Du 29 janvier au 02 février 2013 s’est tenue la première édition des journées de nutrition grand public au Bénin. Organisées par le ministère de la santé, en collaboration avec l’Organisation mondiale de la santé et les partenaires du projet Double Fardeau Nutritionnel, ces journées ont levé un coin de voile sur la qualité de l’alimentation des Béninois en général. Mauvaise en raison d’un excès de gras, de sucres, de sel et remarquable en raison de sa pauvreté en fibres, minéraux et vitamines, cette alimentation serait la cause de près de 85% de maladies. Les gens mangent trop de tout, consomment plus de calories qu’ils n’en dépensent. La floraison des cas de surcharge pondérale (deuxième cause de décès évitable dans le monde après le tabagisme) et d’obésité, même chez les plus jeunes est là pour en témoigner. Trouble sérieux favorisant le développement de plusieurs maladies insidieuses et graves, l’obésité est devenue monnaie courante. De même que le développement inquiétant de certaines pathologies jusqu’ici rares ou exceptionnelles, telles que le diabète, les maladies cardiovasculaires, certains cancers. Il ne se passe plus un seul jour dans les formations sanitaires, sans qu’une personne décède des suites de complications d’une de ces maladies que nous mêmes, aux dires de certains spécialistes, favorisons en adoptant une mauvaise alimentation. Pervertie, avec des produits importés et de qualité douteuse, notre alimentation constitue, en fin de compte, un danger pour notre santé.
Surcharge pondérale et obésité
Signes visibles de cette mauvaise alimentation, l’obésité et la surcharge pondérale gagnent discrètement du terrain au sein d’une population paresseuse en activités sportives. Selon l’enquête Steps réalisée en 2008, 38% de Béninois ont un poids supérieur à ce qui devrait être. 20,50% sont concernés par la surcharge pondérale, c’est-à-dire entre 1 560 000 et 1 720 000 de personnes, tandis que 9,4%, entre 696 000 et 808 000 personnes sont obèses. Rien qu’à Cotonou, en milieu urbain, ce sont 37% de personnes qui sont en surpoids et 18% obèses, soit 55% de personnes concernées. Au total, ce sont plus de 2 millions de Béninois qui sont concernés par ce problème en augmentation avec l’âge. Les enfants n’y échappent pas. Et selon Yolande Agueh du Programme alimentaire mondial à Cotonou et Luc Ingenbleek de l’Oms à Cotonou, le constat est remarquable surtout chez les enfants, adolescents et adultes issus de familles aisées des grandes villes gavés par des glaces, des fast-foods, et des sodas sucrés.
Les cubes sur la sellette
Massivement importés, ‘’bouillons cubes’’, produits congelés, charcuterie, beurre, margarine, mayonnaise, conserves de toutes sortes, boissons énergisantes, alcools, etc., transforment notre alimentation qui lentement et sûrement fait le lit aux maladies autrefois inhabituelles. L’une des révolutions auxquelles nous assistons ces derniers temps en matière de cuisine au Bénin est incontestablement le ‘’cube’’. Au poulet, à la crevette ou aux épices, les cubes sont disponibles partout et jouissent d’un tapage médiatique à outrance. Mélange de glutamate et sel pour l’écrasante majorité d’entre eux, ils sont très prisés par des consommateurs qui en sont devenus dépendants pour la confection du moindre plat. Ils ne sont cependant pas inoffensifs. Et selon le Docteur Charles Dossa, Médecin, enseignant en nutrition à l’Université d’Abomey-Calavi, il vaut mieux faire attention car ces cubes contiennent beaucoup de sel. Il conseille plutôt, si l’on ne peut les éviter, d’en limiter l’utilisation. Beaucoup d’autres spécialistes attirent l’attention sur la valeur nutritive de ces fameux cubes. Pour le Professeur Agueh, Professeur Agrégé de santé publique, nutritionniste, la situation devient alarmante car même les villages les plus reculés ne sont plus épargnés par cette déferlante. Pour cette spécialiste, il se pose alors un véritable problème sur le plan nutritionnel, car dans certaines régions du Bénin, fait remarquer la spécialiste, des mères font fi de la consommation de la viande ou du poisson, se limitant à préparer pour leur progéniture des sauces « à bon goût ». Secrétaire générale de la Ligue pour la défense du consommateur au Bénin, Danielle Pliya –Tévoedjrè ne va d’ailleurs pas par quatre chemins pour tirer à boulets rouges sur ce qu’elle considère comme « de vrais poisons qui jouent sur les neurones et sont la genèse de beaucoup de maladies comme l’hypertension, l’obésité, les hépatites, les problèmes intestinaux, etc. ». Pour celle qui fait de la lutte contre la mauvaise alimentation au Bénin son cheval de bataille, ces cubes sont à rejeter tout simplement. Car, toujours ils mettent en danger nos valeurs culinaires en même temps que le savoir-faire des femmes. « On est en train de désapprendre la cuisine à nos femmes. Elles ne se fatiguent plus, elles ne veulent plus aller chercher des ingrédients. Il peut même arriver qu’on n’ait plus d’ail ou d’oignon à la maison, la sauce est quand même bonne parce qu’on y a rajouté un additif », déplore Danielle Pliya–Tévoédjrè qui prône le retour aux sources.
Rectifier le tir
L’urgence est donc réelle en ce qui concerne le retour à une alimentation saine. S’il est fortement conseillé de conserver et d’enseigner à la jeune génération la cuisine traditionnelle afin de préserver la santé et la culture, il est tout aussi urgent d’adopter le plus tôt possible, les bonnes habitudes et attitudes afin de prévenir certaines maladies chroniques liées à la nutrition. Ainsi les spécialistes recommandent-ils de consommer souvent des légumes (tomate, aubergine, carottes…) et des feuilles vertes, et ce chaque jour, aussi bien dans des sauces qu’en dehors des sauces. Est aussi recommandée, la consommation quotidienne de fruits, car, fruits et légumes apportent à l’organisme des vitamines, des minéraux et des antioxydants. En revanche, boissons gazeuses et autres boissons sucrées devraient être consommées avec modération. Car rappellent-ils, les boissons sucrées n’apportent que du sucre et peuvent favoriser l’obésité ainsi que d’autres maladies. De même, il est conseillé d’éviter les repas trop salés. La consommation excessive de sel de cuisine par exemple par l’ajout de sel aux repas à table, la consommation fréquente de poissons salés, et des cubes peut augmenter le risque d’hypertension artérielle. Il est préférable alors d’opter pour l’assaisonnement par la moutarde traditionnelle, les crevettes, l’ail et le gingembre qui apportent peu de sel. Trop de gras, surtout si c’est du gras d’origine animale, pouvant favoriser l’obésité et les maladies cardio-vasculaires, il est conseillé de limiter l’huile dans la cuisson des repas, ainsi que les multiples cuissons avec la même huile. Les aliments traditionnels étant généralement plus favorables à la santé que les aliments industriels, il serait peut-être enfin temps alors d’opérer un retour aux sources, en priorisant les recettes et produits naturels tels que l’oignon, l’ail, l’anis vert, le laurier, le ‘’gbékoui’’, le ‘’crin-crin’’, l’huile de palme rouge, le niebé le thym, le romarin, le basilic, la moutarde traditionnelle ‘’afitin’’etc. Selon Danielle Pliya-Tévoedjrè et beaucoup d’autres spécialistes de la nutrition, ces produits ont toujours fait leurs preuves et demeurent des valeurs à conserver. Et last but not least, tous les spécialistes s’accordent à encourager les activités physiques. Une occasion de se détacher un temps soit peu de l’accoutumance aux taxi-moto dont l’omniprésence dans les villes et campagnes a favorisé ces dernières années, une certaine paresse à marcher, même sur des distances plutôt courtes. Qu’il s’agisse de la marche à pas rapide ou d’un sport préféré, la pratique d’une activité physique soutenue reste pourtant une contribution appréciable et bienvenue à l’efficacité de l’insuline, au contrôle du poids et à la prévention de l’hypertension artérielle.
