerné ? Quand un journaliste commet un tel délit et qu’on le condamne à payer un million d’amende pour réparation, il ne peut pas le payer, qu’est-ce qui va se passer ? On l’a observé. Les gens n’ont rien à faire des condamnations financières. Et ce genre de situation, aujourd’hui, pour moi, je ne peux pas dire que c’est une vérité absolue, il est important que chacun puisse répondre, les uns autant que les autres, de ce qu’ils font devant la loi.

On l’aura compris, monsieur le président de la République, les Béninois peuvent compter sur vous pour défendre et renforcer notre démocratie.

Absolument ! Ah oui ! J’y tiens.

Alors, ceci nous emmène au deuxième volet de notre entretien qui est consacré aux réformes sur le multipartisme, les réformes institutionnelles et politiques également. Je vais aborder immédiatement la question de la réforme du système partisan. Nous étions partis d’à peu près 300 formations politiques à 12 aujourd’hui. Une de vos réformes a permis d’arriver à ce résultat. Naturellement, ce n’est pas du goût de tout le monde. Il y a ceux qui applaudissent et ceux qui trouvent simplement que c’est un reniement de notre démocratie, que c’est un reniement d’un des acquis fondamentaux de la conférence nationale parce que tout le monde avait applaudi à la fin de la conférence l’avènement du multipartisme intégral. Alors, partir de 300 pour arriver à 12, pour certains, c’est tout simplement un scandale.

Mais la réforme du système partisan n’a pas remis en cause le multipartisme intégral. Nous avons simplement dit que du fait que la Constitution ait réservé aux partis politiques l’animation de la vie politique, la génération des gouvernants… Parce que pour siéger en tant que député, il faut être présenté par un parti politique et l’Assemblée nationale est le lieu consacré du débat politique, nous avons dit que pour être un élu local, communal, il faut être présenté par des partis politiques. C’est ce choix politique que nous avons fait, consacré par la Constitution depuis 30 ans, qui donne donc aux partis politiques le privilège voire la responsabilité de produire les gouvernants et de diriger la cité. Le Bénin est un pays unique du nord au sud, de l’est à l’ouest. Est-ce qu’un parti politique qui a vocation à conquérir le pouvoir et l’exécuter peut être sans gêne un parti de quartier, de région, d’une ethnie ?
Normalement, non. L’idéal pour nous, c’est que les partis aient l’envergure nationale compatible avec la responsabilité nationale qui va avec l’exercice du pouvoir. Nous avons pu constater que depuis que nous avons proclamé le multipartisme intégral, il n’y a pas eu au Bénin un seul parti politique d’envergure nationale. Alors, on croise les bras, on laisse faire ou on tente quelque chose pour inciter, pour susciter la création de grands partis politiques d’envergure nationale ? C’est ce que nous avons fait. C’est ce qui a été fait, c’est ce que les acteurs politiques eux-mêmes ont souhaité. Et la réforme actuelle exige que les partis politiques qui ont la responsabilité même exclusive d’animer la vie politique, de produire les dirigeants politiques, que les partis politiques doivent avoir une envergure nationale, ils doivent être représentés partout dans le pays, ils doivent être en mesure tout au moins de présenter des candidats aux élections législatives dans toutes les circonscriptions du Bénin. Pareil pour les élus communaux. Ce sont ces règles souhaitées de tous qui conduisent à la fusion de plusieurs partis politiques et qui font qu’aujourd’hui nous avons 12 partis politiques. Ce n’est pas parce que nous avons décrété qu’il n’y ait que 12, 4, 5 ou 20 partis politiques. Nous avons dit simplement que pour exercer le pouvoir politique au Bénin, il faut avoir l’envergure nécessaire compatible avec la responsabilité nationale. Et si les gens se sont regroupés, ont fusionné, et aujourd’hui nous avons 12 partis politiques, c’est à saluer. C’est formidable.

Cette réforme est-elle censée aussi régler la question de la transhumance politique ? Ces derniers temps, on a remarqué ce jeu de chaises musicales entre le Br et l’Up qui se réclament de votre majorité, qu’est-ce que vous en dites ?

La transhumance est un travers de notre système. Cela n’existe pas qu’au Bénin. Je voudrais vous dire que ce comportement est regrettable. On peut dire que c’est le côté éthique, moral de l’activité politique. Nous n’avons nulle part pris comme élément majeur des réformes, la transhumance politique. En fait, à mon avis, la transhumance politique n’est pas si préjudiciable à la responsabilité politique des acteurs au sens de ce que je viens de décrire, c’est-à-dire avoir l’envergure nationale qu’il faut pour exercer le pouvoir. Que quelqu’un ne se sente plus bien dans un parti politique et aille dans un autre, pourvu qu’il soit dans un parti politique d’envergure. Mais ce comportement qui parfois est lié à la recherche de positionnement et d’intérêt individuel est un travers moral des acteurs politiques, pour moi. Ces choses seront corrigées progressivement car ce n’est pas évident que ce soit par la loi que nous parviendrons à les corriger. Je n’ai pas l’illusion que nous ferons des Béninois, du jour au lendemain, des saints. Ce n’est pas qu’en politique seule qu’il y a des travers du genre. Au fil du temps, nous allons parvenir à faire notre modèle et corriger nos travers. Mais on ne peut pas vouloir que la loi, instantanément, règle tout et vise à contraindre les gens à rester dans un parti qui ne leur conviendrait plus. Vous serez les premiers à dénoncer. Il faut que nos lois soient compatibles avec les exigences du respect de la liberté individuelle.
Monsieur le président, sans vouloir personnaliser le débat, il y a tout de même un de nos enseignants du supérieur qui est professeur de sciences politiques et de droit constitutionnel qui estime que s’agissant de la réduction du nombre des partis politiques, cela devrait se faire de façon naturelle. Et qu’on n’a pas besoin de le faire au forceps.

Pourquoi vous insistez sur élimination ou réduction des partis politiques ? Personne n’a réduit le nombre de partis politiques au Bénin. Nous avons dit avec la classe politique tout entière que pour aller à la compétition des législatives, il faut présenter des candidats dans tout le Bénin. Pour exercer le pouvoir législatif, il faut avoir une représentativité minimum de 10 % de l’électorat au plan national. Tout cela pour parvenir à une cohésion dans l’exercice du pouvoir par les groupes politiques. Comment voulez-vous qu’un conglomérat d’une dizaine, vingtaine ou trentaine de groupes politiques, se mette ensemble pour exercer le pouvoir de manière efficace. Il faut aussi que les groupes politiques qui ont vocation à exercer le pouvoir, aient une taille minimum critique et cohérente dans l’action de la gouvernance. Ce sont ces éléments-là qui ont incité les acteurs politiques à se regrouper pour nous donner aujourd’hui, une douzaine de partis politiques. Je ne vois pas ce qui est trop forcé, même si les uns et les autres ont fait des efforts sur eux. Il faut reconnaitre que ce sont des mesures de compétition et on a relevé des mesures d’exigence pour l’intérêt national. Mais ce qu’il faut est de voir si ces exigences sont compatibles ou non avec la bonne gouvernance et le développement. Ces exigences sont superflues ou pertinentes. D’ailleurs, quand ce qui est bien doit être obtenu par tous les moyens, est-ce que c’est critiquable ? Quand il faut mettre au monde un enfant et il y a des difficultés, on y va quand même. Ce qui est bien et utile, nécessaire pour l’intérêt général ou l’intérêt individuel, même quand c’est pénible, ça demande des efforts et des sacrifices, il faut le faire. C’est ma façon de comprendre mon action, mon rôle, ma mission.

Même au moment où nous parlons de près de 300 partis en 2015 par exemple, aux législatives, sur près de 300, vous en avez au plus une vingtaine en alliance qui avaient participé aux législatives, n’y avait-il pas déjà cette loi de sélection naturelle ?

C’est plus que cela, ce n’est pas une vingtaine. La question que je vous pose …

Là, les rôles sont inversés monsieur le président.

Nous avons dit au début que c’est une causerie.
Nous vous le concédons.

Ma question est celle-ci : est-ce qu’il est convenable qu’un parti politique qui a vocation à exercer le pouvoir politique soit d’une taille minimum, soit d’une représentativité minimum ? Cela a du sens ?
Est-ce que c’est favorable à la bonne gouvernance ? Favorable à la cohésion de l’action gouvernementale ? Vous suivez dans le monde, les pays dans lesquels nous avons de grosses coalitions, c’est toujours difficile. Personne ne souhaite que cela soit des coalitions hétéroclites qui gouvernent. Cela n’est jamais bon. Je vais vous dire, prenez les gouvernements précédents, vous n’allez pas trouver 2 ou 3 ministres provenant d’un même groupe politique. On est obligé de faire de fréquents remaniements pour satisfaire la multitude de partis politiques en attente. Dans ce cas, comment avoir une vision de développement cohérente pour le pays quand les portefeuilles doivent changer de main tous les ans. Et ça, ce sont les conséquences de notre modèle existant.


Qui vient d’être réformé de toutes les façons.

Et je pense utilement !

Aujourd’hui plus qu’au départ, on peut voir que beaucoup de partis ont eu cette facilité de se formaliser. Est-ce qu’il n’y a pas aussi cette crainte de retomber dans le multipartisme pléthorique qu’on était censé régler ?

J’espère bien que non. S’il y a 30, 40 partis politiques qui sont d’envergure nationale parce que nous sommes quand même 11 millions d’habitants, si tous les adultes s’inscrivent dans les partis politiques, on peut avoir une centaine, c’est bien possible. Mais une chose est certaine, il ne peut pas avoir plus de 10 partis politiques représentés au Parlement à cause du seuil de la représentativité exigé pour les partis politiques, c’est-à-dire recueillir 10 % des suffrages exprimés pour avoir droit au partage des sièges à l’Assemblée nationale. Ce qui veut dire qu’au maximum, c’est 10 partis politiques qui peuvent être représentés au Parlement. C’est déjà beaucoup d’avoir 10 partis politiques au Parlement.

Monsieur le président, toujours au chapitre des réformes institutionnelles, après 2 tentatives infructueuses, on peut dire que le toilettage de la Constitution a eu lieu à la 3e tentative et la faveur du dialogue politique que vous avez instauré. Au nombre des réformes, on peut citer l’intégration de la Cour des comptes dans notre Constitution. La Haute cour de justice a été réformée un tout petit peu. Considérez-vous ces amendements comme des avancées notoires ?

Je ne pense pas que nous ayons pu tout faire. Vous avez dit que c’est une 3e tentative de toilettage et il en aura d’autres. Une Constitution n’est pas un texte inscrit dans le marbre et ne peut subir aucune modification, quelles que soient l’époque, la génération et les réalités. Je n’ai pas non plus l’illusion qu’en mon temps, nous serons capables de faire tout ce qu’il convient de faire. Un pays est une dynamique et chacun fait sa part. C’est pour cela que je n’ai pas fait de l’échec de la révision de la Constitution que j’ai introduite la première fois, un problème majeur. Je veux seulement noter que ce qui vient d’être fait, relève davantage de la volonté de la classe politique que de la mienne. Je veux qu’on se le dise. La plupart des éléments qui ont été retouchés, proviennent d’un consensus obtenu entre les acteurs politiques ayant siégé au Dialogue politique. Cela pour moi est une leçon. J’ai voulu au début du mandat aller à la réforme constitutionnelle parce que cela faisait partie de mon diagnostic et de mes propositions pour améliorer notre environnement et pouvoir nous développer. Mais c’était quelque chose qui provenait de ma vision et de celle de mon gouvernement. Cette fois-ci que la vision est venue d’un ensemble plus large d’acteurs politiques, cela a prospéré. Moi, je tire leçon de ce succès et à l’avenir, c’est ainsi qu’il faut voir les choses pour trouver les voies et moyens d’avoir plus d’adhésions à une idée pour la faire prospérer et la faire aboutir. Pour moi, ce n’est déjà pas mal, le reste viendra. La Haute Cour de justice, les textes n’ont pas été toilettés pour la rendre plus efficace de sorte que les dirigeants puissent répondre systématiquement de leurs faits, de leurs agissements, de la manière dont ils ont géré les affaires publiques. Dans le premier projet de révision, nous avions voulu toucher mais au Dialogue politique, cet élément n’a pas été révélé indispensable. Je ne suis pas revenu sur mes propositions du début, ce n’était pas mon ambition, cela viendra un jour.

Nous allons aborder le volet consacré à la lutte contre l’impunité et la mauvaise gestion. C’est un sujet qui fâche mais on va essayer de l’aborder avec tact. Le dernier rapport de Transparency International a classé le Bénin au 80e rang sur une liste de 180 pays pour l’indice de perception de la lutte contre la corruption. Il faut dire qu’en 2016 quand vous arriviez aux affaires, le Bénin occupait la 95e place et puis il a progressé de 5 points en 5 points, finalement nous sommes à la 85e place en 2018. Et voici que pour l’indice de 2019, le Bénin se retrouve à la 80e place. C’est dire que même Transparency International a su apprécier la qualité du travail qui est fait au niveau du Bénin, il y a une nette progression. C’est la perception, vue de l’extérieur. Il y a maintenant ce que pensent les Béninois à l’intérieur. Pour bon nombre de Béninois, cette lutte qui devrait être contre l’impunité, on vous reproche de s’en servir pour régler des comptes à des personnes qui ne penseraient pas comme vous.

Je l’ai entendu maintes fois. Ma réponse est simple. D’abord, pour revenir sur l’appréciation internationale de la lutte contre l’impunité, nous avons progressé de quelques rangs mais mon ambition est d’être 1er. Je voudrais que dans le monde entier, le Bénin soit cité comme le pays où la lutte contre l’impunité est la plus appréciable. Je voudrais être premier, je voudrais que le Bénin soit premier. Mais c’est une dynamique donc cela ne peut pas se décréter ni se réaliser du jour au lendemain. Nous faisons des petits pas dans ce domaine et si à l’international ça se perçoit, à l’intérieur du pays, je ne pense pas que le plus grand nombre ne voie pas que les choses changent. Alors, est-ce que la lutte est sélective ? Je ne pense pas. Ce n’est pas ma nature intrinsèque ou personnelle. Politiquement, je n’ai pas l’impression qu’aucun de ceux qui sont mes proches ou qui ont été mes partisans les plus actifs, même pour l’arrivée dans la fonction, aucun n’a été inquiété. Cela n’est pas vrai. Je ne vais pas citer de noms mais vous savez très bien que des gens qui ont été très actifs pour l’arrivée dans ma fonction, que certains ont dû répondre de leurs actes. D’ailleurs, c’est l’occasion pour moi de saluer leur courage car ils n’ont pas fui quand ils ont été interpellés. Ils ont accepté d’aller devant la justice pour répondre de leurs actes et d’exécuter les peines de prison pour répondre à cette exigence qu’ils ont prônée. Mais de manière générale, quels sont les hommes qui ont gouverné, qui ont exercé des fonctions, qui ont géré les ressources publiques ? C’est davantage ceux qui l’ont fait avant notre arrivée qui sont concernés. Donc, qu’il y ait des audits sur l’action des gouvernants passés, cela s’interprète comme des audits sélectifs. Mais voulez-vous que nous laissions ce qui a été fait pour ne regarder que ce qui est en cours ?
D’ailleurs, techniquement, c’est compliqué. Ce qui est sûr, même si nous demandons à ceux qui ont exercé des fonctions d’intérêt public, ceux qui ont géré la chose publique, on leur demande de rendre compte et que cela est instauré, il est évident que quand nous partirons, ceux qui ont géré, devront à leur tour répondre de ce qu’ils ont fait avec les prochains gouvernants. Dans tous les cas, il faut commencer un jour. Jusque-là, jamais personne ne répond de ses actes, notamment les dirigeants de la cité. Jamais ! Cette appréciation est subjective. Je ne veux pas systématiquement dénier à mes compatriotes le bien-fondé de leur jugement. Certains le disent de bonne foi. Certains le disent parce qu’ils sont des opposants. Mais je reconnais que mes compatriotes qui font des critiques à propos de l’action gouvernementale, ne sont pas tous de mauvaise foi. Et cela pour l’amélioration de ce que je fais. Ce faisant, il est bien de faire attention aux critiques mais de ne pas s’arrêter à cause des critiques. Essayer de s’améliorer et de faire mieux les choses. Et je peux vous dire que j’ai la volonté de faire attention à tout ce qui se fait en mon temps, de prévenir mes collaborateurs et de sanctionner systématiquement quand j’ai la conviction que quelque chose est fait en mon temps et est contraire à l’intérêt général.
Monsieur le président, les Béninois veulent savoir quelle est votre approche du développement, quelle est l’idéologie dont vous êtes le plus proche. Nous allons vous faire deux projections. D’abord il y a une citation de l’Abbé Pierre qui dit : « L’histoire de peuple est faite de longues disciplines et de soudaines indisciplines. Il arrive un moment où quelqu’un sort du lot et dit Non ». Une manière de rebattre les cartes. C’est cela qu’on a voulu interpréter en parlant au niveau africain de la méthode attribuée à l’ancien président ghanéen Rawlings et à l’ancien président burkinabé, feu Thomas Sankara. C’est-à-dire cette méthode révolutionnaire qui consiste à mettre le pied dans le plat, mettre fin à la récréation. Il y a une autre conception qui veut que, que vous le vouliez ou non, on vous fera le développement, la dictature du développement. Votre prédécesseur l’a d’ailleurs promis aux Béninois. En regardant les deux approches que nous venons de vous présenter, de quelle tendance vous êtes le plus proche en matière de développement ?

Moi, je n’ai pas d’idéologie. Je suis pragmatique. Je note que mon pays a besoin de satisfaire ses besoins les plus essentiels à savoir l’eau, l’électricité, les pistes rurales, la route, l’école, la santé, bref tout nous manque. Je pense que c’est quand on a des biens à partager, qu’on peut avoir une idéologie. L’idéologie du partage :
qui fait quoi ? qui prend quoi ? qui prend plus que qui ?
Mais quand vous n’avez rien, tout vous manque, votre seule idéologie, c’est de tout faire pour qu’il y ait le minimum. C’est la situation du Bénin. C’est pourquoi, je pense qu’à l’étape où nous sommes, il n’y a pas véritablement d’idéologie pour conduire l’action gouvernementale. Il faut parer au plus pressé. Il faut satisfaire les besoins les plus indispensables au développement. Alors, est-ce que faire ce qui est bien par tous les moyens est une dictature ? Alors, pour utiliser l’expression la dictature du développement, le développement est indispensable au peuple et à la Nation donc aux individus, le bien-être moral, physique, matériel est indispensable. C’est la quête de tout le monde. C’est ce à quoi tout le monde aspire. Trouver les moyens de satisfaire ses besoins, les satisfaire par tous les moyens, même si on peut ne pas être compris, et qu’on est de bonne foi, et qu’en plus l’action porte ses fruits, est-ce que cela doit s’appeler dictature du développement ? Moi je ne sais pas. Le mot dictature me paraît trop fort, très péjoratif, pour que l’on l’utilise pour la satisfaction des besoins essentiels. Je pense qu’en toutes choses, surtout en ce qui concerne les communautés humaines, leur évolution, leur vie, quelle que soit leur époque, il faut qu’il y ait parfois des gens pour faire le diagnostic, le point de ce qui ne va pas et de ce qui se passe. C’est le rôle d’un gouvernant de faire le diagnostic et de proposer des solutions aux problèmes du jour, de l’heure. Est-ce que c’est mettre les pieds dans le plat ou bien c’est dire aux siens : « ça suffit. On peut faire les choses autrement. On peut bien faire les choses. On peut résoudre les problèmes par tel ou tel moyen ». Si c’est cela
« Mettre les pieds dans le plat », moi, je veux bien !


Donc, on vous sent proche de cette théorie-là.

Mais pourquoi se contenter tout le temps de ce qui ne va pas, parce que c’est nos habitudes ?
On dit : « C’est bon. Nous sommes faits comme ça. Nous agissons comme ça. C’est notre façon de vivre » même si cela est incompatible avec le bien-être de tous. Mais si quelqu’un peut, par moments, dire : « Mais non !
Ce n’est pas bien ! On peut faire autrement, c’est faux que la pauvreté est une fatalité » parce qu’en ce qui me concerne, que quelqu’un ne puisse jamais venir dire : « Non, la pauvreté n’est pas une fatalité, nous pouvons nous développer », ce serait malheureux. Si dans une génération, il y a un seul ou plusieurs et que c’est cela « Mettre les pieds dans le plat », je veux bien !

À la différence que vous, vous n’êtes pas un militaire, vous êtes un civil. Les autres qu’on a cités pour illustrer les propos de l’Abbé Pierre, c’étaient des militaires, Rawlings, Sankara. Mais vous, vous êtes le civil qui met les pieds dans le plat… si on peut résumer ainsi !

Oui, il y a plusieurs façons d’interpeller la conscience des siens. Je pense qu’en ce qui concerne le Bénin, les Béninois ont donné la preuve qu’ils sont capables de changer leur destin, de subir des mutations. Nous l’avons fait en 1990 par la Conférence nationale. C’est ce que nous célébrons d’ailleurs. Nous disons: « ça fait 30 ans qu’on l’a fait ». Nous avons cette faculté. C’est pour ça que je dis « Le Bénin est un grand peuple ». Nous sommes capables à un moment donné de faire le bilan de notre parcours et de dire Stop !
On l’a fait il y a 30 ans. Nous sommes en train de le faire à nouveau, de dire 30 ans après, nous avons instauré la démocratie, les libertés, le modèle de l’économie libérale. Nous avons vu que nous n’avons pas été en mesure d’exploiter tout cela pour le développement, qu’on ne s’est pas mis scrupuleusement au travail. On a pensé que la Conférence nationale suffirait à elle seule pour créer la richesse, le développement, les emplois. On vient de constater que ça n’a pas suffi. Voilà ce qui nous a manqué. Et, nous avons dit :
« Nos habitudes, nous allons les corriger, nous allons faire plus d’efforts, nous allons faire des sacrifices. Nous allons perdre des choses, des libertés qu’on avait et qui devenaient incompatibles avec l’intérêt général. Nous étions pratiquement dans l’anarchie qui est une forme de démocratie, vous le savez très bien ! L’anarchie est la forme de démocratie la plus avancée. Mais si l’anarchie ne sert pas le développement, on peut mettre fin à ça et dire « Non, que chacun reste dans le droit chemin ». Le peuple béninois l’a montré dans son histoire, dans son parcours, et ce qui se passe actuellement est l’illustration de cette capacité que nous avons à faire de la mutation pacifiquement.

Aujourd’hui, ça fait 30 ans que la Conférence des Forces vives de la nation a démarré. On remarque que la jeune génération ne connaît presque rien de cette Conférence. Est-ce que le gouvernement, à l’occasion de cet anniversaire, compte peut-être éditer des documents à l’usage des élèves et étudiants par exemple ?

Oui, avec le gouvernement, nous avons prévu de célébrer nos 60 années d’indépendance avec les 30 ans de la Conférence nationale. Ce sont deux étapes majeures dans notre vie. Les Indépendances et ce nouveau départ d’il y a 30 ans. Puis, ce 3e évènement est à nouveau un autre départ. C’est vrai que les nations feront toujours de nouveaux départs, en fonction des exigences du temps. Donc, nous allons avoir un vaste programme de célébration de ces valeurs du Bénin : l’Indépendance, la Conférence nationale. L’expérience qui est en cours, d’abord pour rappeler aux uns et aux autres le parcours qui a été le nôtre, celui de notre génération parce que 60 ans, ce n’est pas si loin que ça. Je venais de naître, c’est vrai, il n’y a pas longtemps ! Mais la Conférence nationale, je l’ai vécue, comme je vous l’ai dit, avec euphorie, avec enthousiasme. J’étais déjà un acteur de la place. Aujourd’hui, je suis quelque part où je voudrais montrer aux Béninois que nous avons les capacités qu’il faut, nous avons même la grâce de pouvoir agir par nous-mêmes pacifiquement pour changer notre destin. Nous allons donc célébrer, nous allons avoir un programme important de rappel, d’appréciation, de critique et même de célébration par des activités festives pour marquer cette conjonction de l’Indépendance nationale il y a 60 ans et des 30 ans de notre Conférence nationale.

Monsieur le président de la République, les Béninois nous en voudront si nous ne portons pas à votre attention une question qui revient comme une rengaine dans tous les débats que nous avons suivis depuis le début de ce mois de février à propos de la Conférence nationale. Unanimement, les Béninois veulent que quelque chose reste sur les lieux où se sont déroulés les travaux de cette Conférence. Quand on regarde le bâtiment aujourd’hui, qui a abrité les travaux de la Conférence nationale, on est un peu écœuré. On se demande: « Mais où sommes-nous, et où allons-nous ? Qu’est-ce que nous faisons de ce patrimoine-là ? » Alors, est-ce que pour la célébration des 30 ans, vous avez une annonce à faire aux Béninois sur le devenir de cette salle de conférence, ce lieu mythique de notre démocratie.

La salle de conférence de l’hôtel Plm Alédjo a été le cadre où s’est tenue cette conférence ; et cela, pour ceux qui l’ont vécu, constitue un endroit mythique. Mais le mythe réel, et le patrimoine qu’il faut préserver, c’est le contenu de ce qui s’est passé lors de cette Conférence nationale. D’ailleurs, quand nous évoquons la Conférence, nous ne voyons pas la place où les débats ont eu lieu véritablement. Je dois vous dire que le symbole que constituerait la salle de conférence de l’hôtel Plm Alédjo, ne me paraît pas être vu par tous les Béninois comme véritablement le symbole de cette mutation. Notre Constitution, les textes qui sont issus de la Conférence nationale, constituent pour moi le symbole le plus fort, le souvenir le plus fort de ce que nous avons fait en 1990. Le Plm Alédjo, malheureusement, est tombé en ruine. Nous n’avons pas su faire les investissements qu’il faut pour l’entretenir. Mais nous venons de faire un investissement important à Akpakpa dans la zone, en faisant les aménagements de protection de notre côte, de sorte à faire également de ce lieu un espace balnéaire. Nous avons près de 30 hectares d’eau maîtrisée qui constituent pratiquement un lac marin. C’est un patrimoine économique, touristique important. L’idéal serait que cette zone, avec l’esprit de la Conférence nationale, devienne pour nous un facteur de création de richesse, d’emploi, de développement. Si ce lieu Plm Alédjo peut être le symbole de notre développement touristique, avec un complexe hôtelier extraordinaire qui va drainer des centaines, des milliers de personnes tous les ans, créer de l’emploi, créer de la richesse, nous rendrons davantage service à notre nation que de garder quelque chose en ruine. Ma volonté, mon souhait, c’est que le Plm Alédjo et le lac marin qui le jouxte, constituent un complexe balnéaire de développement touristique.

Donc, d’une manière ou d’une autre, ça va être réhabilité.

Tout à fait ! Mais je ne pense pas qu’il serait pertinent de vouloir garder les lieux tels quels, un symbole de ce que la Conférence nationale a été. L’idéal serait que ce lieu soit également porteur de ce qu’a été la Conférence parce que c’était pour notre développement que nous avons fait cette Conférence. C’était l’espoir de développement. Alors, ce lieu sera effectivement, pour demain, la preuve que le développement qui a été évoqué, à l’occasion de la Conférence, est une réalité au Bénin.

Est-ce que le nom restera Plm ?

Entre le mot Plm, le mot Alédjo ou le tout, demain, quel nom il faut donner. Mais moi, si c’est mon expérience personnelle, mon émotion personnelle, je voudrais bien que tout ce qui se fera sur ces lieux immortalise le nom Plm Alédjo. Je voudrais bien !

Merci monsieur le président de nous avoir accordé cet entretien qui a été consacré aux réformes du gouvernement en lien avec les acquis de la Conférence des Forces vives de la Nation 30 ans après. Nous retenons en tout cas que vous maintenez le cap des réformes et que d’ailleurs, certaines de ces réformes commencent à produire des résultats. Il reste à souhaiter qu’elles soient désormais bien perçues et surtout moins douloureuses pour nos concitoyens.

C’est ma prière, c’est mon souhait, et je pense que les réformes sont, il est vrai, dans leur mise en œuvre, difficiles pour les uns et les autres, parfois un peu pénibles, parfois exigent des sacrifices. Et c’est pour cela que je voudrais à nouveau inviter mes concitoyens, les uns et les autres, à croire à notre destin commun, à croire à notre capacité de mutation, à notre capacité à vaincre nos démons, à corriger nos travers pour enfin trouver le développement. Il n’y a pas à être pessimistes parce que, on peut dire « Depuis 30 ans après la Conférence, nous n’avons pas fait grand-chose. Est-ce que dans les 30 années à venir, nous serons capables de faire mieux ? ». On peut observer que des choses qui paraissaient inimaginables sont en cours et que c’est ça l’histoire des nations. Parfois, les choses peuvent mettre du temps à se faire. Puis, il peut y avoir aussi une accélération dans le développement. Nous l’observons. C’est ma volonté. Nous y travaillons, et chacun de mes concitoyens contribue à cela. C’est fort appréciable, et c’est ainsi que nous allons davantage donner du sens à notre idéal exprimé, matérialisé, consigné à l’occasion de la Conférence des Forces vives de la Nation il y a 30 ans. Nous allons jouer notre partition pour donner à la Conférence nationale un contenu concret.

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