Commémorer les 30 ans de la Conférence des forces vives de la nation ramène inéluctablement à l’esprit, la Constitution du 11 décembre 1990. Au nombre de ceux qui ont travaillé à son élaboration, le professeur Maurice Ahanhanzo-Glèlè. Un homme dont le mérite et la compétence ne se discutent point.
Phillipe Noudjènoumè l’identifie comme «une légende du droit constitutionnel d’ici et d’ailleurs» ; Théodore Holo le désigne comme «le père de la Constitution béninoise»… L’expérience et la contribution du professeur Maurice Ahanhanzo-Glèlè au droit constitutionnel béninois et d’ailleurs sont incontestables. D’ailleurs, personne ne nie son implication prépondérante dans l’élaboration de la Constitution béninoise du 11 décembre 1990.
« Le professeur Maurice Ahanhanzo-Glèlè est un grand juriste, un grand constitutionnaliste. Il a été l’inspirateur à titre principal de la Constitution du 11 décembre 1990 et je lui rends honneur. Quand vous lisez les thèses du professeur Maurice Ahanhanzo- Glèlè, vous y verrez les différents éléments qui sont apparus dans notre Constitution», affirme le professeur Philippe Noudjènoumè.
Membre de l’Académie de droit constitutionnel, membre de l’Association française du droit international, Maurice Ahanhanzo-Glèlè est connu à l’international pour sa compétence. « Maurice Ahanhanzo-Glèlè a fait une carrière remarquable comme professeur et scientifique. Il a été mon professeur quand j’étais à Paris Sorbonne Panthéon. Il a fait l’Unesco. Il a participé à la rédaction de la Charte africaine des Droits de l’Homme et des Peuples. Il est co-rédacteur de cette charte qui est partie intégrante de notre Constitution.Ses productions sont vastes et ceux qu’il a formés sont nombreux. Lorsqu’on lui a rendu hommage, il y a deux ans, des juristes africains et français sont venus reconnaître sa production scientifique », fait savoir
Philippe Noudjènoumè. Les qualités professionnelles du professeur Maurice Ahanhanzo-Glèlè sont le fruit de ses études. Son frère Adrien Ahanhanzo-Glèlè, pour qui Maurice était un mentor, précise : « Maurice est un juriste mais il a été d’abord administrateur. Il a fait l’Ecole nationale de la France d’Outre-Mer. C’est l’école qui formait ceux qu’on envoyait dans les colonies pour servir en qualité d’administrateurs, de commandants de cercle… C’était une formation rigoureuse. Maurice est donc un excellent juriste et un excellent administrateur. Il a fait son doctorat en Sciences politiques et il a travaillé sur la chefferie traditionnelle, le royaume d’Abomey. Il a d’ailleurs sorti un livre sur le Dahomey. Je fus son lecteur. Et je lui ai dit : Moi qui ne suis pas un littéraire, je comprends aisément ce que tu écris. Et quand il a fait son agrégation en droit constitutionnel, je fus également son lecteur. C’est quelqu’un qui ne se prend pas la tête dans ses écrits. Il domine son sujet mais son style est accessible ». Pour le professeur Philippe Noudjènoumè,
la carrière à l’interne de cette icône semble avoir un goût d’inachevé. « Il n’a jamais été président de la Cour. C’est lui qui a insisté sur la nécessité de créer la Cour constitutionnelle et de l’isoler de l’organigramme de la Cour suprême. Il n’en a pas fait non plus une priorité. Pour ce qu’il a apporté, l’histoire même l’immortalisera ! ».
Rigoureux mais d’une grande simplicité
Dans la rédaction de la Constitution Maurice Ahanhanzo-Glèlè a allié fermeté et intégrité en dépit des pressions. « Heureusement qu’on a eu Maurice en 1989-1990. Les cadres politiques béninois ne sont pas sérieux ! J’ai été témoin de tout ce qui se passait parce que j’habitais chez lui. Maurice était d’une rigueur infaillible. Plusieurs fois, les gens ont voulu lui faire changer les choses qui avaient été décidées en comité mais il a tenu. Des gens sont venus me voir pour que j’intervienne et je leur ai dit que ce n’est pas la peine, Maurice ne changera pas. Ce qui le caractérise, c’est la rigueur, le travail bien fait », rapporte Adrien Ahanhanzo-Glèlè. Le professeur Philippe Noudjènoumè renchérit : « C’est un homme rigoureux mais tout aussi compréhensif et aimable. Maurice Ahanhanzo-Glèlè est d’une simplicité extraordinaire. Vous êtes avec lui et vous ne savez pas que c’est quelqu’un de cet âge, quelqu’un qui a cette envergure scientifique internationale. Il a formé des générations de juristes. Les premiers concours d’agrégation en Sciences juridiques organisés par le Cames, ce sont eux qui les ont dirigés. Il a été membre du jury du premier et du deuxième concours. Pour le troisième concours qui a eu lieu à Dakar en 1987, il a été président du jury. C’est en cette année que Théodore Holo est passé pour l’agrégation. C’est un grand homme et pourtant très humble ».
Adrien Ahanhanzo-Glèlè confirme l’amabilité de son frère : « Maurice m’a pris en charge à partir de la classe de troisième. J’ai fait le Bepc et avec le Bepc, on pouvait déjà être instituteur adjoint et gagner 25 mille francs. A l’époque, c’était une petite fortune pour un jeune sans charges. Mais Maurice n’a pas voulu que je m’arrête en si bon chemin dans mes études ! Il m’a dit non ! Tu vas continuer. Il m’a pris en charge jusqu’à mon Bac. Il a continué à me suivre après le Bac. Il m’a inscrit en classe préparatoire au Lycée pour faire l’agronomie et il a continué à être à la manœuvre. Je lui dois beaucoup ».
Un aspect de l’homme que peu de personnes connaissent, c’est son attachement aux valeurs culturelles bien qu’il soit chrétien fervent : « Maurice Ahanhanzo-Glèlè fait preuve d’un grand attachement aux valeurs culturelles. Il ne cache pas qu’il est Dah d’Abomey. Il est prince ! Il ne se cache pas pour porter ses accoutrements princiers. Il y tient ! On ne peut pas développer un pays en mettant de côté ses valeurs culturelles et patriotiques. Vous le savez, il a été le président du comité d’organisation du 200e anniversaire de l’accession de son ancêtre le roi Guézo au pouvoir », témoigne Phillipe Noudjènoumè.