Hier, 19 février 2020, la Conférence nationale a eu 30 ans. C’était l’occasion pour le chef de l’Etat de se prononcer sur les acquis de cette grande messe, l’état de droit, la démocratie, les libertés individuelles et collectives qui, pour certains, sont menacés depuis l’avènement du régime de la Rupture.
Il y a-t-il eu recul démocratique ? Les acquis de la conférence nationale sont-ils saccagés par les réformes du gouvernement de la rupture ? Pour Patrice Talon, le constat est que, en 30 ans, les textes fondateurs de la démocratie n’ont pas suffi pour créer le développement. « …quand on fait le bilan de notre évolution, de ce que nous avons fait de notre pays, de ce que ce nouvel environnement nous a permis de construire, est-ce qu’on peut être fier du résultat ? Tout le monde reconnait que nous manquons de tout, que même les choses les plus caractéristiques de ce que nous avons été, l’école s’est dégradée, la santé, les infrastructures minimum, le confort de vie, l’eau et l’électricité manquent à la plupart de nos concitoyens… ». Face à ce diagnostic le chef de l’Etat trouve qu’il est du rôle des dirigeants de procéder aux ajustements nécessaires. Il justifie par-là, les réformes comme le droit de grève qui sont aujourd’hui vues comme un reniement des grands acquis de la Conférence nationale. Autrement dit, l’approche est celle de la ‘’dictature du développement’’ déjà évoquée par Boni Yayi même s’il s’est gardé d’utiliser cette expression. En langage clair, puisqu’en 30 ans la démocratie n’a pas conduit le pays au développement, il est temps de réformer les habitudes, même si cela implique la perte de certaines libertés. Mais Patrice Talon fait une nuance. . « Les libertés ne sont pas compromises, certaines peut-être… ». Ce qui pourrait être interprété comme un aveu n’en est pas un si on suit la logique du 1er des Béninois. Selon Patrice Talon, les libertés qui sont peut-être compromises sont celles qui ne sont pas compatibles avec l’intérêt général. « On n’a peut-être perdu la liberté de faire impunément ce qui n’est pas compatible avec l’intérêt général ou ce qui est préjudiciable à l’intérêt général. Je pense que ça oui, on a perdu cette liberté de faire les choses impunément ».
L’autre acquis démocratique issu de la conférence nationale qui est aujourd’hui remis en cause, c’est le multipartisme intégral. Mais Patrice Talon voit autrement l’intérêt de la réforme du système partisan. « . Les réformes donnent aux partis politiques le privilège, la responsabilité de produire les gouvernants, de diriger la cité. Est-ce qu’un parti politique qui a vocation de conquérir et exercer le pouvoir peut être un parti de quartier ou d’ethnie ?». Ainsi, la nécessité d’être un parti d’envergure nationale se traduit par la loi qui impose aux partis d’avoir 10% au plan national pour être éligible à l’attribution de sièges. « Nous avons constaté que depuis que nous avons promu le multipartisme intégral, il n’y a pas eu au Bénin un seul parti d’envergure nationale », a-t-il justifié. Au sujet de la transhumance politique qui s’observe au niveau des partis Up et Br, le chef de l’Etat a souligné qu’elle n’a jamais été prise comme élément majeur des réformes et qu’elle n’est pas si préjudiciable à la responsabilité politique des acteurs au sens d’avoir l’envergure nationale qu’il faut pour exercer le pouvoir.