Dans le secteur agropastoral, Daniel Lonmadon est devenu incontournable au Bénin et en Afrique de l’Ouest. Dans l’élevage et surtout la commercialisation des ovins, bovins, et caprins, il impose son dynamisme pour faire de la filière, une véritable source de richesse.
A Adjahonmey, arrondissement de Klouékanmey, Daniel Lonmadon doit sa renommée à la production agricole, à l’élevage et à la commercialisation des ovins, bovins, alevins et caprins. Trente-cinq années déjà qu’il s’investit dans le secteur agro pastoral. Son champ d’action s’étend sur un périmètre de 75 hectares, avec un chiffre d’affaire mensuel s’élevant à des dizaines de millions de F Cfa. Pour celui qui a commencé son activité à partir de rien, l’ascension laisse le visiteur pantois : « plus de 200 têtes de bovins et caprins, plus de 45 hectares de teck, des centaines de têtes de volaille et d’autres hectares destinés à la production agricole et du piment sec».
A la ferme d’élevage et de boucherie (Ferbe), la principale d’Adjahonmey, les animaux sont élevés en plein air sur une surface enherbée.
L’abreuvement des bœufs se fait sur place à l’aide de petites retenues d’eau. Un système d’irrigation est installé sur deux hectares au profit des vaux et moutons en temps de sécheresse.
Des centaines d’agents sont mis à contribution sur le site, pour faire de l’agropastoralisme, une filière porteuse. C’est avec fierté que Daniel Lonmadon évoque sa contribution au développement. « J’ai participé à la formation des ressources humaines de ma localité et embauché plusieurs travailleurs. Aujourd’hui, Adjahonmey est la première localité, en matière d’élevage de bœufs dans la commune d’Aplahoué», vante-t-il.
Sa ferme est présentée comme la ‘’pionnière en Afrique de l’Ouest’’. Pourtant, rien ne le prédestinait à un tel niveau. Ses débuts n’ont pas été un long fleuve tranquille. « La nuit, j’allais à la frontière bénino-nigériane pour acheter des produits pétroliers que je venais livrer à Cotonou. J’en faisais de même à Lomé en vue de la commercialisation des sacs et tissus. C’est ainsi que j’ai pris goût au commerce», relate-t-il.
Il tourne cette page et se lance en politique avec les bénéfices engrangés. Conseiller à la première mandature du Conseil économique et social (Ces), puis membre du Conseil d’administration de la Société béninoise d’énergie électrique (Sbee), il dépose le tablier quelques années après pour se lancer dans la contrebande en 1985.
Mais mal lui en a pris. « La douane a saisi mes marchandises six fois dans la même année. La première fois, j’ai payé plus de neuf millions de francs Cfa. Les autres fois, cinq cent mille francs Cfa par marchandise», se souvient-il, la mort dans l’âme.
L’obstacle sert de levier
Véritable touche-à-tout, Daniel Lonmadon a connu également des périodes fastes dans l’élevage du porc avant l’épidémie de la peste porcine.
Parallèlement, il tente sa chance dans l’administration publique béninoise à travers des concours de recrutement après un contrat d’embauche à la Douane béninoise. Les démissions successives aux différents postes lui servent de levier:
« J’ai abandonné l’enseignement pour passer un test à la Société des textiles et chaussures (Stc). Deux ans après, j’ai passé un autre pour me retrouver à la Société générale du commerce du Bénin (Sogecob), où j’ai démissionné après 20 mois. Ensuite, j’ai passé un troisième test de recrutement dans le cadre du Projet complexe textile cotonnier de Lokossa (Pctcl) devenu Sitex de Lokossa où j’ai démissionné au bout d’un an ».
Après un sondage de terrain, il décide d’aller à la terre. « On n’enregistre pas assez d’intellectuels dans ce monde. J’ai décidé de m’y aventurer pour prouver mes compétences », assure-t-il.
Au même moment, il retourne en politique avant de claquer définitivement la porte, les intrigues politiciennes n’étant pas son fort.
Alors maire d’Aplahoué, il se désintéresse de la politique pour se consacrer à ses activités personnelles. « J’avais déjà tout avant d’aller en politique. J’allais au Conseil économique et social juste pendant les sessions. Je me présente au Conseil d’administration de la Sbee, juste lors des réunions », explique-t-il.
Visiblement, Daniel Lonmadon ne dispose presque pas de temps pour l’administration. Pour lui, la terre est un trésor caché. « J’ai fait douze ans à la tête de la mairie d’Aplahoué, j’ai dormi quatorze fois à la résidence du maire. Les appareils électroménagers qu’on m’a attribués sont restés dans leur emballage pendant sept ans. C’est mon successeur qui les a déballés. A la fin des sessions à la mairie, je me dépêchais pour rejoindre mes fermes », développe-t-il.
Sa famille aussi paye le prix de son ‘’trop grand attachement’’ à la terre. « Je ne m’entends pas souvent avec ma petite famille sur ce point. Elle trouve que je l’abandonne tout le temps au profit de mes fermes », confie-t-il, en la remerciant pour le sacrifice qu’elle consent à ses côtés :
« Je dois également ma réussite à mes femmes qui s’investissent beaucoup et à mes enfants qui m’emboîtent le pas».
Le travail comme religion
Pour celui qui est prêt à tout donner pour la terre, le travail doit être considéré comme une religion. « Nous ne nous développons pas parce que nous n’adorons pas le travail. Le métier que l’on a choisi d’exercer, c’est une histoire de passion, de foi. Si vous y croyez, rien ne vous arrêtera », se convainc-t-il.
La politique, perçue comme un eldorado par certains, est loin d’être un terreau fertile pour l’ancien maire d’Aplahoué.
« C’est la politique qui m’a arriéré dans tous mes investissements. Il n’y a rien de plus dangereux que le politicien. Devant les difficultés, il vous abandonne sans état d’âme », souligne-t-il. « On ne doit pas lier le développement à la politique. J’ai eu la chance de n’appartenir à aucun bord politique. Autrement, je risque de me promener dans tous les partis lorsque les difficultés surviendront », note-t-il.
Pour atteindre ses objectifs, Daniel Lonmadon ne cède à rien, même pas aux billets de banque. « Si j’allais tendre la main aux politiciens, mes fermes s’écrouleraient, je ne pourrais même plus bien réfléchir au développement de mes activités», jure-t-il.
Pratiquement le seul à résister aux péripéties liées à l’exploitation agricole au Bénin et à alimenter efficacement les chaînes de valeurs, bovins, ovins, caprins et volailles, Daniel Lonmadon ne fléchit devant aucune difficulté. « Tout le monde se rue dans les églises en espérant l’œuvre de Dieu, ignorant qu’il a créé l’homme à son image. Il faut que votre subconscient gagne votre vœu. C’est la seule manière d’aller de l’avant », conçoit-il.
Après ses nombreuses nuits blanches ponctuées de recherches en vue de l’essor de son entreprise, le voici désormais au-devant de la scène dans le monde agropastoral au Bénin et en Afrique de l’Ouest. « Les gens ont tenté vainement de me détourner de ce chemin auquel j’ai consacré toute ma vie. Je ne peux pas négliger ce travail parce que j’ai compris que notre système éducatif ne nous fait pas voir d’autres ouvertures que le travail de bureau », soutient-il.
Aujourd’hui, il gagne son pain à la sueur de son front. Les retombées sont palpables. « Je suis fier de mon parcours. J’ai pu asseoir une entreprise solide. Si j’étais dans l’administration, je serais déjà admis à la retraite. Or, c’est maintenant que je trouve de l’énergie pour mieux renforcer mon entreprise », assure-t-il.
Célébrer un échec
C’est toute une philosophie qui entoure le succès de Daniel Lonmadon. « L’année dernière, j’ai fêté mon échec à la Douane avec mes enfants ». Pour quelles raisons fête-t-on un échec ? Selon lui, l’obstacle est une source de motivation : « C’est devant les difficultés que je retrouve davantage de force. Mes anciens collègues de l’administration douanière qui y ont poursuivi leur carrière me tirent un coup de chapeau pour mon choix », rapporte-t-il.
Il ne saurait en être autrement au regard de l’investissement de cet exploitant agricole sur sa grande ferme. « Il est facile d’engranger des millions. Mon vœu le plus ardent, c’est de tout faire pour faire comprendre à la jeunesse béninoise les merveilles de l’entrepreneuriat », souhaite-t-il.
C’est pourquoi, il ne marchande pas ses efforts pour elle, quoique son manque d’intérêt pour la terre demeure pour lui, un casse-tête. « Les gens sont pressés d’avoir de l’argent. J’envisage d’associer la jeunesse à la production du foin qu’elle pourra vendre à prix d’or pendant la sécheresse aux grands éleveurs des pays voisins », projette-t-il.
Son rêve s’étend également à la production et à la transformation du palmier à huile. « Je me suis déjà procuré toutes les machines agricoles pouvant faciliter le travail. J’aurai suffisamment de main d’œuvre pour faire les poquets », se réjouit-il.
A 64 ans, Daniel Lonmadon déploie une énergie à nulle autre pareille pour l’essor du secteur agropastoral, convaincu que cette filière est la première voie de développement.