Conférence nationale des forces vives de la nation: Adrien Houngbédji : ‘’ La période de transition sera difficile et ne peut souffrir de turbulences’’
Pour maître Adrien Houngbédji, délégué à la conférence, la rencontre historique pour le renouveau démocratique ne peut échouer. Mais le succès final passe par une période de transition de 18 mois sous l’égide du président Kérékou.
Ehuzu : Me Adrien Houngbedji, que doit-on, selon vous, attendre de cette conférence après une semaine de travaux ?
Adrien Houngbédji : Sur le plan de la réconciliation nationale, sur le plan de la restauration ou des libertés, sur le plan de la reconstruction du pays, ce qui est souhaitable est qu’il se dégage de la conférence un consensus national. Et autant que possible, sur tous les problèmes. Ces problèmes essentiels sont de deux ordres :
—le problème de l’instauration d’un Etat de droit et de démocratie ainsi que de libertés ;
— le second problème est celui de la reprise du travail. Parce que la réouverture des écoles est un problème dont la solution est étroitement liée aux revendications salariales. Or, jusqu’à ce jour, et comme a eu à le constater le Syndicat national de l’enseignement supérieur (Snes) dans un document distribué à la conférence, ce problème-là semble être occulté. Je pense qu’il faut y réfléchir sérieusement.
Est-ce que vous avez à votre niveau des propositions concrètes dans ce sens pour faire rouvrir les écoles et faire reprendre le travail ?
Ce qui est sûr, comme le dit le document du Snes, il va falloir, au lendemain de la conférence, négocier et apporter des solutions concrètes. Il va falloir négocier avec les syndicats dont on connaît les revendications. L’équipe gouvernementale qui sera mise en place ne pourra décemment prétendre à la paix sociale que si elle a préalablement dégagé les moyens de satisfaire les revendications après négociations.
Me Houngbédji, accepteriez- vous un poste de premier ministre pendant la transition comme les supputations l’avaient indiqué ?
Si les objectifs sont clairement définis et si nous sommes d’accord pour la mise en place d’un Etat de droit, pour la restauration des libertés publiques, pour l’instauration d’un régime de démocratie pluraliste, pour le retour à une économie libérale dans laquelle l’Etat jouerait un rôle d’orientation, de régulation et parfois de participation, si nous tombons d’accord pour que notre société soit une société de solidarité, une société dans laquelle les inégalités sociales sont corrigées par la collectivité tout entière, si nous tombons d’accord sur ces objectifs là, je dis oui. Je dis encore une fois que c’est tout patriote béninois qui a le devoir d’accepter si la proposition lui est faite.
Au début de la conférence, il a semblé que les délégués étaient venus pour tout casser. Ils ne voulaient plus du gouvernement, plus du chef de l’Etat. Mais au fur et à mesure que la conférence s’achemine vers sa fin, on tend vers un consensus: maintenir le chef de l’Etat durant la période de transition. Quel est votre avis à ce sujet ?
Je pense effectivement que la conférence s’achemine vers un consensus. A savoir que le président Kérékou assure la période transitoire. C’est une nécessité car la continuité de l’Etat et sa stabilité doivent être maintenues jusqu’à l’installation de nouvelles institutions. J’ajoute que cette période transitoire sera une période très difficile. Car c’est au cours de cette période que nous devrons, en même temps faire l’apprentissage de la démocratie et résoudre les problèmes économiques et financiers épineux liés au Programme d’ajustement structurel (Pas).
Par conséquent, cette période est une période très difficile. Il est bon que le président Kérékou
qui connaît les rouages de l’Etat reste à la barre pendant cette période qui ne peut souffrir de turbulences. Je dis par conséquent que la conférence fait preuve de responsabilité si, comme vous le dites, un consensus se dégage dans ce sens. Pour ma part, j’en étais convaincu avant même de venir à cette conférence.
Est-ce que vous pensez sincèrement que le président Kérékou est vraiment pour le renouveau démocratique ?
Il ne faut pas oublier que c’est à l’initiative du président Kérékou que cette conférence a été réunie. Ce qui est déjà une volonté d’ouverture et de démocratisation. Ensuite, nous avons écouté son discours inaugural dans lequel il dit qu’en engageant ce processus-là, il en connaissait les aboutissements prévisibles.
Enfin, à chaque fois que la situation a été très tendue au cours de cette conférence, le président Kérékou est intervenu auprès du présidium pour donner des gages de sa volonté de changement, d’ouverture démocratique.
Si la conférence se terminait en queue de poisson, quelles peuvent être, selon vous, les conséquences prévisibles ?
Je le dis sincèrement Je n’ai jamais envisagé que cette conférence puisse échouer. Car je l’ai toujours dit : notre peuple est devenu un peuple mûr et responsable. Que les responsables qu’il a délégués à cette conférence sont des gens conscients de l’enjeu. J’ai donc foi en cette conférence et j’ai foi à la réalisation effective des résolutions qu’elle aura adoptées. Je ne crois pas que la conférence puisse échouer car ce qui importe est que les aspirations du peuple sont aujourd’hui clairement connues et d’une manière ou d’une autre, ces aspirations seront satisfaites.
Quelle durée pouvez-vous donner à la période transitoire ?
Je pense qu’il faut être pragmatique. Elaborer une Constitution, la faire adopter par le peuple par voie référendaire, organiser des élections législatives et présidentielles, et dans le même temps mettre en place les mesures qu’implique le Programme d’ajustement structurel, à savoir, entre autres, la mobilisation de nos ressources propres, nécessitent à mon avis un délai qui ne saurait être inférieur à 18 mois .
Propos recueillis par Akuété ASSEVI
(Ehuzu N° 3630 du Lundi 26 février 1990)